Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BRÉSIL

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 54-55).
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BRÉSIL. Grande contrée de l’Amérique méridionale, le long de sa côte orientale. Brasilia. Alvarez Cabral, Portugal, appelle le Brésil, la terre de sainte Croix, parce que ce fut le jour de cette fête qu’il la découvrit en 1500, ou 1501. Les Hollandois se saisirent d’une partie de ce pays l’année 1629 & les suivantes. Leur Commandant le rendit aux Portugais par un traité l’an 1654. Ce traité fut ratifié en 1661. Quelques-uns divisent le Brésil en méditerranéen & en maritime. Les Portugais sont maîtres du Brésil maritime, qui contient douze cens lieues de côtes, que les Portugais partagent en quatorze Capitainies ou Gouvernemens. Les Sauvages occupent le Brésil méditerranéen, & l’on y distingue jusqu’à soixante & seize Nations. Le Brésil s’étend depuis le deuxième degré de latitude australe, jusqu’au quarante-cinquième ; ce qui fait 1075 lieues, en donnant 25 lieues au degré.

On a écrit quelquefois Brasil ; le P. Bouhours prétend même que Brasil se dit plus communément en parlant du pays. L’usage a changé, & l’on dit aujourd’hui, pour le moins aussi communément, Brésil, que Brasil. M. de la Neuville, dans son Hist. du Portugal, comme nous l’avons mis en sa place, & non pas Brésilien. Ce nom a été donné à cette contrée, parce qu’elle produit une très-grande quantité de bois nommé Brésil. Car ce n’est point ce pays qui a donné ce nom au bois, puisqu’il est certain que long-temps avant la première découverte, non-seulement du Brésil, mais de l’Amérique, ce bois s’appeloit Brésil, comme il paroît par le Dictionnaire hébreu de Rabbi David Kimhhi, appelé Sepher Schoraschim, Liv. des Racines. Car cet Auteur, qui vivoit sur la fin du XIIe siècle, & au commencement du XIIIe, dit à la racine אשר, & la racine לבם, que quelques-uns prétendent que le bois, que l’écriture appelle אלגמים, algumin, & une fois אלמגים, almughim, est le bois de teinture que les Arabes appellent אלבקם, albakam, & qu’on nomme en langue vulgaire Brésil. Et le Géographe Persien, cité par M. d’Herbelot au mot Bacam, qui est celui que les Arabes donnent à ce bois, aussi-bien qu’Edressi dans le troisième climat, écrivent que l’on trouve cet arbre dans les Îles de Rami, de Lameri, & de Kaulan. Perceval a dit :

Chemises & braves de chancil
Et chausses teintes en brésil.

Linsehot a donné la description de la terre du Brésil. Jarric, Liv. III. Herréra, c. 25, Barlé & M. de la Neuville, Hist. de Port. Liv. V. p. 69. Orosius, Liv. II. Maffé dans l’Hist. des Indes, en ont aussi parlé. Emmanuel Morais a écrit de Reb. Brasil. & Edouard d’Albaquerque, Guerra del Bresil. Nous avons en François l’histoire d’un voyage fait en la terre du Brésil, autrement dite Amérique, recueillie sur les lieux, par Jean de Léry.

BRÉSIL. s. m. Bois rouge & pesant, qui est fort sec, & qui pétille beaucoup dans le feu, où il ne fait presque point de fumée, à cause de sa grande sécheresse. Brasilicum lignum. On peut voir au mot Brésil, nom de Contrée, que ce bois n’a point été ainsi nommé, parce qu’il a été d’abord apporté du Brésil, & qu’il se nommoit ainsi avant la découverte de l’Amérique, & l’on ne sait d’où il a pris son nom. Les Arabes l’appellent Bacam, & le Géographe Persien, aussi-bien qu’Edressi, cités par d’Herbelot, disent que ses feuilles sont semblables à celles du jujubier ; que son bois est extrêmement rouge ; que ses racines sont un excellent remède contre la morsure des vipères ; & que la ville de Caulem, à la côte de Malabar, est située dans une plaine qui en est toute couverte, aussi-bien que l’Île Ramy. Voyez d’Herbelot à ces mots.

Quelques Teinturiers s’en servent pour les teintures : néanmoins il est défendu par les Réglemens ; & on l’appelle un fausse couleur, parce que son rouge s’évapore facilement. Néanmoins le rouge incarnat, la rose séche, & les canelas, sont teints avec du brésil & bois d’Inde ; & les violets sont montés de brésil & d’orseille, puis passés sur la cuve d’Inde. Les acides changent le brésil en jaune ; mais si on y met quelque alcali, il deviendra de couleur de pourpre : de sorte que si on met du citron, ou du vinaigre distillé dans la décoction du brésil, il deviendra jaune ; si on y met ensuite de l’huile de tartre, il se changera en violet, de même si on y met du bois d’Inde. L’arbre du bois de brésil qui s’appelle, dit M. de la Neuville, Arabouten, dans l’Amérique, est fort gros & fort grand, garni de longues branches, qui sont chargées d’une quantité prodigieuse de petites feuilles à demi rondes, d’un très-beau vert luisant, après lesquelles naissent les fleurs, qui sont d’un très-beau rouge, & d’une odeur très-agréable, du reste semblables à celles du muguet ; de ces fleurs il sort des fruits plats, dans chacun desquels il y a deux amandes plates, semblables aux graines de citrouilles. Cet arbre a une grande quantité d’aubourg qu’on ôte, aussi-bien que les branches, avant que de l’envoyer en Europe.

On dit proverbialement d’une chose très-séche, & qui brûle aisément, qu’elle est séche comme du brésil, qu’elle brûle comme brésil ; qu’elle prend feu comme brésil. On le dit aussi d’une personne fort séche & fort maigre, ou qui se met aisément en colère, qui prend feu pour peu de chose, ou qui a des manières séches ; & même du style d’un Auteur sec & sans aménité, & par conséquent du style simple & familier.