Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BELIAL

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 842).

BELIAL. s. m. C’est le nom qu’on donne au démon, & qui signifie en général quelque chose de fort mauvais, fort malin ; celui qui ne sauroit souffrir le joug : ce qui convient très-bien au démon, aux libertins, & aux grands pécheurs. S. Paul, i, Cor. VI, 15, donne ce nom au démon, & l’oppose à J. C. Quel accord entre J. C. & Belial ? Port-R. Et quelques-uns croient en effet que c’est un nom du démon : Aquila le rend par Apostat, Ἀποστάτης, & Suidas au mot Βελίαρ, où il faut lire Βελιάλ, comme a remarqué Hoffman, & comme M. Kuster a corrigé, Suidas dit que c’est là sa signification en hébreu. La Paraphrase chaldaïque l’interpréte רשעא, impiété, méchanceté ; mais je ne sai où un Auteur moderne a pris que Belial est le nom d’une idole des Sidoniens : ce Dieu de Syrie a échappé, si je ne me trompe, à Seldenus.

L’Ecriture fait entrer ce nom dans plusieurs phrases que notre langue a consacrées ; ainsi l’on dit, enfans de Bélial, Deut. XIII, 13. Des enfans de Bélial sont sortis de vous, qui ont détourné du Seigneur les habitans de la ville. Sac. Fille de Bélial, i, des Rois I, 16. Anne répond au grand Prêtre Héli, qui l’accusoit d’être ivre, ne croyez pas que votre servante soir comme l’une des filles de Bélial. Sacy. & Semeï dit à Davis, II, des Rois, XVI, 7. Sort, homme de sang, & homme de Bélial. Id. David dit au même livre, XXII, 5. Les douleurs de la mort m’ assiégé, les torrens de Bélial m’ont épouvanté. Id. Nahum I, 15, promet à Juda que Bélial ne passera plus au milieu de lui ; parce qu’il est entièrement détruit. R. David Kimhhi, dans son Commentaire, dit que Bélial signifie Sennacherib, qui étoit mort.

Ce mot est hébreu, mais il n’est pas aisé d’en déterminer l’étymologie. Quelques-uns prétendent qu’il est formé de la négation בל, ou בלי, & de עול, joug, & qu’il signifie un homme qui n’a point de joug, & qui ne le peut souffrir, qui secoue le joug de Dieu, de la loi, de sa conscience, un impie, un scélérat. Il semble que ç’ait été là le sentiment des Septante, qui traduisent בני בליעל, enfant de Bélial, παράνομοι. Ils le traduisent encore en d’autres endroits, λοιμὸς, ἀσεϐὴς, ἄφωρον, ἀνόμημα, ἀνομία, παλαίωσις. Peut-être aussi étoit-ce le sentiment d’Aquila, qui le rend par Ἀποστάτης, Apostat. C’est celui de S. Jérôme, de plusieurs Modernes aussi-bien que des Thalmudistes au Traité Sanhédrin, & le R. Schélomoh, Deuter. XIII, 13. D’autres, en y donnant le même sens, le tirent de בלי, non, & על, sur, au-dessus, comme si l’on avoit voulu dire que c’est un homme qui ne peut souffrir personne au-dessus de lui, ni maître, ni supérieur, &c. Ceux qui croient que c’est un nom du diable, le dérivent de la même négation בלי, sans : & de עליון, qui signifie le Très-Haut, pour dire, celui qui est séparé du Très-Haut. Arias Montanus le compose de בלי, non, & עלה, monter, de sorte que Bélial, selon lui, est la même chose que celui qui ne monte point, qui n’avance, qui ne profite point, absque profectu, homo frugi, profectus & emendationis expers. Il a pris cette interpretation de R. D. Kimhhi, qui explique ce mot בלי יעלה וילעליה, qui ne monte & ne prospere pas. D’autres après les Rabbins le dérivent de בלי, & de יעל, profuit, & le prennent pour inutile, qui n’est bon à rien, un vaurien, méchant, mauvais. Grégorius Grégori, dans son Lexicum Sanctum, cap. 618, croit qu’on peut encore le tirer de la négation בלי, & de עלל, faire, & l’expliquer, un paresseux, un fainéant.