Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BELIER

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 842-843).
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BELIER. s. m. C’est le mâle de la brebis. Aries. Le belier colonel de la laineuse troupe. Ronsard. Un divertissement des Rois de Perse est de faire choquer des beliers, pour qui l’on parie de tous côtés, pendant que les maîtres & les intéressés de part & d’autre les animent au combat. Wicqfort. Il ne faut qu’un bon belier pour tout un troupeau de brebis. Quand les Romains déclaroient la guerre à quelqu’un de leurs voisins, le Héraut appelé Fecialis prenoit un belier, le conduisoit sur les terres de l’ennemi, & l’y abandonnoit, pour marquer que ces terres seroient bientôt des pâturages du peuple Romain.

☞ Cet animal dans les premiers temps de sa vie s’appelle agneau, & prend celui de mouton quand il a été coupé. On ne garde de beliers dans un troupeau qu’autant qu’il en faut pour féconder les fémelles.

Ménage dérive ce mot de vellarius, qui a été fait de vellus, toison. D’autres de balarius, ou de balare, Borel de belin, vieux mot françois, qui signifioit sot & mouton ; le Pere Thomassin de l’hébreu Bahal, dominus, maître, parce que le belier est le maître du troupeau, il y domine ; mais cette étymologie est tirée de bien loin ; Guichard de יובל, Jobel, mot hébreu, qui se donne au même animal.

Belier en parlant des guerres anciennes, est une grosse poutre de bois ferrée par le bout, & qui a quelquefois des pointes en forme de cornes de belier. Aries, arietaria machina. Les Anciens s’en servoient avant l’invention du canon pour battre les murailles d’une ville. Il y a plusieurs sortes de beliers décrits dans Juste Lipse, Végéce, & autres. M. Félibien dit qu’il y avoit trois sortes de beliers ; les uns qu’on suspendoit à des cordes ; kes autres qui couloient sur des rouleaux ; & les autres que soutenoient sur leurs bras ceux qui les faisoient agir contre la muraille qu’on vouloit battre. Vitruve assure que ce furent les Carthaginois qui inventèrent le belier pendant qu’ils assiégeoient Cadis. Ils se servirent d’abord d’une grosse pièce de bois que plusieurs hommes tenoient entre leurs bras, & dont ils donnoient de grands coups contre la muraille. Péphasmenos Tyrien, trouva le moyen de suspendre cette grosse pièce de bois à une autre. D’autres partagent entre Geras & Péphasmènos la gloire d’avoir trouvé le moyen de suspendre le belier. La machine qu’on opposoit au belier pour en arrêter la force, s’appelle Loup. Joséphe, de la guerre des Juifs, Liv. III, ch. 15, remarque que ce qui fit donner à cette machine le nom de belier, c’est qu’elle étoit armée au bout d’un gros fer qui avoit la forme de tête de belier, & apparemment on lui donna ce nom & cette forme, parce qu’elle doguoit les murailles à peu près comme les beliers doguent les uns contre les autres, c’est-à-dire, parce qu’elle frappoit les murailles à peu près de même qu’un belier heurte son adversaire. Enfin, Polydus Thessalien perfectionna cette machine, pendant le siége que Philippe, Roi de Macédoine, & fils d’Amintas, mit devant Byzance, aujourd’hui Constantinople. Il y a pour tant quelques Critiques qui prétendent que les Grecs menèrent Epeus au siége de Troye, & que ce fut lui qui inventa le belier pour abattre les murs de cette ville. Felib. Les François se servoient comme les Romains de tortues, ou de galeries couvertes, pour faire jouer contre les murailles cette longue & grosse poutre ferrée par le bout, à qui on avoit donné le nom de belier, & qui par le moyen des cables où elle étoit suspendue, étoit poussée contre la muraille, pour la rompre & l’abattre. P. Dan.

Belier. Aries. Terme d’Astronomie. Le premier des douze signes du Zodiaque où le soleil entre au mois de Mars : c’est le point d’où on commence à compter les degrés du Zodiaque suivant l’ordre & la succession des signes. Cette constellation est composée de treize étoiles, selon Ptolomée : c’est le domicile de Marsn & l’exaltation du soleil, & elle fait avec le lion & le sagittaire le trigone de feu. Les Poëtes ont feint que c’est le belier qui portoit la toison d’or, & sur lequel Phryxus se sauva avec sa sœur Hellé, en fuyant la persécution d’Ino, femme d’Athamas Roi de Thèbes. En traversant l’Hellespont sur ce bellier, Hellé effrayée tomba dans la mer, & donna le nom à l’Hellespont. Phryxus passa dans la Colchide, où il sacrifia son belier à Jupiter : & ce belier fut placé au ciel. Poëtiquement le belier signifie le printemps : on ne voit point la fourmi,

Affronter en plan champ les fureurs de Janvier,
Ou demeurer oisive au retour du Belier.

D’autres disent que c’est celui qui montra une fontaine à Bacchus errant dans les déserts de Lybie, & pressé de la soif. On dit que ce sont les Egyptiens qui ont donné le nom de belier au premier signe du Zodiaque, & cela à l’honneur de Cham, ou de Jupiter Ammon, que l’on représentoit avec des cornes de belier pour marque de sa puissance. Cependant cette constellation n’a pas seulement passé pour le signe de Jupiter Ammon, mais encore pour celui de Minerve, & c’est ainsi que Virgile l’appelle, Enéid. Liv. XI, v. 258, & c’est parce qu’il est le premier des signes, & qu’il conduit, pour ainsi dire, les autres, qu’on en a fait le signe de Minerve, Déesse de la prudence & de la conduite, & ce qui a fait dire à Manilius, Liv. II.

Consilium ipse suum est Aries, ut Principe dignum est.

Sa figure en Astronomie est ♈ ; dans les ouvrages des Grecs ses cornes sont plus tortillées en forme de volute. On peut voir sur tout ceci le Cœlum Astronomicum de Cæsius, pag. 21. Saumaise sur Solin, p. 1236, & Vossius de Idolol. Lib. II, cap. 36.