Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BAIN

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 708-710).
◄  BAILLOQUES
BAJOARIEN  ►

☞ BAIN. s. m. Eau ou autre liqueur dans laquelle on se baigne, c’est-à-dire, dans laquelle on se met ordinairement nu, pendant un temps convenable, soit pour le plaisir & la propreté, soit pour la santé. Lavatio. Les Médecins ordonnent souvent le bain à leurs malades. Prendre le bain dans la rivière. Se mettre dans le bain. Demeurer dans le bain pendant long-temps.

L’usage du bain a passé d’Orient en Occident : on l’a même permis aux Moines. Le Père Martène, Bénédictin, rapporte dans son Traité des anciens rits des Moines, quelques statuts que S. Lanfranc fit sur le sujet des bains qu’on permettoit aux Moines. Suivant ces règlemens, un ancien Moine devoit avoir soin que tout fût prêt au lieu où l’on devoit prendre le bain, & qu’il y eût des valets pour le servir ; ensuite il avertissoit les Moines que tout étoit prêt : ils ne pouvoient y aller que depuis prime jusqu’à complies : lorsqu’ils étoient arrivés au bain, après s’être fait raser, ils se retiroient chacun dans un petit réduit fermé d’un rideau : ils y trouvoient une cuve, qu’il appeloient tine, tina, dans laquelle ils prenoient le bain en silence. Voyez encore Acta SS. Benedict. Sæc. I, p. 612 & Sæc. IV. Part. II, Præf. p. XCVII. Dans une assemblée des principaux. Abbés de France, tenue à Aix-la-Chapelle, dans le Palais de Louis le Débonnaire, le 10 Juillet 817, il fut résolu que l’usage des bains dans les Monastères dependroit des Prieurs. Chor. Saint Grégoire, Liv. XI, ép. 3, dit qu’il y avoit de son temps des gens qui prétendoient que le bain n’étoit pas permis le dimanche ; & il répond que si on le prend par volupté, il n’est jamais permis en aucun jour, mais que si c’est par nécessité, il n’est pas défendu même le dimanche. Saint Théodore Siceote reprenoit ceux qui alloient au bain après la sainte Communion. Fleur. ☞ L’usage des bains, sans rien établir contre l’honnête bienséance, permet tous les plaisirs que la vertu ne défend point.

Ce mot bain s’est formé du latin balneum, ou balineum, que Guichard dérive de l’hébreu, tabal טבל, tingere, intingere, mergere, immergere, lavare, c’est-à-dire, plonger, enfoncer dans l’eau, laver, en retranchant la première syllabe ט ta.

Bains, au pl. se dit par excellence des eaux chaudes & minérales qu’on ordonne pour la santé. Thermæ. Les bains de Bourbon, de Vichi, &c. Aux bains d’Hiesberg en Silésie, les eaux sont sulfurées, bleuâtres, & fort puantes.

Bain, se dit encore des bâtimens destinés pour se baigner. C’étoit chez les anciens, de grands édifices qui avoient plusieurs cours, & appartemens, dont les principales pièces étoient les salles du bain, l’une pour les hommes, l’autre pour les femmes, & au milieu de chaque salle il y avoit un bassin entouré de sièges & de portiques. A côté de chaque bain étoient des cuves d’où l’on tiroit de l’eau chaude, & de l’eau froide, pour composer la tiède. Ces bains servoient plus pour la volupté, que pour la santé. C’est de ceux-là principalement qu’est vrai ce que dit Rochefort : les bains sont de l’équipage de l’amour & de la volupté. Alexandre Sev. disoit en colère, Milites Romani amant, potant, lavant. On fait marcher en même rang balnea, vina, venus.

Les plus magnifiques, & dont il reste encore quelques débris, sont ceux de Titus, de Paul Emile & de Dioclétien. On prétend qu’à Rome il y avoit 856 bains, tant publics que particuliers. Il y a eu de beaux restes de bains antiques en plusieurs villes de France, comme à Nismes & à Orange. C’étoit une grosse tout ronde, soutenue sur de grands arcs ouverts du Septentrion au Midi, y en ayant deux de chaque côté, & bâtie de grosses pierres de taille ; & plus bas à droite & à gauche, on y voyoit de longues grottes voûtées de menues pierres, avec les lieux où étoient les bains. D. l. Pise. Ces bains artificiels sont encore fort en usage dans l’Orient. Il y a un appartement au Louvre qu’on nomme les bains de la Reine.

☞ Les bains publics s’appeloient Balineæ, balneæ, balnearia. Le bain de maison particulière. Balnearium, balneum.

Bain, est aussi la cuve, ou baignoire où on se baigne. Solium, labrum. On dit en ce sens, remplir, vider le bain. On le dit aussi de chaque fois qu’on se baigne. Il en coûte tant chez un tel pour chaque bain. Un demi-bain, labrum minus, est une petite baignoire où on ne met que la moitié du corps.

Bain, se dit aussi de la liqueur où l’on se baigne. Il y a des femmes qui se baignent dans un bain de lait, dans un bain d’eau rose. ☞ Bain dans le vin, dans une cuve de vendange. Bain avec des herbes fines, aromatiques.

Bain, se dit aussi par rapport à la disposition du lieu ou du temps où l’on peut prendre le bain commodément & agréablement dans quelque endroit. Le bain est bon, et dangéreux dans cette rivière, dans tel endroit de la rivière. Le bain est bon dans telle saison, dans tel temps.

☞ On le dit aussi relativement aux effets que le bain produit, ou qu’on en attend. Le bain est recommandé dans la néphrétique. Les Indiens disent que le bain pris dans certaines rivières efface entièrement les péchés. Lett. Édif.

On appelle en Médecine un bain vaporeux, ou étuve, lorsque les malades ne sont pas plongés dans une liqueur, mais qu’ils reçoivent seulement une vapeur, ou une exhalaison qui les échauffe & les fait suer. Laconicum, sudatio, sudatiorum. Il y a deux sortes de bain vaporeux, un humide & un sec. Le bain vaporeux humide n’est autre chose que la vapeur qui s’élève d’une liqueur simple, ou d’une décoction d’herbes qu’on fait recevoir aux parties malades sur une chaise percée, ou avec des entonnoirs, pour ouvrir les pores & provoquer les sueurs, dont on use particulièrement pour les maladies du fondement & de la matrice. Les matières du bain sont les mêmes que celles des fomentations. Le bain vaporeux sec est lorsqu’on provoque les sueurs parla simple chaleur du feu, ou par le moyen de briques, ou de cailloux bien chauds, qu’on met sous les aisseles, ou sous la plante des pieds, ou bien par ces mêmes cailloux ardens qu’on met dans un endroit étroit, où le malade est renfermé.

En termes de Médecine on appelle bains locaux, les fomentations qu’on applique sur quelque partie malade, parce qu’elles font le même effet sur une partie que le bain ou le demi-bain font sur plusieurs.

On dit en été, que l’eau qu’on donne à boire sans la rafraîchir, qu’elle est chaude comme un bain. On dit aussi en été, quand on voit un gros nuage, que c’est un bain qui chauffe. On appelle aussi un lieu où l’eau est sale & bourbeuse, bain de grenouilles, bain de crapauds. S. Amant a dit du Tibre, bain de crapauds, ruisseau bourbeux.

En termes de monnoies, être en bain, c’est être entièrement fondu. De l’or en baon, c’est de l’or entièrement fondu ; & quand il est prêt à fondre, on dit de l[or en pâte. On dit de même, de l’argent en pâte. Boizard

Bain, en termes de Chimie, se dit de plusieurs coctions, distributions, ou autres op&rations qui se font sur des matières propres à entretenir une chaleur douce. ☞ Ce sont les diverses matières dont on se sert pour communiquer de la chaleur à quelque substance.

Bain de cendres, quand le vase ou la cucurbite qui contient la matière que l’on veut distiller, est placé dans un pot où il y a des cendres, ensorte qu’il soit échauffé par la chaleur des cendres.

Bain-Marie, se dit d’un vaisseau plein d’eau chaude qui est sur le feu, où l’on met le vase qui contient les matières qu’on veut faire distiller. Distillation au bain-marie. Ferventis aquæ fornax distillatoria.

Bain vaporatoire ou Bain de vapeurs, balneum roris, quand le vaisseau où sont les matières sur lesquelles on opère, est exposé aux vapeurs de l’eau bouillante.

Bain de sable, bain de limaille, bain sec, balneum siccum, quand le vase qui contient la matière, est dans le sable, dans des limailles de fer, au lieu d’eau, qu’on a eu soin de faire chauffer auparavant.

On appelle encore en Chimie bain, une matière liquéfiée, rendue liquide & fluide, réduite en liqueur, de même qu’en termes de monnoies ci-dessus.

Bain-Marie, en termes de Philosophie hermétique, signifie toute autre chose que chez les Distillateurs ; car il veut dire que le fourneau philosophal, ou le mercure dans lequel le Roi & la Reine (le soleil & la lune) se baignent.

Bain-Marie. Terme de cuisine. On appelle faire chauffer ou cuire au bain-Marie, quand ce que l’on fait chauffer ou cuire n’est pas immédiatement sur le feu, mais trempe dans l’eau qui est sur le feu. C’est ainsi que l’on fait cuire des œufs au lait, du ris, &c.

On dit en Maçonnerie, qu’une cour est pavée à bain de mortier ; pour dire, qu’on y a mis du mortier abondamment, comme doivent être celles qui sont sur les caves.

Bain, dans les différens arts & métiers, se dit des liqueurs & des vaisseaux dans lesquels on donne quelques préparation aux différens ouvrages.

Bain, en termes de Teinturiers, se dit d’une cuve pleine d’eau & de drogues servant à la teinture, dans laquelle on trempe ou on fait bouiller les étoffes qu’on veut teindre. Le bain d’alun se doit donner à froid, parce que sa chaleur perd le lustre de la soie, & la rend rude & âcre. Un bain de cochenille, de garence. Il y a aussi des demi-bains.

Bain, chez les Plumassiers. C’est une poêle de cuisine dans laquelle ils jettent ou plongent les plumes qu’ils veulent mettre en couleur. Ils donnent aussi ce nom à la matière colorante contenue dans la poêle.

Bain. Ordre Militaire en Angleterre, institué par Richard II, au XIVe siècle. Richard régla qu’il n’y auroit que quatre Chevaliers du bain ; mais Henri IV, son successeur, en augmenta le nombre jusqu’à 46. La marque des Chevaliers du bain étoit l’Ecu de soie bleue céleste en broderie, chargé de trois couronnes d’or, avec ces mots, Tres in uno ; c’est-à-dire, Trois dans un, pour marquer les trois vertus théologales. Ces Chevaliers avoient coutume de se baigner avant que de recevoir les éperons d’or ; coutume qui ne se garda qu’au commencement de l’Ordre, & se perdit ensuite peu-à-peu. C’est de là que leur vint leur nom. On ne donne guère l’Ordre du bain, que dans la cérémonie du sacre des Rois, ou de l’inauguration du Prince de Galles, ou du Duc d’Yorck. Il paroît par un manuscrit cité par Du Cange, qu’on ne faisoit les Chevaliers du bain qu’en temps de paix. Le titre du manuscrit est, ci-après ensuite l’Ordonnance, & manière de créer & faire nouveaux Chevaliers du bain au temps de paix, selon la coutume d’Angleterre. Cela se fait, dit Larrey, avec de grandes cérémonies. Justiniani les décrit dans son Hist. des Ordr. milit. Tom. I, ch. 15, p. 151. La Messe, la Confession, la Communion, n’y sont pas oubliées. Il décrit aussi fort en détail leurs habits, leurs ornemens, leurs devoirs, &c. Quand les chevaliers prêtent le serment de fidélité dans la Chapelle de Henri VII, ils sont vêtus d’un habit d’Hermite avec des sandales ; ensuite on les revêt d’une robe magnifique, & le Roi leur fait quelquefois l’honneur d’aider à leur mettre les éperons. Ils portent un ruban rouge en écharpe. Cabden, & d’autres après lui, font Henri IV Auteur de cet Ordre en 1399. Cet Auteur dit que ce Prince étant au bain, fut averti par un Chevalier, que deux femmes veuves venoient lui demander justice. Il sortit sur le champ du bain, en disant qu’il devoit préférer de rendre justice à ses Sujets, au plaisir du bain, & ensuite il institua cet Ordre.

Joseph de Michieli, Auteur Espagnol, le P. André Mendo, & Jean Caramuel, suivent l’opinion de Cambden. Francesco Rédi, & après lui Justiniani, prétendent que Cambden se trompe, que cet Ordre est beaucoup plus ancien. Ils se fondent sur l’ancien manuscrit rapporté par M. Du Cange, & dont nous avons parlé ; mais ce manuscrit ne prouve rien. D’autres disent seulement qu’on attribue cette institution à Henri IV, au lieu de Richard II, parce que Henri augmenta l’Ordre, & lui donna une nouvelle forme, peut-être à l’occasion que Cambden raconte. Justiniani montre que cet Ordre avoit passé d’Angleterre en France & en Italie, & rapporte un titre curieux sur cela Voyez Froissard, Matthieu Paris, Spencerus, Cambden, Salmonet, & Justiniani, qui a ramassé tout ce que les autres ont dit, Hist. di tutti l’Ord. milit. T. I, c. 150, edit. in-fol. qui est la meilleure & la plus ample. Nicod. Uptonus, De Officio militari. Lib. I, c. 3. Thomas Smith, de Republ. Angl. Lib. I, cap. 17. & André Favin, Théâtre d’honneur. Liv. V.

En 1725, le roi George rétablit l’Ordre du bain, & nomma 36 Chevaliers. Il se déclara Souverain de cet Ordre, & y associa le Prince Guillaume son petit-fils, & fit le Duc de Montaigne Grand-Maître.

Sans qu’il y eût un Ordre du bain, le bain a été en usage en France dans la création des Chevaliers ; & de vieux titres marquent que c’étoit au Grand Chambellan à préparer les bains des nouveaux Chevaliers, desquels les robes qu’ils avoient vêtues entrant auxdits bains, lui appartenoient. Du Tillet. Rec. des Rois de France, pag. 415. Voyez Du Cange au mot Miles, où il décrit toute cette cérémonie, d’après un vieux titre qu’il corrige en bien des endroits. Acosta, dans son Hist. des Indes, Liv. VII, ch. 27, dit qu’au Mexique les Prêtres lavent ou baignent les enfans des Seigneurs, avant qu’on leur fasse la cérémonie de leur ceindre le baudrier militaire. S. Grégoire de Nazianze dit qu’on initioit aussi par une semblable cérémonie les étudians dans l’Académie à Athènes.

Bain. Gros village de Lorraine. Ce lieu est distingué par trois sources d’eaux minérales, qui sont limpides & insipides. La première source est la plus abondante & la plus chaude ; elle surpasse même la source de Plombière. elle remplit le seul bassin qui est dans ce village. Ce bain a été bâti par les anciens Romains ; son ciment est encore plus dur que le roc. S. A. R. Léopold I y a fait travailler en 1713. La seconde source n’est que tiède : elle sort au côté gauche du bassin, vers le milieu, par un robinet attaché à une pyramide de pierre de taille, & au niveau de la marche du milieu du bassin. La troisième source chaude usuelle est située au-delà du ruisseau : elle sort d’un jardin par un canal de bois. Cette eau est tiède, elle a une légère acidité au goût après l’avoir bûe. Par diverses opérations de chimie, on a observé que ces eaux chaudes participent des parties spiritueuses de beaucoup de soufre bitumeux, de sel volatil talqueux, qui font 40 grains par pinte. Il est beaucoup plus modéré que celui qu’on a tiré des eaux de Plombière. Il ferment foiblement avec les acides. On voit encore à Bain au bas d’un pré près du ruisseau, des vestiges d’un ancien bain appelé Bain Casquin. Les sources chaudes de ce bain sont à présent fort divisées. Les eaux chaudes minérales & les bains de Bain, quoiqu’un peu plus foibles que celles de Plombière, conviennent aux mêmes malades que ceux qu’on envoie à Plombière, à la réserve néanmoins des Paralytiques.

Cet article est tiré entièrement des Mémoires de M. Mengin, premier Médecin Ordinaire de S. A. R. le Duc de Lorraine.