Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BATEAU

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 795-796).
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☞ BATEAU. s. m. On entend ordinairement par ce mot, une espèce de barque dont on se sert sur les rivières. Navicula. Mais on donne encore ce nom aux petits bâtimens de mer, Navigium parvum, navigiolum, dont quelques-uns ne vont qu’à voiles, d’autres sont à voiles & à rames. Ainsi Denys, dans sa description de l’Amérique septentrionale, p. 1. C. 9. appelle bateaux normands, les petits vaisseaux de Normandie qui vont à la pêche de la morue. Les bateaux normands du banc aux orphelins se retirent dans ces rivières pendant que leurs navires vont a l’Île Percée. Bateaux de Marne, sont des bateaux de voiture petits & plats, qu’on nomme Marnois. Bateaux de Seine, sont de grands bateaux forts & longs qui viennent de Rouen, & de la rivière d’Oise, qu’on appelle autrement Foncets. Les bateaux qui viennent de la Loire s’appellent Chalands. Bateaux de voiture, qu’on appelle autrement Coches d’eau, sont des bateaux qui portent des gens, & des marchandises. Navicula oneraria. Un bateau couvert.

Le P. de Challes dans son Traité de la Navigation, propose un problème de la construction d’un bateau, qui quelque chargé qu’il soit, non-seulement monte sans voiles & sans rames contre le courant d’une rivière, mais qui monte d’autant plus vite, que la rapidité de l’eau est plus grande. Ce bateau n’est pas différent des autres ; il y a seulement aux deux côtés deux roues qui produisent cet effet, avec une corde qui s’entortille à une espèce de treuil à mesure que les roues tournent.

Ce mot, selon Cambden, vient de l’anglois ; & selon Spelman, de bat, mot saxon, ou anglois, qui signifie une barque. Icquez le dérive du même mot bat, qui dans la langue des Francs signifie bateau ; selon Ménage, de bastum, à cause qu’il est fait de plusieurs pièces de bois ; & selon Nicot, à batuendâ aquâ ; selon d’autres, de l’hébreu budal, qui signifie separavit, parce que le bateau sépare les eaux, comme le soc de la charrue sépare la terre. Du Cange le dérive de batalaria, mot de la basse latinité, qui a signifié un vaisseau qui bat l’eau avec ses rames & avirons, ou de batu, battus, batellus, & batella. Il peut encore venir de vas ; & est dit bateau, comme vaseau, petit vaisseau. Selon le P. Papebrock, Act. SS. Juin. Tom. II, p. 145, bateau vient de batellus, diminutif de baius ; les Anglois disent boat, les Flamands boat ; & T. IV, p. 838. E. Il interprète batus, cymba, scapha ; & batellus, cymbula, scaphula.

On appelle bateau de bois, bateau de charbon, bateau de fagots, bateau de blé, &c. les bateaux qui sont chargés de ces marchandises. On appelle bateau des selles, un bateau où il y a plusieurs rangs de planches où on lave la lescive.

Bateau de poste. Ce sont des bateaux établis sur la rivière de Loire pour la commodité du public. Il y en aussi sur le Rhône. Ce sont des bateaux qui sont longs & étroits : ils font grande diligence, & vont de Lyon à Avignon en vingt-quatre heures.

Bateau-maire, est le principal bateau d’une conduite de sel. Navicula primaria. L’Ordonnance des Gabelles veut que le péage du sel soit levé sur le bateau-maire seulement, & non sur les alléges, tirots, & soutirots.

☞ On appelle ais, planches de bateau, celles qui proviennent des bateaux qu’on déchire, c’est-à-dire, qu’on dépece, qu’on desassemble. Les Vocabulistes disent, les ais qui proviennent du déchirement des vieux bateaux. Mais outre que le mot de déchivrement ne se dit guère au propre, en termes de rivière, on dit déchirage, & non pas déchirement. Bois de déchirage. Déchirage d’un bateau.

Bateau de cuivre, ou Ponton, est une nouvelle invention de bateaux faits de lames d’airain avec une bordure de bois. Ponto. Ils sont de grand usage à l’armée pour faire des ponts de bateaux, c’est-à-dire, faits avec des bateaux attachés l’un à l’autre.

Bateau, est aussi le bois de menuiserie assemblé pour faire le corps d’un carrosse, sur lequel on met les garnitures de cuir & d’étoffe par dehors & par dedans. On dit proverbialement, qu’un homme est étourdi du bateau ; pour dire qu’il n’est pas encore remis des fatigues d’un long voyage, ou du trouble que lui a causé quelque accident fâcheux. On dit ironiquement à ceux qui vantent trop quelque personne, il n’en vient que deux en trois bateaux.

Un bateau, avec ce mot, Quò me cumque trahes, ou trahet, ou trahent, est une devise naturelle de la dépendance dans laquelle on veut être de quelqu’un, de l’obéissance qu’on lui voue, &c.