Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BAS, BASSE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 777-778).
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BAS, BASSE, adj. Terme relatif. Humilis, infirmus, imus. Qui a moins de hauteur qu’un autre corps auquel on le compare. Le centre de la terre est le lieu le plus bas du monde à notre égard. Ce plancher est trop bas, n’est pas assez élevé. Les bas côtés d’une Eglise. Des souliers bas, qui n’ont pas le talon fort haut.

En Botanique, une plante qui est basse, est une plante qui ne s’élève guère haut.

Bas, se dit aussi de ce qui est au rez de chaussée, ou au dessous. Une salle basse. Un appartement bas. La Chapelle basse d’une Eglise. La basse fosse d’une prison.

Bas, se prend aussi quelquefois pour profond. Altus, profundus. Un fossé bas, un puits bas, une cave basse.

Bas, se dit aussi des pays qui approchent près de la mer : en comparaison de ceux qui sont vers les montagnes, ou vers la source des rivières. Inferior. Le bas-Languedoc. La basse-Bretagne. La basse-Normandie. La basse-Saxe. Le bas-Palatinat. On nomme la Flandre absolument le Pays-Bas. Il est vrai que dans les pays qui sont près de la mer, on appelle souvent bas ce qui est plus près de la mer, & haut ce qui en est plus éloigné, comme la haute & la basse-Bretagne, la haute & la basse-Normandie, la haute & la basse-Provence, le haut & le bas-Languedoc, le haut & le bas-Poitou, la haute & la basse-Picardie, &c. Il est vrai aussi que dans les pays éloignés de la mer, on se règle souvent sur le cours des rivières qui les traversent, & qu’on appelle haut, ce qui approche le plus de la source de la rivière, & bas ce qui est le plus près de l’embouchure : c’est ainsi qu’on a distingué le haut & le bas-Maine, la haute & la basse-Alsace, la haute & la basse-Autriche. Enfin, il est vrai qu’on se règle aussi souvent sur la situation du pays par rapport aux montagnes, & qu’on appelle pays haut celui qui est dans les montagnes, & pays bas celui qui est dans les plaines. Ainsi on a dit la haute & la basse-Auvergne, &c. Mais avec tout cela il est aussi certain que sans aucune autre raison apparente, le seul usage a fait donner ces noms à différens pays pour les distinguer, & c’est ainsi qu’on appelle haute-Champagne le pays qui est vers Reims, & basse-Champagne le pays qui est vers Troyes & Langres. Bien plus, on appelle haute-Gascogne, la partie de la Gascogne qui approche le plus de la mer, & basse-Gascogne, la partie qui est la plus éloignée de la mer, ce qui est contre toutes les règles ordinaires.

On dit, la basse région de l’air pour dire, la partie de l’air où sont les nuées, & où se forment les foudres & les tempêtes. On appelle aussi un temps bas, lorsque l’air est obscur, chargé de nuées, & lorsqu’elles semblent plus près de la terre. On dit aussi la basse région de l’ame, pour dire, celle où se forment les violentes passions & les désirs déréglés.

Bas, se dit aussi de ce qui est au-dessous des autres dans les emplois, dans les conditions des hommes. Les bas-Officiers sont les subalternes, qui en ont d’autres qui les commandent. Le bas chœur du Chapitre, ce sont les Chantres & les Chapelains. Les basses classes sont celles qui sont au-dessous de la rhétorique & de la philosophie.

Bas, se dit aussi de ce qui est moins estimé en quelque chose. On l’a mis au bas bout de la table c’est-à-dire, au lieu le plus éloigné des personnes de condition. Les basses cartes, ce sont les moindres du jeu.

En termes de Jurisprudence, on appelle basse-Justice, celle qui connoît des droits dûs au Seigneur, cens & rentes, exhibitions de contrats, de la Police, d’un dégât des bêtes, d’injures légères dont l’amende ne peut excéder sept sous six deniers ; & cela par opposition à la moyenne, & à la haute Justice.

Bas, se dit encore de la mer, des lacs, des étangs, des rivières, & signifie qui a peu d’eau. Depressus. Ces étangs sont bien bas. Les rivières sont bien basses.

Bas, se dit du temps aussi-bien que du lieu. Les médailles du bas Empire, ce sont celles des Empereurs qui ont vécu depuis la décadence de l’Empire, depuis Constantin le Grand jusqu’au dernier Empereur du même nom. Recentior. La basse latinité, c’est la corruption de la langue latine. Corruptus. Le carême est bas, c’est-à-dire, il commence de bonne heure, dès le mois de Février. Proximus.

Bas, se dit figurément pour vil, méprisable. Abjectus, humilis, demissus. Une ame basse, un esprit bas, qui n’ont rien d’élevé. Un cœur bas, qui est lâche. Une mine basse, qui ne témoigne aucune grandeur d’ame. Il y a des esprits élevés qui ont l’ame basse. Le P. Bourd. Un esprit né sans fard, sans basse complaisance, fuit ce ton radouci. Boil. On dit encore un style bas, qui est rampant, qui n’a rien de noble, qui est sans figures. Un mot bas, qui ne se dit que par le peuple.

On dit proverbialement, qu’un homme a le cœur haut & la fortune basse ; pour dire, qu’il n’a pas le moyen de faire voir sa générosité. On dit aussi d’un homme qui n’a guère d’argent, que les eaux sont basses chez lui. On dit aussi, parler d’un ton bas, quand on s’adoucit après avoir bien menacé & querellé.

Bas, On dit qu’un homme a l’oreille basse, pour dire, qu’il est humilié. Acad. Fr.

C’est ici le lieu d’expliquer ce que c’est : qu’un terme bas, une expression basse, & avec quel loin on doit éviter ces sortes de fautes dans le discours, sur-tout s’il est grave & sérieux. Nous avons là-dessus d’excellentes remarques dans les Œuvres de M. Despréaux. Voyez la neuvième de ses réflexions critiques sur quelques passages de Longin ; il n’y a rien de mieux écrit ni de plus sensé. En voici le précis. Longin dit, chap. 34, que les mots bas sont comme autant de marques honteuses qui flétrissent l’expression. Là-dessus M. Despréaux remarque que cela est vrai dans toutes les langues, qu’on souffrira plutôt, généralement parlant, une pensée basse exprimée en termes nobles, que la pensée la plus noble exprimée en termes bas. La raison qu’il en apporte, est que tout le monde ne peut pas juger de la justesse & de la force d’une pensée, mais qu’il n’y a presque personne, sur-tout dans les langues vivantes, qui ne sente la bassesse des mots. Il ajoute que les mots des langues ne répondent pas toujours juste les uns aux autres, & qu’un terme grec très-noble ne peut souvent être exprimé en françois que par un terme très-bas. Cela se voit par les mots d’asinus en latin, & d’âne en français, qui sont de la dernière bassesse dans l’une & dans l’autre de ces langues, quoique le mot qui signifie cet animal, n’ait rien de bas en grec ni en hébreu ; on le voit employé dans les endroits même les plus magnifiques. Il en est de même du mot de mulet & de plusieurs autres. Enfin, il remarque fort judicieusement que les langues ont chacune leur bisarrerie, mais que la françoise est principalement capricieuse sur les mots, & que bien qu’elle soit riche en beaux termes sur de certains sujets, il y en a beaucoup où elle est fort pauvre, & qu’il y a un très-grand nombre de petites choses qu’elle ne sauroit dire noblement. Ainsi, par exemple, quoique dans les endroits les plus sublimes, elle nomme sans s’avilir, un mouton, une chèvre, une brebis, elle ne sauroit sans se diffamer, dans un style un peu élevé, nommer un veau, une truie, un cochon. Le mot genisse en françois est fort beau, sur-tout dans une Eglogue : vache ne s’y peut pas souffrir : pasteur & berger y sont du plus bel usage, gardeurs de pourceaux, ou gardeurs de bœufs y seroient horribles. Cependant il n’y a peut-être pas dans le grec deux plus beaux mots que συϐώτης & βουϰόλος, qui répondent à ces deux mots françois ; & c’est pourquoi Virgile a intitulé ses Eglogues de ce doux nom de bucoliques, qui veut pourtant dire en notre langue à la lettre, les entretiens des bouviers, ou des gardeurs de bœufs.

On peut ajouter que la langue françoise est celle qui souffre moins les termes bas, non seulement dans le style élevé, mais dans les conversations ordinaires des honnêtes-gens, où les termes bas ne s’emploient point, à moins qu’on ne parle de certaines choses qui sont tout le sujet du discours, comme d’agriculture, d’anatomie, car ailleurs le bel usage veut qu’on substitue d’autres termes à la place de ceux qui sont communs, quoique françois d’ailleurs. On a des exemples de cela au Palais ; il y a même quelques personnes qui croient qu’en parlant de guerre on dit tranchée & fascine, au lieu de fossé & de fagot, pour éviter des expressions communes & basses : en effet, on seroit surpris de lire dans une gazette, qu’un Lieutenant général portoit des fagots. Quoiqu’il en soit de cette remarque, qui n’est peut-être ni tout-à-fait vraie, ni tout-à-fait fausse, il est sûr que la langue françoise est aussi réservée dans l’usage des expressions basses, que d’autres langues sont libres, & hardies : on en peut juger par la manière dont on s’exprime en parlant de certaines actions naturelles.

Bas, en termes de Médecine, se dit du bas ventre : ce qui fait la troisième partie de la division du corps humain en trois ventres, dont le premier est la tête, le second la poitrine, avec ce qui est au dessus du diaphragme, & le troisième ce qui est au-dessus jusqu’aux cuisses, que le peuple appelle absolument le ventre. Alvus. Et à l’égard des autres organes des sens, on dit qu’un homme a la vue basse, Myops ; pour dire, qu’il a la vue courte ; & la voix basse, Submissus, depressus, debilis ; pour dire, qu’il l’a foible.

En termes d’Orfèvre, on appelle de l’or bas, de l’argent bas, ou de bas aloi, celui qui est foible, où il y a de l’alliage, qui n’est pas au titre du poinçon de Paris, ou de celui auquel on bat les monnoies. Vilis. L’argent d’Allemagne est fort bas. On appelle bas billon d’argent, celui qui est au dessous de cinq deniers ; & haut billon, celui qui est au-dessus jusqu’à dix.

En termes de Sculpture, on appelle bas relief, ou basse-taille, ce qui est opposé à plein-relief ou ronde bosse, une sculpture relevée en demi-bosse, qui est attachée à un fond ; d’où elle ne sort qu’en partie. Minora sigilla. M. Félibien distingue trois sortes de bas-reliefs ; dans les uns les figures qui sont sur le devant paroissent presque de relief ; dans les autres elles ne sont qu’en demi bosse, & d’un relief beaucoup moindre, & dans la dernière espèces elles sont encore moins élevées, & ont peu de relief, à la manière des vases, des camaieux, des médailles & des monnoies. Voyez Relief.

Basse-Lisse, ou basse marche. Voyez ci-après en son rang.

En termes de guerre, on appelle basse enceinte, la fausse braie ; & place basse la casemate, & le flanc retiré, qui sert à défendre le fossé. Depressus. On dit, faire main-basse, quand on ne donne point de quartier.

En termes de Marine, on appelle aussi Bas-bord le côté gauche du navire, opposé à stribord, qui est le côté droit, eu égard à celui qui étant à la poupe, regarde la proue. Latus sinistrum. Les Levantins disent orge ; faire feu de bas-bord. On appelle aussi un vaisseau de bas-bord, une galère, ou autre bâtiment qui n’a qu’un pont, par opposition aux grands vaisseaux qu’on appelle de haut-bord. Les brigantins qui ne portent point de couverte, sont des vaisseaux de bas-bord. Bas-bord tout, est le commandement que l’on fait au timonier de pousser la barre du gouvernail tout-à-fait à gauche. On appelle bas-bord, la partie de l’équipage qui doit servir à bas-bord.

Bas-fond & Bas-justicier, Voyez plus bas en leur rang.

Basses-voiles, sont les grandes voiles d’en bas ; ce qui se dit sur-tout de celles du grand mât, & du mat de misaine, par opposition à celles de hune & de perroquet, Velum summi mali maximum, infirmum.

En termes de Fauconnerie, on appelle un oiseau bas, quand il est maigre & décharné. Macer, macilentus.

En l’Eglise on appelle une Messe basse, missa sine cantu, celle qui est dite sans être chantée par le Chœur, & sans assistance de Diacre & de Soudiacre.

En Musique, bas signifie la même chose que grave, & est opposé à haut & aigu. En ce sens on dit le ton est trop bas. Il faut renforcer les sons dans le bas. Quelquefois aussi il signifie doucement, à demi-voix ; en ce sens il est opposé à fort. Il parloit, il chantoit si bas qu’on ne l’entendoit pas. Submissé. On le dit des cordes d’un instrument qui ne s’accordent pas avec les autres cordes, & d’un instrument qui ne s’accorde pas avec les autres, & qu’il faut monter plus haut, demissus, suppressus.