Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BAN

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 729-730).
BANAL  ►

BAN. s. m. Publication à haute voix, au son du tambour, ou de la trompette, ou des tymbales, par l’ordre d’un Supérieur, ou de la part du Roi & de la Justice. Rei cujuspiam præconis voce denunciatio. On a fait un ban portant défenses de sortir du camp, d’aller à la petite guerre. Pasquier a observé que ce mot est fort ancien dans la langue pour signifier une proclamation publique. Aussi trouve-t-on ces phrases dans les Coutumes, crier au ban ; cas de ban ; a peine de ban ; procéder à ban, &c. On appelle aussi ban, la publication & le cri que fait faire le Seigneur féodal pour se faire rendre les hommages, ou lui payer les redevances, & le venir reconnoître. De Hauteserren Orig. feud. c. 9, observe qu’anciennement on appeloit Herbanum l’obligation des vassaux d’aller à la guerre, que leur Seigneur levoit des troupes, ou d’y envoyer quelqu’un à leur place, ou de lui payer une certaine somme, & que ce mot venoit de here, qui en allemand signifie armée ; que depuis on l’a nommé bannum, ban, & retrobannum, arrière ban. Il définit le ban, un Edit, une levée de gens d’armes qui tiennent des fiefs sujets au service noble des armes. Il remarque encore que le ban, ou service du ban, ne duroit que 40 jours, ou comme comptoient les François, 40 nuits. C’étoit autrefois privilége des Ducs d’Autriche de ne servir qu’un mois. Il ajoute qu’aujourd’hui le service du ban ne dure encore que 40 jours, quand c’est dans le Royaume, & trois mois quand on sert hors du Royaume. Voyez encore les remarques du même Auteur sur le Ve L. de Grégoire de Tours, p. 184, 185, & sur le XIe Liv. p. 386.

On dit aussi ban de vendanges, ouverture de ban, &c. pour dire, la publication de la permission des vendanges. Le Duc Odes en 1210, se trouvant à Beaune environ le temps des vendanges, fit présent aux Maires & Echevins de la Ville du ban des vendanges, qui étoit un de ses principaux droits. Parad.

Du Cange dit qu’on a appelé aussi l’Excommunication, le ban de l’Evêque. Voyez encore dans les Acta Sanct. Mart. Tom. I, p. 217, F.

Ménage dérive ce mot de l’allemand ban, qui signifie proprement publication, & ensuite proscription, parce qu’elle se faisoit à son de trompe ; d’où sont venus les mots de bannir, ban, bannissement, de bandi, de ban, & arrière-ban, banlieue, bannière, bannal, abandonner, &c. Nicot le dérive d’un autre mot allemand ban, qui signifie champ, & territoire, d’autant que c’est en vertu de ce qu’on tient des fiefs, champs & héritages qu’on est obligé au ban & arrière-ban ; & que le four à ban est le four du territoire de la Seigneurie. Borel le dérive du grec πἄν, qui signifie tout, parce que la convocation est générale. Les Châtellenies ou Prévôtés de Lorraine ont sous elles certain nombre de bans ; & chaque ban a sous soi un certain nombre de bourgs. Le Duché de Limbourg est divisé par bans. Le mot de banlieue a sans doute pris son origine du ban. P. Lubin dans son Merc. Géogr.

Ban, se dit aussi des publications qui se font aux prônes des Paroisses des noms de ceux qui veulent se marier, ou prendre les Ordres. Solemnis futurarum nuptiarum proclamatio. La publication des bans n’est pas de nécessité du Sacrement, mais de nécessité de précepte. Elle a été mise en usage par la Police Ecclésiastique de France, & confirmée par les Ordonnances de Blois, de Melun, & de Louis XIII, en 1639. Le Concile de Latran a rendu cet usage général. C’étoit pour prévenir les abus, & les inconvéniens qui résultent des mariages clandestins. Le Concile de Trente a ordonné la publication de trois bans pour empêcher les mariages clandestins. Par l’Ordonnance de Blois, nul ne pouvoit valablement contracter mariage sans proclamation précédente des trois bans ; & aucun ne pouvoit être dispensé que des deux derniers, & seulement pour cause légitime, ou pour urgente nécessité. Mais on s’est fort relâché là-dessus. Il n’y a que les mineurs qui soient soumis nécessairement à cette formalité, quoique le défaut de la publication des bans ne rende pas leurs mariages nuls : car le défaut de la publication des bans ne rend par le mariage clandestin, s’il a d’ailleurs tout ce que l’Eglise demande. A l’égard des majeurs, on en dispense plus aisément, & même le défaut de bans n’emporte point de nullité. On achète les deux derniers bans, quand le premier a été publié. Quand un mineur veut se marier, les bans doient être publiés à la Paroisse du domicile de son pere, ou de son tuteur, ou de son curateur.

Le Conseiller Argant eut la même furie :
Il vit Cloris, l’aima ; pressé de son amour,
On publia ses bans & sa honte en un jour. Vill.

On prétend que la publication des bans est très-ancienne dans l’Eglise ; il y avoit du moins quelque chose de semblable dès le commencement de l’Eglise, & c’est des bans de mariage qu’on entend ce que Tertulien appelle trinundina promulgatio. Ces publications de bans ont été établies pour prévenir les abus qui pourroient se commettre dans le mariage à cause des empêchemens. Il est vrai qu’avant que ces sortes de publications fussent en usage, on prévenoit les inconvéniens autrement. Les hommes s’adressoient aux Diacres, & les veuves ou les filles aux Diaconesses, & proposoient le dessein de se marier : si les parties étoient sortables, les Diacres & les Diaconesses avertissoient l’Evêque, lequel après en avoir communiqué au Clergé, faisoit la bénédiction du mariage. Fevret.

Ban, se dit aussi de la publication qui se fait pour convoquer tous les Nobles d’une Province, pour servir le Roi dans ses armées, suivant qu’ils y sont obligés par la loi des fiefs. Principis edictum primariæ clientelæ nobilitatem ad militaria munera convocantis. On a publié le ban & l’arrière-ban. Ban en ce sens signifie la convocation des vassaux qui tiennent du Roi immédiatement, & arière-ban de ceux qui tiennent médiatement. On confond aujourd’hui ces deux mots ; desorte que ban & arière-ban, est un mandement à tous Gentilshommes & autres tenans fiefs & arrière-fiefs de venir à la guerre pour le service du Prince.

Ban, est aussi l’assemblée de ces Nobles en corps d’armée. Primariæ clientelæ nobilitas armata. Le ban & arière-ban est long-temps à se mettre en campagne. L’Abbé de la Roque a fait un Traité du ban & de l’arière-ban, avec plusieurs anciens rôles, où sont les noms & qualités des princes, Seigneurs & Gentilshommes qui s’ sont trouvés. Les François ont servi leurs Rois dans leurs armées par manière de ban et d’arrière-ban dès le commencement de la Monarchie ; mais on peut dire que ces convocations n’ont été bien réglées que dans le temps qu’il s’est fait des investitures des fiefs. Dès-lors les Laïques, Seigneurs de fiefs, ont rendu un service personnel dans les armées. Les Ecclésiastiques mêmes qui en possédoient, étoient contraints de s’y trouver avec leurs vassaux ; ce qui a donné lieu à l’institution des Vidames, & des Avoués, pour la défense des évêchés & des abbayes. Ces Avouées en temps de guerre conduisoient les vassaux des églises ou abbayes, à la place des Seigneurs Ecclésiastiques. Mais parce que pendant les guerres saintes, ou contre les Anglois & les Flamands, la plupart des Gentilshommes qui alloient à ces expéditions, manquoient d’argent pour les frais de leur voyage, ils furent contraints de supplier les Rois de permettre aux Roturier & aux gens de main-morte d’acheter des fiefs, lesquels étant ainsi tombés entre les mains de personnes peu propres pour les armes, on vit bientôt les bans & les arrière-bans peu fournis d’hommes capables des exercices militaires. C’est pourquoi les Rois ordonnerent d’abord la levée du droit des franc-fiefs sur les Roturiers, pour subvenir au payement des gens de guerre, & pour confirmer la permission de tenir des fiefs & arrière-fiefs à la manière des Nobles. Outre ce droit ils furent encore obligés à servir de leurs personnes ; ce qui s’exécute encore aujourd’hui.

Ban, se dit aussi des assignations qui se font à cri public aux vassaux pour comparoir devant leurs souverains en certaines occasions, & pour rendre compte de leurs actions. Edictum Principis beneficiaros clientes evocantis. Les Princes d’Allemagne sont souvent assignés, sont mis au ban de l’Empire, & on confisque leurs fiefs, faute de rendre l’hommage & le service dont ils sont tenus.

Ban, signifie aussi, bannissement. Exilium. Et on dit en termes de Palais, il lui est enjoint de garder son ban, à peine de la hart. Il a obtenu un rappel de ban.

Petit Ban. Il étoit en usage en Dauphiné, & les petits bans étoient différens des condamnations de justice. Celles-ci ne sont que les amendes ordinaires portées par les sentences des Juges, au lieur que par les autres on entend les peines pécuniaires imposées par les status des lieux pour des contraventions. Valbon. p. 120.

Ban, signifie encore, un endroit & un lieu public qu’ont les Seigneurs des grands fiefs, pour obliger tous les Habitans d’une Seigneurie de venir cuire au four du Seigneur, de moudre à son moulin, ou d’apporter leur vendange à son pressoir. Jus indictivæ moletrinæ, jus indictivi furni, jus indictivi torculi vinarii. Ainsi on dit un four à ban, un pressoir à ban ; & on appelle sujets banniers, & droits de bannée, ceux qui sont obligés à ce droit. En quelques Coutumes on appelle four bandier, moulin bandier, ce qu’on appelle ailleurs bannal.

Ban à vin. Jus prælationis in vendendo vino. C’est le droit que quelques Seigneurs ont de vendre leur vin à l’exclusion des habitans qui sont dans leur territoire : ce droit n’est que pour quarante jours au plus, & en quelques endroits pour un mois seulement. Le droit de ban de vin ne peut être transporté au Fermier, pour jouir par lui de l’exemption du huitième. Ce droit de ban de vin est appelé quelquefois ban de Mai, ou ban d’Août. Le Roi, par un Edit du mois d’Avril 1702, a établi un droit de ban de vin dans tous les lieux où les droit d’Aides n’ont point de coutume : il permet à toutes personnes d’acquérir ce droit, & leur donne de grands priviléges.

On dit proverbialement d’un homme qui a la bouche trop fendue, qu’elle est grande comme un four à ban.

Ban, est quelquefois une dignité ; c’est ainsi qu’on appelle le Gouverneur de Croatie. Banus, Gubernator, Præfectus. M. Du Cange remarque que les Hongrois l’appelent Isban en leur langue : il ajoute que ce nom de dignité vient du mot band, pris pour étendard, parce que c’est sous le band (bandum) ou sous les enseignes de cet Officier, que les Peuples de la Provinces doivent se ranger pour combattre.

M. d’Herbelot, Bibl. Orient. p. 183, prétend que ban est un mot esclavon, dont les Turcs se servent aussi, & qu’il signifie, celui qui commande des troupes ou des milices dans les Provinces dépendantes du royaume de Hongrie. Il est aussi, selon d’autres, en usage en Dalmatie. C’est ce que les Grecs modernes appellent Βοονος, & Μπάνος, dont l’un se trouve dans Constantin de Administ. Imper. cap. 30 & 31, & l’autre dans Cinname. On croit même que c’est ce que Hésychius appelle Βάννας, & qu’il dit signifier Roi, ou bien Grand Prince. Voyez J. Selden, de Titul. honorar. P. II, ch. 2, n. 5. Joan. Lucius, de Regno Dalmat. Lib. VI, cap. 1, les Décrets d’André roi de Hongrie, ch. 5, & Du Cange. Le Lieutenant ou Vicaire du ban s’appelle Viceban, Vicebannus ; & l’on trouve Bannatus, Bannat, pour signifier la dignité de Ban.

Ban. s. m. Est le nom d’une plante d’Egypte, que l’on appelle aussi Calaf.

Ban. Sorte de mousseline unie & fine que les Anglois rapportent des Indes orientales.

Ban, ou Bon. voyez Bon.

Bans, au pluriel, en termes de chasse, sont les lits des chiens. Salnove.