Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BANANIER

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 730-731).
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BANANIER. s. m. Musa arbor. Plante qui est fort commune dans les Indes Orientales & Occidentales. C’est un gros roseau spongieux au-dedans, qui vient dans les terres grasses, près des ruisseaux, ou dans des vallées qui sont à l’abri des vents. Il croît de la hauteur de douze ou quinze pieds. Sa tige est verte, luisante, spongieuse, & remplie d’eau : elle sort d’un gros oignon en forme d’une poire, qui a plusieurs petites racines blanches, qui le lient avec la terre. Ses feuilles viennent au haut de la tige au nombre de huit, de neuf & même de douze : elles sont longues d’environ quatre, cinq ou huit pieds, & larges de quinze ou dix-huit pouces : elles peuvent servir de napes & de serviettes, & étant sèches tenir lieu de matelats & de lits pour coucher mollement . Le nerf qui est tout le long de la feuille, est gros comme le petit doigt. Son fruit est au sommet de la tige en forme de grosse grappe, ou de gros bouquet : il est gros comme le bras, long de douze à treize pouces, un peu courbé vers l’extrémité : sa chair est ferme & solide, propre à être cuite ou sous la cendre, ou au por avec la viande, ou à être confite é séchée au four, ou au soleil pour être gardée plus facilement. Dans chaque bouquet il n’ a que vingt cinq ou trente bananes au plus, qui ne sont point trop serrées les unes près des autres. Ses fleurs sont d’un jaune blanc, d’une odeur douce, & longues d’environ deux travers de doigt. Lorsque les fruits sont mûrs, on coupe toute la plante ; car elle ne porte qu’une fois du fruit, & ne vit qu’une année ; mais avant qu’elle vieillisse il sort de la racine un ou deux rejetons qui lui succèdent, & qui par ce moyen la perpétuent.

Dans la province de Machicore, en Afrique, il y a des bananes aussi longs & aussi gros que le bras, que l’on appelle Outsi, & dans la province de Mangabei foutsi ; il y en a d’autres qui portent des fruits gros comme la moitié du bras, d’autres qui ne sont pas plus gros que le pouce ; & d’autres qui sont plus petits, & sont nommés acoudres, dont il y en a bien cent à chaque grappe, qui sont de couleur verte, soit qu’ils soient récens, soit qu’ils soient gardés. Les bananes sont un bon manger dans ce pays-là, & fort nourrissantes : on les fait rôtir comme des pommes, quand elles sont mûres. On cueille bien souvent les grappes qui ne sont pas mûres, & on les pend au plancher, où elles mûrissent en moins de quinze jours. On file dans le province d’Eringrane, l’écorce de cet arbre, & l’on en fait des habits. Dapper. Cet Auteur fait bananes masculin, nom du fruit du bananier. Mais il se trompe, c’est un Hollandois qui ne sait pas le François, comme on le voit assez par sa description.

Le P. du Tertre décrit les bananiers, & les bananes de l’Amérique, dans son Hist. des Antil. Traité II, ch. 2, §. 6. Il dit, qu’Acosta en a mieux écrit que tous les autres ; qu’il se trompe néanmoins en rangeant cette plante sous le nombre des arbres. Il distingue les figues des bananes, qui, dit-il, sont plus longues & pour l’ordinaire plus grosses. Il y en a de grosses comme la bras, & longues d’un grand pied, & un peu courbées comme les cornes de vaches. Le suc de cette plante fait une vilaine tache sur le linge, qu’on ne peut jamais ôter. L’eau dont le tronc spongieux de cette plante est rempli, est extrêmement froide, & l’on s’en sert avec succès contre toutes sortes d’inflammations. Quand on coupe la banane, on voit une belle croix imprimée sur chaque tronçon. On appelle le bananier, figuier d’Adam, ou Pomme de Paradis, comme si c’étoit l’arbre du fruit défendu qu’Adam mangea dans le Paradis terrestre. Le bananier a beaucoup de rapport à un figuier des Indes : il en differe néanmoins comme on le peut voir dans Lonvillers, Hist. nat. des Antil. Liv. I, c. 9, art. 3, dans l’Hist. des Antil du P. du Tertre, Tr. III, ch. 2, §. 6.