Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BABYLONE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 686-687).
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BABYLONE. Babylon. Ville célèbre de l’Orient, située sur l’Euphrate, au-dessus de l’endroit où il se joint au Tigre. L’Ecriture, dans la langue originale, appelle toujours Babylone Babel, ce qui montre que c’est la même ville, & que le nom de Babylone s’est formé de Babel. Babylone est la capitale du plus ancien empire du monde. Cette ville fut beaucoup augmentée & embellie dans la suite par les successeurs de Nemrod, qui en fut le premier Roi. La plus ancienne description que nous en ayons, après ce que l’Ecriture en dit en divers endroits, est celle qu’Hérodote en a faite dans son premier livre. L’enceinte de Babylone étoit de 480 stades : elle étoit carrée, & elle avoit sur chaque côté 120 stades. Cela fait vingt lieues de tour. Quelques Auteurs ne lui donnent que 365 stades, & d’autres 385. Ceux qui lui en donnent le moins en mettent 360, c’est 15 lieues de tour. Tous les Anciens sans exception, disent que les murailles de Babylone étoient de brique. Voyez Hérodote, Liv. I, p. 81. Diodore de Sicile, Liv. II. Dion dans Trajan ; Justin, Liv. I, chap. 2. Q. Curce, Liv. V, chap. 1. Aristophane dans la Comédie des oiseaux ; Théocrite, Idyl. 16 ; Ovid. Met. Liv. IV, v. 58. Properce, Liv. III. Eleg. X, v. 21. Lucain, Liv. VI, v. 50. Mart. Liv. IX, epig. 77. Juven. Sat. X, v. 171. D’Herbelot, Bibl. Orient.

Que maintenant le Parthe, ou que l’Histoire antique,
Nous vante Babylone & ses remparts de brique.

Bréb.

Ses murs étoient si larges, que des chars à quatre chevaux y pouvoient passer de front sans s’incommoder. Ils avoient deux cens pieds de haut, & 32, ou selon d’autres, 50 pieds de large par en haut. Ses murailles étoient Hanquées de 250 ou 500 grosses tours qui avoient 50 coudées de hauteur.

Plusieurs Anciens disent qu’elle fut bâtie par Sémiramis, & d’autres par Belus. D’autres prétendent que ce ne fut pas Belus, mais Babylon son fils, de qui elle prit son nom. Ce sont des fables ; nous avons un témoignage plus sûr que tout cela dans ce que nous en dit l’Ecriture. Voyez Babel. Sémiramis accrut & embellit beaucoup Babylone. Les jardins qu’elle y éleva en terrasse sur des voûtes ou plates-formes de pierres énormes, passoient pour une merveille du monde. L’Euphrate passoit au milieu de la ville. Hérodote nous parle du pont que Nitocris y bâtit, comme d’une autre merveille. C’étoient de gros piliers de pierres liées ensemble par des barres de fer cramponées avec du plomb : sur ces piliers portoient des poutres & des planches : il avoit 625 pieds de long, & 30 de large. Babylone avoit cent portes d’airain, & un temple de Belus très-magnifique. Hérodote donne huit étages à la tour de Babylone. On dit qu’elle étoit haute de 416 coudées, & qu’elle avoit au rez de chaussée quatre ou cinq mille cent soixante pas de circuit. Cette ville fut d’abord la capitale de l’Empire Babylonien. Les Assyriens dans la suite réunirent les deux Empires, dont elle fut encore la capitale. Les Perses s’en rendirent maîtres sous la conduite de Cyrus ; Alexandre la prit, & enfin elle a été détruite, de sorte que selon les oracles des Prophètes, il ne reste plus rien de tant d’ouvrages si superbes, & on a même de la peine à trouver l’endroit où fut Babylone.

On a vu Babylone, après un sort si beau,
De tous ses habitans devenir le tombeau.

P. Chomel, Jés.

Car ce n’est point Bagdad, comme on le dit ordinairement. Séleucus Nicanor ayant bâti Séleucie sur le Tigre, à 300 stades de Babylone, Babylone déjà beaucoup diminuée par la négligence des Macédoniens, devint déserte & périt insensiblement. Séleucie fut appelée Babylone : & comme Bagdad est au même lieu que Séleucie, ou n’en est pas loin, Bochard a cru que c’étoit là ce qui avoit fait qu’on l’a prise pour Babylone. Les étoffes, les tapis, les broderies de Babylone, sont fort vantés dans l’antiquité, sur-tout par les Poètes.

On prétend que c’est dans Babylone que l’idolâtrie prit naissance. Les Israëlites du Royaume de Juda, c’est-à-dire, les deux Tribus de Juda & de Benjamin, furent emmenées captives en Babylone par Nabuchodonosor. C’est ce qu’on appelle la captivité de Babylone, qui dura 70 ans, jusqu’à la première année du règne de Cyrus à Babylone.

Babylone, est prise dans l’écriture pour un lieu de désordre & de crime. C’est de-là que nous disons aussi en françois dans le même sens, c’est une Babylone ; pour dire en général, un lieu plein de trouble, de désordre, de débauches, de crimes, de confusion.

En termes de spiritualité on appelle le monde, une Babylone. Ainsi Madame de la Vallière, dans ses Réflexions sur la miséricorde de Dieu, dit : Ces réflexions que vous m’inspirez pour retirer mon esprit & mon cœur de cette confuse Babylone, ou de malheureuses passions dominent les personnes les plus heureuses.

Babylone. La ville capitale de l’Egypte a porté autrefois ce nom. Babylon. Grégoire de Tours, Lib. I, Hist. Franc, l’appelle Babylone, Babylonia. Quelques-uns croient que ce nom lui vint de ce qu’elle fut bâtie par des Babyloniens de la Babylone de Chaldée qui se retirèrent là, & la bâtirent après les malheurs & la destruction de leur patrie. Le P. Kirker veut que la Babylone d’Egypte soit Héliopolis, & que celle-ci soit la Ramefsès dont parle l’Ecriture. Si cela est, ce sont les Israëlites qui l’ont bâtie. Voyz Exod. Ch. I, 11. Le Chevalier Marsham prétend que Cambyse ayant ravagé l’Egypte, & détruit Héliopolis, cette ville se bâtit, ce qu’il prouve par Josephe, Antiq. Livre II, ch. 5. Les ruines de cette Babylone se voient encore non loin du Kaire. On dit cependant communément que c’est le Kaire même, & le P. Mabillon l’a dit, Act. SS. Bened. Sæc. VI, Part. I, pag. 374, aussi bien que le P. Ruinart, dans ses Notes sur Grégoire de Tours, pag. 12, comme on dit que Bagdad est la Babylone de Chaldée ; & nos Poètes sur-tout ne font nulle difficulté de dire Babylone pour le Kaire : mais des Savans devroient parler plus juste.

Il y a une monnoie d’or de Louis XII, qui représente d’un côté ce Prince, & de l’autre les armes de Naples & de Sicile, avec ce mot, dit M. Thou, Liv. I, pag. 8. Perdam Babylonis nomen. Cet Historien prétend que par le mot de Babylone, Louis XII vouloit désigner Rome, & que ce Prince fit battre cette monnoie pour l’opposer aux menaces de Jules II, avec lequel il fut toujours mal. Mais le P. Hardouin, qui a fait une Dissertation sur cette monnoie, prétend que par Babylonis nomen, il faut entendre l’Egypte & l’Empire du Turc en Egypte ; que Babylone est le nom d’un village qui est en Egypte assez près du Kaire, & sur les ruines de la Babylone dont nous venons de parler, & que cette monnoie fut fabriquée avant que Louis XII fût brouillé avec Jules II. Il est bon d’avertir en passant que ni M. de Thou, ni le P. Hardouin, n’ont exactement rapporté l’inscription dont il s’agit. J’ai vu cette monnoie d’or, & il y a Perdam Babillonis nomen, & non pas Babylonis. Ce peut être une ouverture pour une autre explication. Le Blanc, dans son Traité des monnaies, met un peu mieux Babilonis, mais il y a deux ll sur la monnoie d’or que j’ai vue. Il n’y a encore que les armes de France, & non celles de Naples, comme l’assure M. de Thou. Du côté de la tête l’inscription est, Ludo. Franc. Regniq. Nea. avec la tête de Louis XII, qui a une couronne rayonnée.