Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BAISER

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 711-712).
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BAISER. s. m. Action de respect ou de soumission qu’on fait par l’application de la bouche sur une chose qu’on révère, ou qu’on aime. Osculum, suavium, bastum. Le baiser, dit S. Ambroise, est une marque d’amitié, un gage précieux de charité, & c’est un sacrilége d’en abuser. Rochef. On donne le baiser de paix en plusieurs cérémonies ecclésiastiques. S. Benoît veut qu’en recevant les hôtes dans ses monastères, on leur donne le baiser de paix ; il veut aussi que les freres, avant que de recevoir la Communion, se donnent le baiser de paix : ces usages étoient fondés sur la coutumes des premiers Chrétiens : mais ils ont été abolis depuis que les Chrétiens ne sont plus si simples qu’ils étoient dans les premiers temps. L’Auteur du Livre de l’amitié, qu’on trouve parmi les œuvres de saint Augustin, distingue quatre sortes de baisers. Le premier se donne pour marque de réconciliation, car on fait baiser & embrasser les ennemis quand on les a réconciliés. Le second est le baiser de paix que les Chrétiens se donnoient dans l’Eglise au temps de la Communion, pour faire voir par cette marque extérieure la paix intérieure qui les unissoit. Le troisième est le baiser d’amour que se donnent ceux qui s’aiment, qui n’ont point de moyen plus efficace pour se témoigner leur tendresse. Le quatrième est le baiser de la foi, qui se donnoit entre les Catholiques, & c’est celui qui se donnoit entre les Catholiques, & c’est celui qui se donnoit quand on exerçoit l’hospitalité. D. Joseph Mege. De rancé. Il y a des pays où l’on baise la main, pour marquer son respect, sa soumission & son attachement. Les Grands en Espagne le pratiquent à l’égard du Roi. Jornand de Saxe remarque que c’étoit la pratique des Hermites, qui avoient introduit le baiser de la main, au lieu de celui de la bouche. Un baiser de Judas est un baiser de traître. On dit en amour, cueillir un baiser, dérober un baiser. Les Hollandoises peuvent souffrir un baiser sans risques et impunément ; elles n’y entendent point de finesse. Bail. Horace fait chanter un baiser cueilli sur les lèvres d’Iris. S. Evr. Le baiser que j’ai pris, je suis prêt à le rendre. Voit.

Un baiser bien souvent se donne à l’aventure,
Mais ce n’est pas en bien user ;
Il faut que le désir & l’espoir l’assaisonne ;
Et pour moi je veux qu’un baiser
Me promette plus qu’il ne donne. La Sabl.

Mais il faut remarquer que les Latins ont des mots différens pour marquer la différence des baisers. Ils appeloient osculum un baiser fait entre amis ; basium un baiser fait par honnêteté ; & suavium, un baiser d’amant.

La coutume de donner un baiser est très-ancienne. Les différentes occasions où l’usage est de donner le baiser, outre celles qu’on a déjà marquées, sont les salutations de civilité, les épousailles, les installations, ou réceptions dans un corps ; en recevant l’hommage d’un vassal, comme il paroît par d’anciens titres. Voyez l’Hist. de Bret. T. B., pag. 811, & Chorier, Hist. de Dauphine, p. 842, & dans les donations qu’on faisoit, Hist. de Bret. p. 213, 247. Le baiser qui se donnoit dans les hommages, est appelé dans les anciens actes, Osculum pacis & amoris ; & l’acte de l’hommage rendu par Beatrix de Viennois, Dame d’Arlay, au Dauphin Himbert II, son neveu, le 16 Avril 1340, porte que ce fut complosis manibus & oris osculo, les mains jointes & par un baiser. Chorier. C’étoit la coutume autrefois de ne se point donner le baiser dans les temps de jeûne. A Rome c’étoit une coutume qui duroit encore du temps de Plutarque, que les femmes saluassent leurs parens & leurs amis en les baisant à la bouche. On disoit, au rapport de Plutarque dans Romulus, que les Troyennes sauvées avec leurs maris du sac de Troye, & abordées en Toscane, brûlerent leurs vaisseaux pour leur ôter l’envie de se mettre en mer ; & qu’elles saluerent & caresserent ainsi leurs maris, en les priant d’apaiser leur colère. D’autres font cette coutume moins ancienne, & disent qu’elle fut établie pour s’assûrer que les Dames Romains ne buvoient point de vin. Plutarque.

Le baiser des pieds, Pabous, est une cérémonie fort ancienne chez les Persans, instituée par Caioumarath leur premier Roi, pour marque non-seulement du respect que les sujets rendoient à leur Prince, mais encore de la foi & hommage que les Princes vassaux lui faisoient. Cette cérémonie fut changée depuis à l’égard des sujets de basse condition en celle de baiser la terre en présence de leurs Princes. D’Herb. au mot Pabous.

Baiser, se dit figurément & poëtiquement des influences & de l’action des astres sur les plantes, sur les fleurs, &c.

Comme une jeune rose
Aux baisers du soleil tout fraîchement éclose.

P. le M.

Baiser. Ce mot pris au figuré, signifie aussi une teinture de Mars & de Vénus, ou de cuivre & d’acier, de l’invention de Closseus. Castelli cité par James.

BAISER. v. a. Donner un témoignage d’amitié, d’amour, de respect, d’humilité par l’application de la bouche sur la joue, sur le visage, sur la main. Osculari, deosculari, basiare, suaviari. Les peres & les meres baisent leurs enfans au front. Les amis se baisent à la joue, & les amans à la bouche. Judas baisa Notre-Seigneur en le trahisant. On baise la main d’un Evêque à l’offrande, la robe d’une Princesse qu’on salue, la mains d’un Seigneur à qui on porte la foi & hommage. On va baiser la mule du Pape par respect. On baise les reliques par dévotion. On baise la terre par humilité. Les Grecs n’ont qu’un même mot pour signifier aimer & baiser, φιλεῖν.

J’aime l’innocent embonpoint
D’une idiote ; & n’entends point
Baiser ni Platon, ni Virgile. Main.

Baiser la main, c’est la porter par respect auprès de sa bouche, lorsqu’on présente ou qu’on reçoit quelque chose, ou lorsqu’on salue. On apprend aux enfans à baiser la main.

Baiser les mains. Terme de Civilité, par lequel on exprime qu’on salue quelqu’un. Je vous baise les mains. Je lui baise très-humblement les mains, & suis son serviteur.

On dit figurément que deux choses se baisent, quand elles sont si près l’une de l’autre, qu’elles se touchent. Ces deux solives se baisent, s’entretiennent, On le dit aussi des flots de la mer à l’égard du rivage qu’ils touchent & qu’ils mouillent.

Fameux théâtre des naufrages,
Toi dont les flots impétueux
Vienne d’un pas respectueux
Baiser le sable des rivages. Godeau.

On dit d’un méchant feu, qu’il n’y a que deux tisons qui se baisent.

On dit proverbialement, je vous baise les mains ; pour dire, je me recommande à vous, ou je vous remercie ; ou ironiquement, je ne veux rien croire de ce que vous dites. On dit aussi, faire baiser le babouin ; pour dire, obliger quelqu’un à se soumettre aux plus dures conditions. On dit aussi de celui qui a grande obligation à un autre, qu’il devroit baiser les pas par où il passe.

Baiser le verrouil, la serrure de l’huis, ou la porte du fief dominant. Termes de Coutume. C’est un signe de l’hommage que le vassal fait à son Seigneur féodal au manoir du fief dominant, en l’absence du Seigneur, au lieu de la bouche & des mains, que le Seigneur présente à son vassal, en recevant le serment de fidélité.

Baiser le cul de la vieille. Manière de parler usitée à Paris, au jeu de billard & autres ; pour dire, ne pas faire un seul point, perdre sans avoir pu gagner ni prendre un point. Dict. Com. au mot cul. Il y en a qui, pour parler plus poliment, disent, perdre bredouille. C’est un terme du jeu de trictrac, où celui qui gagne douze points de suite, marque deux trous au lieu d’un : ce qui s’appelle partie bredouille. Mais comme on peut perdre la partie bredouille, après avoir pris jusqu’à dix points, perdre bredouille ne signifie pas toujours perdre sans faire un seul point.

Baiser, se dit aussi en Géométrie de deux courbes, ou de deux branches de courbes, lorsqu’elles se touchent en tournant leurs concavités vers le même côté. Si les deux convexités se regardent, on dit simplement qu’elles se touchent. Encyc.

☞ On emploie plus particulièrement le terme de baiser, pour exprimer le contact de deux courbes qui ont la même courbure au point de contact. Le baisement s’appelle encore alors osculation.

Baiser, vient de basiare, basium, baiser.

☞ BAISÉ, ÉE. part.