Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BREF

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 52-53).
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☞ BREF, Brève, adj. Qui est de peu de durée. Brevis. Bref est relatif à la durée du temps.

☞ Le temps est bref. On prolonge le bref. On allonge le court. On étend le succint. M. l’Abbé Girard. Syn.

Bref, signifie quelquefois, qui est de petite étendue. Ce commentaire est trop bref ; cela le rend obscur. C’est faire un mauvais usage de ce mot.

☞ On a dit autrefois bref pour petit, de petite taille, mais ce mot n’est plus d’usage dans cette signification, qu’en parlant du Roi Péin, qu’on appelle encore Pépin le bref.

☞ Le féminin brève n’est guère usité qu’en parlant d’une syllabe, pour dire qu’on la prononce vîte à la différence de celle qu’on prononce lentement. Par exemple, la première syllabe de race est brève, & la première syllable de grâce est longue. Pour prononcer une brève, il ne faut que la moitié du temps qu’on emploie à prononcer une longue, ce que les Grammairiens expriment en ces termes ; une brève n’a qu’une temps, & une longue en a deux. Le mot brève dans ce sens, s’emploie très-souvent comme substantif. Dans les livres de Prosodie latine, les brèves, ou syllables brèves se marquent par une espèce d’v consonne que l’on met sur la voyelle brève.

☞ On dit proverbialement & figurément qu’un homme sait les longues & les brèves de quelque chose, pour dire qu’il en sait toutes les particularités ; & qu’on lui a fait observer les longues & les brèves ; pour dire, qu’on lui a fait exécuter ponctuellement tout ce qu’on lui avoit prescrit. On dit aussi ; de fou juge, brève sentence, parce qu’un mauvais juge prononce bien vîte & sans être suffisamment instruit. C’est le dire d’Aristote, qui advertit ad pauca, facilè judicat.

Bref adv. Enfin : pour le dire en peu de mots. Breviter. Après quelques propos, on dit bref il n’en sera rien. On dit aussi en bref, pour dans peu de temps. Ce mot est du style familier. On dit aussi familièrement ; parler bref, pour dire avoir une prononciation trop prompte, trop précipitée.

Bref, état de compte, terme de commerce : compte abrégé, qui n’est pas dressé & rendu en forme.

Bref. s. m. est une lettre que le Pape écroit aux Rois, Princes ou Magistrats, sur quelques affaires publiques. Summi Pontificis diploma, epistola, brève. On peut appeler comme d’abus des brefs du Pape, lorsqu’ils sont contre les libertés de l’Eglise Galicane. Il y a à Rome des Officiers qui sont les Secrétaires des brefs. On définit un bref Apostolique, un rescript émané du Pape, ou du grand Pénitencier, sur des affaires brièves, légères & succinctes, expédié ordinairement en papier, sans préface, & sans préambule. Le Pape ne le souscrit point. Les brefs qui s’expédient par la Daterie & Secrétairerie sont aussi quelquefois sur du parchemin, & scellés de cire rouge du sceau du Pêcheur, qui est un cachet sur une bague où S. Pierre est représenté dans une barque en état de Pêcheur : il ne s’applique qu’en la présence du Pape. Il y a cette différence entre le bref & la Bulle, c’est que la Bulle est plus ample, qu’elle s’expédie toujours en parchemin, & qu’elle est scellée de plomb, ou de cire verte. Le bref est souscrit du nom du Secrétaire, & non pas du nom du Pape ; son adresse est sur l’envers. Il contient en tête le nom du Pape, séparé, & après Dilecto filio salutem & apostolicam benedictionem, &c. A notre cher fils salut & bénédiction apostolique ; & ensuite sans préambule, il explique simplement ce que le Pape dit, ou accorde. Voy Bulle.

Le Pape Alexandre VI, a beaucoup amplifié la matière des brefs, & c’est lui qui a institué le Collége des Secrétaires. Autrefois les brefs ne regardoient que les affaires de Justice ; aujourd’hui on les accorde pour des grâces, pour des dispenses. Voyez M. Auboux dans la Véritable Pratique Civile & Criminelle pour les Cours Ecclésiastiques, &c.

Ce mot vient de brevis, ou brève, qui se trouve dans les Anciens pour signifier écrit, ou lettre, comme on le peut voir dans les Acta SS. April. T. I, p. 413. Nos ancêtres disoient brief ; & en allemand on appelle encore à présent brief une lettre missive. De-là est aussi venu le mot de brevet. Ménage.

Bref, en plusieurs coutumes, se dit des lettres de Chancellerie qu’on obtient pour intenter action contre quelqu’un ; ou pour être maintenu, ou pour rentrer en possession d’un héritage, ou pour quelqu’autre raison. On se servoit autrefois du mot bref, pour toutes les actions qu’on intentoit en Justice. Cet usage s’est conservé en Angleterre.

Bref, est aussi un petit Calendrier ecclésiastique, qui contient l’ordre de réciter l’Office divin chaque jour de l’année, & selon le Rit de chaque Diocèse ou ordre Monastique. Ordo recitandi Officii divini. Le bref de Rome. Le bref de Paris. Le bref des Bénédictins. ☞ Dans plusieurs endroits on dit un directoire. On dit aussi par ironie & dans le style burlesque un guide-âne.

Bref, en termes de Marine, se dit en Bretagne d’un congé qu’on est obligé de prendre pour naviger, qui est de trois sortes. Rescriptum. Le bref de sauveté, qui se donne pour être exempt du droit de bris. Voyez d’Argentré, Hist. de Bret. L. I, p. 101, qui ajoute que s’il arrive qu’on se brise, & que dans les deux prochaines marées après être brisés, on prenne ces brefs des Fermiers des ports & havres, on est en sûreté de droit de bris, mais non pas des larrons, à qui, pour le droit de sauveté, on adjuge le dixième de ce qu’ils sauvent. Les Ducs de Bretagne donnoient autrefois des brefs pour la mer, & ceux qui les prenoient, étoient à couvert du droit de lagan, ou de bris. Lobineau, Hist. de Bret. T. I, p. 848.

Le second étoit un bref de conduit, pour être conduit hors des dangers de la côte. Les anciens Vicomtes de Leon donnoient aussi des sceaux, que l’on appeloit de conduit, parce qu’ils étoient obligés de faire conduire les vaisseaux de différentes nations qui passoient au Raz de S. Mahé. Et ceux qui ne prenoient pas ces sceaux, les Vicomtes étoient en droit de les poursuivre comme ennemis. Id. au même endroit.

Le troisième, bref de victuailles, pour avoir liberté d’acheter des vivres. On les appelle aussi brieux ; & on dit, parler aux hébrieux ; pour dire, obtenir ces brefs. Marie de Bretagne prétendoit de grands droits sur les brefs de Bourdeaux & de la Rochelle, contre son neveu Jean III, Duc de Bretagne. Le Duc de Bretagne avoit à Bourdeaux un Clerc qui tenoit son sceau pour délivrer des brefs aux Marchands de Gascogne, & autre qui trafiquoient sur les côtes de Bretagne. D’Argentré.

Breve, en termes de musique, est une notre blanche figurée comme un carré sans queue, qui vaut deux mesures.

Brève. s. f. Terme de monnoie, qui se dit de chaque fonte des monnoies, & des flans, carreaux, ou espèces, qu’on donne aux ouvriers pour les tailler, peser, ajuster, & y mettre toutes leurs façons. On les donne au poids & par compte, pour les rendre ensuite au Maître de la monnoie toutes façonnées. On les appelle ainsi, à cause que le Prévôt des ouvriers & des monnoyers en fait un petit registre ou bordereau, ou brève écriture.