Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BONTÉ

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 965-966).
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BONTÉ. s. f. En parlant de Dieu, attribut de la Divinité, quand on la considère souverainement bonne à cause de sa clémence, de sa miséricorde, de ses grâces. Bonitas.

Rien n’est plus incertain que notre dernière heure :
Heureuse incertitude, aimable obscurité,
Par où la divine bonté
A veiller, à prier sans cesse nous convie.

l’Abbé Tétu
.

Il se prend aussi pour les effets de cette bonté, c’est-à-dire, pour les faveurs, pour les bienfaits que Dieu répand sur les hommes par bonté.

Bonté, en Physique, est la qualité de ce qui est bon dans son genre, ce qui le perfectionne. La bonté de la terre. La bonté de l’or. On ne sauroit trop louer la bonté de cette étoffe. On admire la bonté de son esprit, de sa mémoire. Il se confioit en la bonté de la place. Vaug. Les machines ne firent pas grand effet à cause de la bonté du mur. Ablanc.

Dans les ouvrages d’esprit il y a une bonté qu’on appelle poëtique, & qui consiste dans la ressemblance du portrait avec le modèle. Néron peint dans une Tragédie avec toute sa cruauté à une bonté poëtique.

Bonté, en Morale Chrétienne, se dit de la vertu, & particulièrement de la charité, de la douceur des mœurs, de l’inclination à assister son prochain ; de la patience à souffrir les afflictions, les injures. C’est pour ainsi dire, l’humanité manifestée par des effets réels. La bonté est la source de toutes les vertus bienfaisantes, parce qu’elle paroît la plus opposée à l’amour propre, qui rapporte tout à sa propre utilité. M. Esp. Les ambitieux ne pratiquent la bonté que par une envie de régner dans tous les cœurs, & dans tous les esprits. Id. Nul ne mérite d’être loué de bonté s’il n’a pas la force d’être méchant. Toute autre bonté n’est le plus souvent qu’une paresse, ou une impuissance de la volonté. La Rochef. Il est malaisé de distinguer la bonté générale, & répandue sur tout le monde, de la grande habileté. Id. La bonté n’est pas une qualité fort louable quand elle n’est pas accompagnée d’esprit & de jugement, sans quoi elle est fade & ennuyeuse. M. Scud. Les hommes sont aisément convenus que la bonté est une vertu, parce qu’il n’y a point de bonne qualité dont ils tirent plus d’avantage que de la bonté. M. Esp.

☞ Rien n’est plus louable que la véritable bonté : la plûpart de ceux qui croient en avoir, n’ont d’ordinaire que de la complaisance ou de la foiblesse ; mais enfin la bonté dont on croit que l’amour propre est la dupe, est au contraire le plus utile de tous les moyens dont il se sert pour arriver à ses fins. C’est un chemin dérobé par où il revient à lui-même plus riche & plus abondant : c’est un désintéressement qu’il met à usure ; c’est un ressort délicat avec lequel il réunit, il dispose, & tourne tous les hommes en sa faveur.

Bonté, dans les Princes, se dit particulièrement de leur clémence.

Bonté, se dit aussi des actions, & est opposée à malice. La bonté d’une action dépend souvent de l’intention avec laquelle on la fait.

☞ La bonté morale est la conformité de la conduite avec ce qui est, ou qui est censé être la règle & le modèle des mœurs.

Il signifie aussi, simplicité, facilité, sottise. Simplicitas. Cet homme s’est ruiné par sa bonté.

Bonté, se dit aussi de ce qui se fait par honnêteté, par simple civilité. Vous aurez la bonté de faire tenir ma lettre. Je rends grâces à vos bontés. Votre bonté à me favoriser de votre attention, m’a fait prendre la liberté d’étendre mon discours. Ne craignez point que j’abuse de votre bonté. Ils ne peuvent manquer de bonté pour moi, eux qui en ont pour tout le monde. Voit. En mythologie, la bonté est représentée comme une Déesse vêtue de gaze d’or, couronnée de rue, avec un Pélican entre ses bras. Sa guirlande marque qu’elle n’a pas moins de force à exterminer les mauvaises pensées, que la rue a de vertu contre les malins esprits. Le Pélican est le symbole de son ardente charité. Sa robe est d’un métal qui se fait aimer par-tout. Rochef.