Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BAIL

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 703-704).
BAILE  ►

☞ BAIL, au pluriel, baux. s. m. Terme de droit. Contrat par lequel on donne une terre à ferme ou une maison à louage : ou convention par laquelle on transporte à un autre la jouissance d’une chose, d’une terre, d’une maison, d’un droit, pendant un certain temps, moyennant un certain prix fixé par la convention. Locatio, conductio. Le bail ne transfère que l’usage, & la jouissance de la chose. Le bail d’une terre, d’une maison, d’une Seigneurie, d’une dime, d’un champart. Le bail des Aides, des Gabelles. Un Arrêt du Parlement de Paris a confirmé un bail de maison, dont on demandoit la résolution, sur ce qu’on prétendoit qu’il y revenoit des esprits. Il y a des baux généraux & des baux particuliers des monnoies. Boizard en traite dans son Traité des Monnoies. P. I, c. 14

Bail conventionnel, est celui qui se fait volontairement entre deux parties. Locatio pactitia. Les baux ordinaires n’excèdent point le temps de neuf années, autrement c’est une emphytéose. Chez les Romains ils n’alloient point au-dela de cinq années. Si, avant que le bail soit expiré, le bailleur veut occuper lui-même sa maison, il peut expulser le locataire en payant un certain dédommagement. L’acheteur n’est point obligé d’entretenir le bail, à moins qu’il ne soit autrement convenu. De Lau. Le propriétaire d’une terre ne peut expulser son fermier, ni annuler le bail sous prétexte d’en jouir par ses propres mains. Brodeau. Si après l’expiration du bail le locataire demeure dans la maison, le bail est censé renouvellé, ou continué ; mais seulement pour un an. De Lange. Celui qui est pourvû d’un bénéfice par mort, n’est point obligé d’entretenir le bail fait par son prédécesseur. Brodeau.

Bail judiciaire, celui qui se fait des biens saisis, par des enchères en Justice, & après les proclamations requises. Locatio judiciara. Bail emphythéotique, qui se fait à longues années, depuis dix ans jusqu’à quatre-vingt-dix-neuf ans. Il se fait des baux au rabais, en Justice, soit pour la conduite d’un prisonnier, soit pour les réparations d’un héritage saisi réellement. On fait aussi des baux à vie, à quatre âges, quatre vies, & quatre générations.

Nicot croit que ce mot peut venir de l’hébreu בעל, baal, qui signifie tradere. Mais בעל, ne signifie point tradere en hébreu. Il signifieroit plutôt prendre, devenir maître d’une chose. Quelques-uns croient fort vraisemblablement que bail vient de bailler, mettre entre les mains, parce que celui qui fait un bail, met une chose entre les mains d’un autre, pour en jouir à certaines conditions convenues entr’eux. Budé, Etienne & le P. Labbe sont de cette opinion.

Bail à rente, & bail d’héritages, est un traité, ou vente, par lequel on abandonne le fonds d’un héritage, moyennant une rente annuelle & foncière, que le preneur s’oblige de payer, laquelle n’est point rachetable, & dont on ne se peut décharger qu’en abandonnant le fonds. Traditio fundi retento annuo proventu, ou reditu.

Bail à ferme. C’est le louage d’un fonds qui de sa nature produit quelque chose, soit par la culture, comme les terres, les vignes ; ou sans culture, comme un bois-taillis, un pâturage, un étang. On peut encore faire un bail à ferme d’une carrière, d’un lieu d’où l’on tire du sable, de la terre à Potier, de la chaux, du charbon, &c. On peut encore donner par un bail à ferme un droit de chasse ou de pêche, un droit de péage, le passage d’un pont, ou d’un bac, ou d’autres droits semblables. Le bail à ferme est distingué du bail à loyer d’une maison & autres bâtimens, en ce que le locataire a sa jouissance connue & réglée de l’habitation, ou autre usage d’un bâtiment qu’il prend à louage, & que le Fermier ignore quels seront au juste les fruits & autres revenus qu’il prend à ferme.

Bail, est aussi l’expédition de cette convention qu’on leve chez un Notaire. Tout preneur d’héritages à loyer est obligé de fournir le bail en forme au propriétaire.

Bail, dans quelques Coutumes, signifie garde & tutelle des biens d’un mineur jusqu’à l’âge de vingt & un an. Pupillorum tutela. En celle de Paris, on l’appelle garde-noble, ou bourgeoise. Elle diffère pourtant du simple bail, en ce que la garde-noble, ou bourgeoise, n’appartient qu’aux ascendans ; & le bail se donne aux plus prochains parens collatéraux ; & les dispositions en sont différentes selon les coutumes. On dit aussi, vider hors le bail ; pour dire, sortir de garde & de tutelle.

On appelle aussi bail, en diverses Coutumes, l’action par laquelle on met quelqu’un en possession d’une personne, ou d’une chose. Traditio. Desbail est opposé à bail, pris en ce sens. Quand une fille se marie, il y a bail, parce qu’elle entre en la puissance de son mari ; & quand son mari meurt, il y a desbail, parce qu’elle sort de garde.

Bail, c’étoit autrefois un droit que les Seigneurs levoient en Bretagne sur leurs vassaux. Il paroit par quelques actes du commencement du Xe siècle, qu’à la mort des particuliers les Seigneurs prétendoient quelques droits sur leurs héritages ; mais on ne peut pas assurer que ce fut encore là le droit de bail, qui a depuis été changé en celui de rachat, parce que ce droit odieux de bail paroît n’avoir été introduit en Bretagne que par le Duc Geoffroi dans son assise de l’an 1185. Lobineau. Ce droit de bail consistoit en ce que les Ducs de Bretagne prenoient & avoient à raison de bail, les fruits & revenus des terres & des rentes des Gentil-hommes après leur mort, quand leurs héritiers n’étoient pas en âge, & les retenoient jusqu’à ce que les héritiers eussent vingt ans accomplis ; & de même par rapport aux cades qui tenoient quelques terres en fief de l’aîné de leur maison. C’est le Dux Jean qui l’explique ainsi dans un titre de l’an 1275, où il change le droit de bail en rachat.

On a dit aussi autrefois, tenir le royaume en bail ; pour dire, en avoir la régence & le gouvernement. Regni administratio. On a appelé aussi autrefois bail un mari, parce qu’il a la tutelle & administration de la personne & des biens de sa femme.

Bail d’amour, se dit dans le style familier & comique pour signifier un engagement galant & amoureux, une assurance d’aimer toujours.

Pour rendre votre esprit certain,
Je vous passerai dès demain
Un bail d’amour devant Notaire. Saras.

On dit figurément, cela n’est pas de mon bail ; pour dire, cela est arrivé dans un temps où rien ne m’obligeoit à y prendre part.