Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BITURIGE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 916).
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BITURIGE. s. m. & f. Biturix. Nom d’un ancien peuple de Gaule, qui occupoit ce qu’on appelle aujourd’hui le Diocèse de Bourges, c’est-à-dire, le Berry & une partie du Bourbonnois, & dont Bourges étoit la ville capitale. César & Tite-Live, Pline, Lucain, Florus &c. disent toujours Biturix, & Bituriges. La table de Peutinger dit Beturiges ; d’autres disent Betorici, & Bitorices, Grégoire de Tours Biturici.

Entre tous les peuples de la Gaule, ceux qui portoient particulièrement le nom de Celtes, ont été les premiers conquis parmi les nations étrangères, & depuis que les Bituriges se furent mis en possession de lui donner des Rois, elle fut si heureusement gouvernée, qu’elle devint bientôt la plus florissante. Cordem. Lorsque le premier Tarquin étoit Roi de Rome, Ambigat, l’un des Bituriges, étoit Roi des Celtes. Id. & comme dit Tite-Live, les Bituriges étoient en possession de l’Empire des Celtes. Ce prince, pour décharger le pays, qui étoit trop peuplé, envoya un très-grand nombre d’hommes, de femmes & d’enfans, sous la conduite de Sigovèse & de Bellovèse, enfans de sa sœur. Le sort donna à Sigovèse la forêt Hercynie, dont une partie a été appelée depuis la forêt noire. Plusieurs croient qu’entre les peuples qui suivirent Sigovèse, il y eut des Bituriges, des Volces-Tectoslages, des Boiens, des Sénonois, des Andes & des Bellovaciens. Ce qui le fait croire, c’est qu’on a trouvé dans la Germanie des nations & des pays qui portoient le nom de ces peuples, & suivant cette conjecture les Bituriges auroient occupé ce qui est entre la Frise & le Wezer : on dit même que ce fleuve fut nommé Viturgis, ou Biturgis, du nom de ce peuple. Id. La colonie de bellovèse composée de Bituriges, d’Arvernes, de Sénonois, d’Eduens, d’Ambarres, de Carnutes, & d’Aulerques-Cénomans, se partagea en deux bandes l’une tourna vers les Pyrénées, & l’autre avec Bellovèse passa les Alpes : tous les peuples voisins s’enfuirent devant eux. Quelque temps après les Toscans voulurent s’opposer à ces Gaulois ; ils furent défaits, & les vainqueurs se rendirent maîtres de toute la partie occidentale de l’Italie, qu’on a nommée depuis Gaule Cisalpine. Au temps de César les Bituriges étoient sous la protection des Héduens.

Les Bituriges Cubes sont ceux qui occupoient le Berry & une partie du Bourbonnois, ainsi appelés Bituriges Cubi, pour les distinguer des autres Bituriges dont nous parlerons tout-à-l’heure. Ils avoient un grand nombre de villes ; & César rapporte que Vercingentorix en fit brûler plus de vingt en un seul jour. Leur capitale étoit Bourges, comme elle l’est encore du Berry. Quelques Auteurs les appellent Berruyers, comme on fait maintenant ; mais il vaut mieux dire Bituriges en parlant de ces anciens temps, comme a fait M. de Cordemoy en l’expliquant ensuite. Mais il ne faut pas dire Biturigeois, comme Chauméau dans son Histoire de Berry, ni recevoir les étymologies qu’il donne de ce nom, & les histoires fabuleuses qu’il rapporte de l’origine des Bituriges, fondées sur le faux Bérose & sur les contes d’Annius de Viterbe ; & la Thaumassiere a raison de les rejeter comme fausses & romanesques. Liv. I, ch. 2.

Les Bituriges Vibesques sont un peuple de Gaule, entre les Santonois & les Aquitains. Scrabon dit qu’ils étoient les seuls de l’Aquitaine, qui fussent ἀλλόφυλοι, c’est-à-dire, comme plusieurs l’interprètent, venus d’ailleurs ; expression par laquelle ils croient avec raison que ce Géographe a voulu marquer que c’étoit une colonie des premiers Bituriges. Il est certain que César n’a jamais parlé que des Bituriges Cubes, & que de son temps il n’y avoit point encore de Bituriges Vibesques. M. de Marca prétend que Strabon par le terme ἀλλόφυλος, ou ἀλλοεθνὴς comme il parle ailleurs, n’a point entendu une nation étrangère, mais une nation distincte & séparée de l’Aquitanique ; & que par cette véritable, quoique nouvelle explication, l’on détruit la prétendue colonie du peuple de Berry. Mais pour peu qu’on ait d’usage de la langue grecque, on sait qu’ἀλλόφυλος, n’a point ce sens, non plus qu’ἀλλόφυλος, & qu’il ne signifie autre chose qu’un étranger, un homme venu d’ailleurs. Et s’ils sont originaires du pays, comme les Santonois & les Aquitains, pourquoi César n’en parle-t-il jamais ?