Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BOUILLIR

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 991).
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BOUILLIR. v. n. Fervere, bullire. Ce verbe se conjugue ainsi. Je bous, tu bous, il bout. Nous bouillons, vous bouillez, ils bouillent. Je bouillois. Je bouillis. J’ai bouilli. Je bouillerai. Bous. Que je bouillisse. Je bouillerois. C’est se renfler, se gonfler, se raréfier, soit par la chaleur naturelle de la fermentation. Voyez Fermentation ; soit par un feu actuel qu’on applique au-dessous de quelque liqueur. Le vin, le cidre bouillent dans les tonneaux en fermentant. La chaux vive bout quand on l’arrose d’eau. Voyez Chaux. L’eau bout sur le feu. Il y a des lacs qui bouillent quand il doit arriver quelque orage.

Les particules du feu poussées en tourbillon avec une grande vitesse, passent à travers les pores du vaisseau, & se mêlant avec la liqueur, communiquent leur mouvement à ses parties. Cette action continuée rend le mouvement du fluide plus violent. Les particules du feu venant à frapper sur celles du fluide qui sont au fonds du vaisseau les poussent en haut, pendant que celles du haut descendent vers le fond : ce qui fait un flux continuel du fluide du fond vers le haut, & du haut vers le fond du vaisseau.

L’eau froide, dans la machine pneumatique, paroît bouillir, quand on a pompé l’air, parce que l’air renfermé dans les interstices de l’eau, n’étant plus pressé par l’air extérieur, se dilate, se dégage avec force, souleve l’eau, & produit une espèce d’ébullition.

Bouillir, se dit d’un vaisseau dans lequel est la liqueur qui bout, & des autres choses qu’on met dedans pour les cuire, ou pour les épaissir. La marmite bout. Faire bouillir. Fervefacere. On fait bouillir la viande pour faire de la soupe. On fait bouillir du miel, du sucre, du sirop, pour lui donner une consistance plus épaisse.

On dit figurément des gens courageux & ardens, que leur sang leur bout dans les veines. On le dit aussi de ceux qui sont encore dans la vigueur de leur jeunesse ; ce qui fait dire à Malherbe ; quand le sang bouilloit dans mes veines, je, &c.

Ceux à qui la chaleur ne bout plus dans les veines,
En vain dans les combats ont des soins diligens,
Mars est comme l’amour, ses travaux & ses peines,
Veulent de jeunes gens.

On dit encore de ceux qui sont exposés à la grande ardeur du soleil, que la tête, que la cervelle leur bout. On dit encore de celui qui est agité de quelque violente passion d’amour, de colère, & sur-tout d’impatience, qu’il bout de rage, de vengeance ; & absolument qu’il bout.

On dit proverbialement il me semble qu’on me bout du lait ; pour dire, qu’on se moque de moi. Dans cette phrase bouillir est employé activement. On peut aussi s’en servir dans un sens favorable, pour signifier, faire plaisir à quelqu’un, lui dire des choses agréables. Loin de le fâcher, c’est lui bouillir du lait. On dit qu’un homme n’est bon ni à rôtir ni à bouillir ; pour dire, qu’il n’est propre à rien, que c’est un homme inutile. On dit aussi d’un profit qui vient journellement, que cela fait bouillir la marmite. Mainard a dit que le feu des vers n’est point propre à la faire bouillir, c’est-à dire, qu’il ne peut fournir à la dépense de la maison. Toutes ces expressions sont populaires.

BOUILLI, IE. part. & adj. Ce qui a bouilli. Decoctus. L’eau bouillie perd ses crudités. Bouilli, en parlant des viandes qu’on a fait bouillir dans l’eau. Elixus. La viande bouillie est plus aisée à digérer. Bouilli se prend aussi substantivement pour la viande qui a bouilli dans l’eau. Elixum. Le bouilli est un aliment succulent & nourrissant, sur-tout celui du bœuf.

On appelle proverbialement un visage de cuir bouilli, un homme qui a le teint noir, le cuir épais & rude. On dit aussi, pour mépriser un mets mal apprêté, rôti, bouilli, traîné par les cendres.