Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BAJULE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 713).
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BAJULE. s. m. Nom d’un Officier de la Cour, dans l’Empire grec. Les bajules sont les précepteurs des Princes. Il y a le grand bajule, & les bajules : le grand bajule étoit comme le précepteur, & les bajules étoient comme les sous-précepteurs, Voyez Codinus, Boulenger, &c. On le trouve en ce sens dans le Scholiaste de Sophocle, dans Ballamon, Juris Græcor. p. 472, & dans Théophane, qui parle aussi de cet Antiochus, que Théodose fit son bajule. Un manuscrit de la bibliothèque du Roi écrit Βάγυλον, mais c’est la prononciation moderne des Grecs qui a causé cette erreur, car ils prononcent le Γ comme i ; il faut dire Βάουλος. Ce mot se trouve encore dans un Auteur anonyme des Annales de France, dans l’Hist. Miscelan, L. 23 ; dans la Chronique de Frédegaire, dans Aimoin, De Gest. Franc. Liv. IV, C. 38 ; & bajulatio, bajulationi committere, dans le même Auteur, Hist. L. V. C. 39. Le précepteur de l’Empereur s’appelle le grand bajule dans Cedinus, C. 11, n. 81.

Le premier Officier de cette espèce qui se trouve, est sous Théodose le jeune, qui, selon Cedrenus, établit un certain Antiochus Intendant, Patrice & son bajule, καὶ τὸν Βάουλον αὐτοῦ. Depuis, cet Officier eut le titre de grand bajule. C’est de-là que les Italiens appellent bajule du royaume, ce qu’en Angleterre on appelle protecteur, Ce n’est que dans les siècles postérieurs, à ce que croit Junius, que l’on a appelé bajules les gouverneurs, ou précepteurs de l’Empereur παιδοκόμους, comme celui qui avoit porté l’Empereur encore enfant entre ses bras, c’est-à-dire, qui avoit eu soin de son éducation.

L’Auteur de la vie de Louis le Débonnaire, dit que Charlemagne donna Arnoul pour bajule à ce Prince ; c’est-à-dire, pour Confeil, pour Ministre. Hincmar Ep. 2, C. 2, décrit au long les qualités que doivent avoir les bajules qu’on donne aux Princes ; ce qui fait voir que de Grèce ce mot est passé en France. Dadin de Hauteserre, a la fin de son Liv. De Ducib. & Comitib. Provincialib, C. 33, prétend que ce mot s’est dit aussi des précepteurs des enfans des particuliers, parce que Balsamon, Liv. VII. Médit. dans Leunclavius, du en général que l’on appelle les précepteurs des enfans, bajules. Voyez les notes du même Auteur sur Grég. de Tours, p. 208, & 390. Grégoire, dans les Vies des Peres, C. 6, parle des bajules de S. Gal qui n’étoit pas fils de Roi, quoiqu’il fût de grande noblesse.

En Italie en a donné le nom de bajule à plusieurs Officiers différens, comme celui de bailli en France : c’est ce qui fait que quelques Auteurs croient que c’est de bajulus que s’est fait notre mot bailli. Les Vénitiens ont eu un bajule auprès des Empereurs Grecs. Voyez Codinus Curopalates dans les Offices de la cour de Const. Flodoard, dans l’Hist. de l’Eglise de Reims, Liv. III, chap. 23. Spelman, dans son Gloss Archœl. Glossaire de Credenus, celui qu’a imprimé R. Medon, & celui de M. Du Cange.

Bajule. Terme de Liturgie, ou de Rubrique & de Cérémonies Ecclésiastiques. C’est ainsi qu’on a nommé ceux qui dans les processions portent les croix.5 & les chandeliers. Pierre Diacre les nomme en latin bajuli cereostatarii, stauroferi &c. En François on dit Porte-croix, porte-chandeliers, ou simplement, la croix, les chandeliers. Comme on dit, cornette, trompette & tambour, pour ceux qui portent la cornette, qui sonnent de la trompette, ou qui battent du tambour.

On trouve aussi des bajules d’Abbés & des bajules d’Evêques. C’étoient des Officiers domestiques des uns & des autres.

Bajule, a encore été le nom d’un Office conventuel dans les Monastères. C’étoit celui qui recevoit & distribuoit les legs & l’argent qui se donnoit pour le service divin & les obits. C’est pour cela qu’on les appeloit bajuli obituum novorum.

Bajules Capitulaires, Bajuli Capitulares, dans l’Ordre des Hospitaliers, ou de S. Jean de Jérusalem, aujourd’hui de Malte, sont ce que nous appelons baillis capitulaires, & les bajules conventuels sont les baillis conventuels. Voyez Bailli.

Dans les lois de Naples les bajuli dominorum sont ceux à qui les Maîtres ont donné charge, ou commission d’exécuter quelque chose ; & ils répondent aux Juges que nous appelons Baillis. Les bajules des Gabelles, bajuli Gabellati, sont les Officiers qui levent les Gabelles.

Bajule, dans Marcell. Liv. 24, s’est dit encore de ceux qui portent les morts en terre, Νεκροφόροι, Vespillones. Voyez la note de M. de Valois.