Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BIBLIOTHÈQUE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 887-888).

BIBLIOTHÈQUE. s. f. Appartement ou lieu destiné pour y mettre des livres ; galerie, bâtiment plein de livres. Bibliotheca. On le dit aussi des livres en général qui sont rangés dans ce vaisseau.

Quelques auteurs rapportent l’origine des bibliothèques aux Hébreux, & ils disent que le soin qu’ils eurent de conserver les livres divins, & les mémoires qui concernoient les actions de leurs ancêtres, fut un exemple pour les autres nations, & principalement pour les Egyptiens. Osymandrias, Roi d’Egypte, voulut qu’il y eût une bibliothèque dans son Palais, & que l’on mit sur la porte ψυχῆς Ἰατρεῖον. Les Ptolomées, qui régnèrent dans le même pays, furent aussi curieux & magnifiques en livres. L’Ecriture Sainte parle d’une bibliothèque des Rois de Perse, 1. Esdr. V. 15, VI. 1. Quelques-uns veulent qu’elle fût composée principalement des Historiens de la nation, & des mémoires qui regardoient les affaires ; mais il semble que c’étoit plutôt un trésor des titres, ou des chartres & ordonnances des Rois, qu’une bibliothèque. Le texte hébreu l’appelle d’abord seulement la maison des trésors, & ensuite la maison des livres des trésors. On pourroit plus justement appeler bibliothèque, celle que l’auteur du second livre d’Esdras dit que Néhémie construisit, & dans laquelle il rassembla les livres des Prophètes & de David, & les lettres des Rois.

Le premier qui en dressa une à Athènes, fut le Tyran Pisistrate. À la vérité Strabon, dans le 17e livre de sa Géog. assure qu’Aristote fut le premier d’entre les grecs qui se mit en peine d’amasser plusieurs livres, & de dresser une bibliothèque ; mais il est constant que long-temps avant Aristote, Pisistrate en avoit faite une à Athènes, que Xercès transporta en Perse, & que Séleucus Nicanor fit reporter à Athènes. Voyez Aulu-Gelle, Liv. VI, ch. 17. Dans la suite Sylla la pilla : Adrien la rétablit. Voyez sur cette bibliothèque & ses ornemens. Meursius, Athen. Att. L. III. C. 5.

Plutarque dit que sous Eumènes, la bibliothèque de Pergame contenoit 200000 volumes. Tyrannion, Grammairien célèbre, contemporain de Pompée, avoit une bibliothèque de 3000 volumes. Celle de Ptolomée Philadelphe en contenoit, au rapport d’Ammien Marcellin, 700000. Ces volumes étoient des cahiers en rouleaux. Elle fut presque entièrement brûlée par les gens de César.

Constontin & ses successeurs érigèrent à Constantinople une magnifique bibliothèque. Julien fit transporter à Antioche la riche bibliothèque de Georges, faux Patriarche d’Alexandrie. Valens & Théodose le jeune, entre les autres, prirent à cœur d’accroître la bibliothèque de Constantinople ; ensorte qu’au VIIe siècle, lorsque Léon l’Isaurique la fit brûler, il y avoit 300000 volumes, & un entr’autres, où l’Iliade &’l’Odissée d’Homère étoient écrites en lettres d’or sur les boyaux d’un serpent.

Les plus fameuses bibliothèques de l’ancienne Rome étoient l’Ulpienne & la Palatine. On vante aussi celle de Paul Emile, qui vainquit Persée ; de Lucilius Lucullus, d’Asinius Pollio, de Julius Sévérus, de Domitien, de Séranus, de Pamphyle le martyr, & de l’Empereur Gordien. Voyez Picard, Celtoped. Liv. V, p.217, 218. César en avoit plusieurs très-bien fournies : Cicéron avoit aussi fait beaucoup de dépense à la sienne, comme il paroit par sa lettre 77e du L. XIIIe. Il disoit qu’il préferoit la bibliothèque de P. Atticus à toutes les richesses de Crassus. La bibliothèque de Trajan, dressée par les soins de Pline le jeune, étoit aussi fort ample & fort belle. Sénèque, De Tranquil. cap. 9, parle de bibliothèques qui contenoient des livres sans nombre, & dont le maître n’avoir pas seulement lu le catalogue en sa vie. La première bibliothèque publique à Rome fut l’ouvrage d’Asinius Pollio.

Autrefois les grandes Eglises avoient des bibliothèques. Saint Jérôme, contre Jovinien, fait mention des bibliothèques des Eglises. Eusébe, Liv. V, ch. 4, parle de celle de Jérusalem, faite par l’Evêque Alexandre. Saint Jérôme, sur l’Epitre à Tite, & dans son troisième Livre contre les Pélagiens, de celle de Césarée ; Anastase, dans la vie de Gélase, de celle de Rome. Et dans la vie d’Hilarius il dit qu’il fit deux bibliothèques dans le Baptistère de Latran. Le Pape Nicolas V a été curieux d’amasser des livres ; c’est lui qui a jeté les fondemens de la bibliothèque du Vatican en 1450. Elle fut ruinée par le Connétable de Bourbon au sac de Rome, & rétablie dans la suite par Sixte V. Elle s’est fort enrichie des débris de celle de Heidelberg, qui fut pillée par le Comte de Tilly, en 1621.

Une des plus accomplies bibliothèques de l’Europe, a été celle qui fut dressée à Florence par Cosme de Médicis, le Patron des Muses. Les Ducs de Florence ont fait graver sur la porte de leur bibliothèque, Labor absque labore. François I, qui avoit une passion extraordinaire pour les sciences, chargea le savant Budé du soin d’ériger une bibliothèque : elle a été fort augmentée par le Cardinal de Richelieu, & elle doit le comble de sa gloire à M. Colbert ; en sorte que la bibliothèque du Roi est peut être la plus riche, la plus nombreuse la plus curieuse de l’Europe. La bibliothèque de l’Empereur est composée de 80000 volumes, & de 15940 médailles curieuses, comme témoigne Lembétius.

M. le Galois a publié en 1650, un Traité des bibliothèques. Coringius en a fait un de la composition d’une bibliothèque par rapport à celle de Wolfenbutel, qui est fort ample & fort curieuse. Il n’y a peut-être point de meilleur Traité des bibliothèques anciennes & modernes, que celui de Lomeyer, imprimé à Zurphen, en 1669.

On dit figurément d’un homme savant, que c’est une bibliothèque vivante. Béroalde a été appelé une bibliothèque vivante par Pic de la Mirandole, & Longin par Wormius.

Bibliothèque de Bacchus, se dit quelquefois dans le discours familier & en plaisantant, d’une cave garnie de vin. On dit d’un bon biberon, qu’il a une bibliothèque pleine de bons in-folio, qu’il visite souvent sa bibliothèque.

Vingt muids rangés chez moi sont ma bibliothèque.

Boil.

Durandus témoigne qu’on a appelé bibliothèque les livres de l’ancien & du nouveau Testament : c’est un nom qu’on leur a donné par excellence.

Ce mot vient du grec βίϐλος, & θήκη, comme librorum repositorium.

Bibliothèque, est aussi un recueil, une compilation de plusieurs ouvrages de même nature, ou d’Auteurs qui ont compilé tout ce qui se peut dire sur un même sujet. Collectanea, exceptiones, excerpta. Apollodore d’Athènes, qui vivoit du temps de Ptolomée Evergète, Roi d’Egypte, environ 240 ans avant Jesus-Christ, a donné le premier l’idée de ces sortes d’ouvrages. La bibliothèque de l’origine des Dieux que ce célébre Grammairien composa, a trouvé des imitateurs en chaque genre de littérature, comme on le va voir. La bibliothèque historique de Diodore de Sicile est une histoire générale de tous les temps, ou un recueil de plusieurs points historiques de tous les temps. La bibliothèque des Peres, est un recueil des ouvrages de divers Peres. Il fut commencé par Marguarin de la Bigne, Docteur de Sorbonne, sur la fin du XVIe siècle. Il y en a eu depuis cinq éditions, dans chacune desquelles cet ouvrage a toujours grossi. Les deux plus amples sont celle de Cologne qui est en 15 volumes, & celle de Lyon faite en en 1678, qui est de 27 vol. la plus ample après celle-ci est celle de Paris, 1644, en 18 volumes. Mais il y a un grand défaut, c’est que les ouvrages des Peres grecs n’y sont qu’en latin dans des traductions. La bibliothèque du Droit François par Laurent Bouchel. Pierre d’Alva a fait la bibliothèque de la Conception de la Vierge en six volumes. Enfin, on appelle bibliothèque, un livre qui parle indifféremment de toutes sortes d’Auteurs & d’écrits sur différentes matières. Photius, parmi les Grecs, nous a laisse une bibliothèque, où il a donné l’abrégé de près de 300 volumes de différens Auteurs, & porté son jugement sur chacun.

On a appelé Bibliothèque volante, des recueils de diverses pièces qui n’excèdent pas six feuilles. M. Bayle a nommé ces sortes de pièces, des pièces fugitives, parce qu’elles se perdent, & qu’on les néglige à cause de leur petitesse ; comme des Panégyriques, Harangues, Descriptions de fêtes, &c. telle qu’est celle de Jean Cinelli, Italien, Académicien de Florence, qu’il appelle bibliothèque volante, Bibliotheca volante, imprimée en 1677, La bibliothèque des Philosophes Chimiques, contenant plusieurs traités & dialogues d’Hermès, de Marie, de Calid, de Morien, d’Artéphius, de Géber, &c. il y a une bibliothèque anatomique faite par Le Clerc & Manger, Médecins de Genève, qui ont rassemblé en un corps un grand nombre de traités singuliers d’Anatomique.

On appelle aussi bibliothèque, les livres qui contiennent les catalogues des livres qui composent les bibliothèques. Librorum catalogi, indices. Gesner, Possevin, Photius ont fait des bibliothèques. La bibliothèque de M. de Cordes, de M. de Thou par Bouilland. Le Pere Labbe, Jésuite, a fait la bibliothèque des bibliothèques : c’est un livre in-8o qui contient seulement le catalogue de ceux qui ont écrit des bibliothèques. On y trouve un recueil de tous les catalogues de livres qui ont été faits jusqu’à son temps, par les Auteurs de toutes sortes de nations, les Elogistes des hommes illustres, les plus fameux Imprimeurs & Libraires de l’Europe, & tous ceux qui ont écrit des cabinets célèbres, des monnoies, des poids & des mesures, des inscriptions & monumens de l’antiquité.

Martin Lippenius, Allemand, a fait une bibliothèque réelle de Philosophie, Médecine, Jurisprudence & Théologie, en quatre volumes in-fol. qui contient les noms des Auteurs qui ont écrit de ces sciences. Il l’appelle réelle, parce qu’il suit l’ordre des matières. Michel Hertzius a fait la bibliothèque d’Allemagne, ou le recueil des Auteurs qui ont écrit des affaires de ce pays là.

En France on n’a point encore une bibliothèque générale de tous les Auteurs. Il y en a de particulières du sieur de la Croix du Maine, Manceau, & d’Antoine du Verdier. La bibliothèque Françoise de Sorel, est un livre où l’on a prétendu dresser une bibliothèque qui ne soit composée que de livres françois, & qui soit néanmoins suffisante pour parvenir à l’Encyclopédie. L’Espagne en a une par Nicolas Antonio. Il y a aussi une bibliothèque d’Espagne de Peregrinus, ou d’André Scot, des Ecrivains Espagnols en 1608. Sa bibliothèque Sainte de Sixte.

Bibliothèque Rabbinique. C’est un livre qui contient une liste des Rabbins qui ont écrit, de leurs ouvrages, des éditions de ces ouvrages, du temps qu’ont vécu les Auteurs, des lieux & des années auxquelles leurs ouvrages ont été imprimés. Il y a plusieurs bibliothèques rabbiniques. Manassé Ben Israël, R. Jean-Baptiste Jonas, Juif converti au Christianisme, en ont commencé deux que la mort les empêcha de finir. R, Schabtai Ben