Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BREBIS

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 50).
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BREBIS. s. f. Animal à quatre pieds, couvert de laine ; la femelle du bélier, & qui porte les agneaux. Ovis. Mener un troupeau de brebis. Elle vit neuf ou dix ans. Il y a dans le Pérou une sorte de brebis, tant sauvages que domestiques, qui approchent de la forme d’un chameau, à la réserve qu’elles sont sans bosse. Elles sont plus grandes que les brebis de l’Europe, & hautes le plus souvent d’une aune d’Espagne. Elles ont le cou long & rond, & la lèvre d’en-haut fendue. Les privées sont d’ordinaire blanches, ou noires, & quelquefois de couleur cendrée. Les sauvages sont rougeâtres ou fauves, & couvertes d’une laine longue, légère, luisante, & qui est beaucoup plus chère que celle des autres. On en fait un certain drap dont le lustre approche fort de celui du camelot. Leur chair est plus séche que celle de nos brebis. Elles courent d’une grande vîtesse ; sur-tout les sauvages. En Ethiopie les brebis n’ont point de toison. Celles de Turquie ont une queue longue & épaisse. Les brebis du Pérou & celles de S. Laurent portent à chaque fois trois ou quatre petits. Hist. des Incas, & Pyrard. L’on trouve dans toute la Chine des troupeaux de brebis par miliers, qui portent, comme en Tartarie & en Perse, de longues queues ; dont quelques-unes pesent 40 livres & plus. Ambass. des Holl. à la Chine, P. II. p. 92. Au Royaume d’Issiny en Guinée, les brebis portent régulièrement deux agneaux de cinq mois en cinq mois. Ce qui plaît dans la vie champêtre, c’est l’idée de tranquillité attaché à la vie de ceux qui prennent soin des brebis & des chèvres. Fonten. On voit Ajax essayer sa fureur sur une innocente brebis, qui semble jeter un accent plaintif pour implorer l’assistance des spectateurs. Vill.

alors pour se couvrir durant l’âpre saison,
Il fallut aux brebis dérober leur toison. Boil.

Heureux qui vit en paix du lait de ses brebis,
Et qui de leur toison voit filer ses habits. Racan.

Ces animaux étoient en vénération à Saïs en Egypte, apparemment à cause de leur utilité.

Ménage dérive ce mot de berbix, dont les Latins se sont servis en même signification, qu’il dit venir de vervex. Il allègue aussi qu’on a dit berbix, berbigale & berbicarius, d’où sont venus bercail & berger. Dans la vie de S. Gudwal, Evêque en Angleterre, on lit brebix, & non berbix, surquoi le P. Henschenius remarque, Act. SS. Junii, T. I. p. 746, que c’est la seule fois qu’il a trouvé ce mot, qui méritoit bien d’être dans Du Cange ; que cependant il faut qu’il ait été autrefois en usage, puisqu’il est resté dans la langue françoise. On le voit aussi dans les Loix Saliques, tit. 4, & Chifflet l’interpréte vervex. En françois, il a changé de genre, & ne signifie proprement que les femelles. On dit cependant quelquefois brebis en général, & pour l’espèce ; & un troupeau de brebis, quoiqu’il y ait des mâles, comme on dit mouton en général, & un troupeau de moutons, quoiqu’il y ait des femelles, & même en plus grand nombre.

Brebis, se dit figurément des Chrétiens qui sont sous un même Pasteur, ou sous le Chef de l’Eglise. Jésus-Christ dit à S. Pierre, paissez mes brebis. On le dit aussi de ceux qui sont sous le gouvernement spirituel d’un Curé, d’un Prélat. Combien de brebis errantes & dispersées, qu’un Pasteur soigneux & vigilant auroit ramenées dans le bercail, ont été malheureusement dévorées par le loup ! Fl. Dieu vous traite comme se brebis favorites, à qui le souverain Pasteur a réservé ses plus fertiles pâturages. Id.

Brebis, se dit proverbialement en ces phrases. Brebis comptées, le loup les mange ; pour dire, que ce n’est pas assez d’avoir compté son bien, son argent ; il faut encore avoir le soin de le bien garder. On dit aussi, quand on se fait brebis, le loup vous mange ; pour dire, que ceux qui sont trop endurans, qui ne savent pas se défendre, sont sujets à essuyer beaucoup d’oppressions & de violences, & qu’il ne faut point avoir trop de douceur & de condescendance. A brebis tondue Dieu lui mesure le vent ; pour dire, que Dieu ne nous envoie pas plus de mal que nous n’en pouvons porter. Faire un repas de brebis, quand on mange beaucoup sans boire. On appelle aussi, une brebis galeuse qu’il faut séparer du troupeau, une personne dont la compagnie est dangereuse. On a dit autrefois, brebis rogneuse fait souvent les autres teigneuses.

Morbida sola pecus inficit omne pecus.

Cela signifie que les défauts se communiquent aisément. On dit encore, brebis qui bêle, perd sa goulée ; pour dire, que quand on parle beaucoup, on perd le temps d’agir. Et cela se dit particulièrement de ceux qui parlent tant à table, qu’ils perdent le temps de manger. Quand brebis enragent, elles sont pires que loups ; pour dire, que les gens doux sont les plus terribles quand ils sont en colère.