Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BAAL

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 682-683).
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BAAL. s. m. Idole des Samaritains & des Moabites. Les Grecs croient que c’étoit leur Dieu Mars. C’est le sentiment de Jean d’Antioche, de Cedrenus & de Suidas. S. Augustin croit que c’étoit Jupiter. Lightfoot veut que Baal, & son pluriel Baalim, soient des noms communs à toutes les idoles, parce que Baal veut dire Seigneur : c’est apparemment pour cette raison que Saint Augustin, qui avoie quelque connoissance de la langue punique, qui étoit la même que la Phénicienne, ou qui en étoit un dialecte, a cru que Baal étoit Jupiter, c’est-à-dire, le maître des Dieux & des hommes, comme l’appeloient les Grecs & les Romains. Il y a plus : au IIIe Liv. des Rois, ch. XVI, v. 31, & au IVe, ch. X, v. 18 & 19, il est dit, qu’Achab avoit honoré Baal ; il lui avoit bâti un temple que Jehu détruisit. Achab ne l’avoit fait qu’en considération d’Ethbaal, Roi de Sidon, son beau-pere ; ainsi Baal étoit un Dieu des Sidoniens. Or le Dieu des Sidoniens, au rapport d’Hésichius, étoit Jupiter, auquel, à cause de leur situation & de leur port, ils donnoient l’épithète de θαλάσσιος, Marin, ou Maritime, ce qui montre que le Baal de l’Orient étoit appelé Jupiter en Occident. Quelques-uns ont cru que Baal étoit le même que Moloch, parce qu’il signifie Roi, ce qui est à peu-près la même chose que Baal, c’est-à-dire. Seigneur.

Les Chaldéens regardoient Baal comme le Créateur du monde. Ils appelèrent ensuite de ce nom le Soleil, que les Phéniciens regardoient comme le seul Dieu du ciel. Enfin, il est vraisemblable qu’ils donnèrent ce même nom à plusieurs astres, & à des Rois, ou des Héros, en les déifiant. C’est là probablement la cause du grand nombre de Baalim qu’il y avoit dans la Chaldée & aux environs ; car c’étoit aussi un Dieu des Samaritains, des Moabites & de plusieurs Chananéens, ou Phéniciens, comme il paroît par l’Ecriture, Nombres XXII, 41. Il le mena sur les hauts lieux de Baal, & il lui fit voir de-là l’extrémité de l’armée du peuple d’Israël. Saci. Liv. des Jug. VI, 25, 3. Liv. des Rois XVI, 31, 32. Liv. 4. des Rois X, 18, 19. C’est aussi dans S. Augustin un Dieu des Carthaginois, qui étoient une colonie des Phéniciens. Mais tous ces Baalim étoient différens ; le Baal des Phéniciens n’étoit point celui des Babyloniens, non plus que le Jupiter des Grecs n’étoit point le Jupiter Ammon de la Lybie ; l’un & l’autre sont des noms communs à plusieurs Divinités. Voyez Jérém. II, 28, & S. Paul 1. Cor. VIII.

Jean d’Antioche dit que le Baal des Babyloniens est le successeur de Ninus ; mais communément on le prend pour son père & son prédécesseur, c’est-à-dire, Nemrod. Voyez le P. Pétau, De Doctr. Temp. & Ration. Temp. P. 1, Lib. cap. 2, & le P. Kirker, Œdip. T. I. Syntagma IV, c. 4, p. 262 & suiv. Le Baal ou Bel d’Egypte, est Mitsraïm, selon le P. Kirker au même endroit ; & dans son Latium, p. 5, Il dit que Baal est Cham.

Ce nom vient de l’hébreu בעל, Baal, qui signifie dominer, être maître ; d’où se fait le nom בעל, Baal, Dominus. Les Phéniciens, dont la langue étoit la même que celle des Hébreux, prononçoient aussi Baal, comme eux. Les Chaldéens, si l’on en croit Servius & d’autres anciens, prononçoient Bel ; car il faut lire dans cet Auteur Bal, & Bel, & non pas hal, & hel, comme portoient quelques exemplaires corrompus, que Giraldus & d’autres ont suivis. C’est surr le premier Liv. de l’Enéide, v. 733, 734. De ce Bel des Chaldéens, les Grecs ont fait Βῆλος, Belus. Le P. Kirker, Œdip. Ægypt. T. I. Synt. 4, cap. 4, p. 264, prétend que ce nom donné aux deux premiers Auteurs de l’idolâtrie, & qui les premiers ont reçu des honneurs divins, Mitsraïm & Nemrod, signifie celui qui est si parfait, que l’homme ne peut rien concevoir de plus grand, ni de meilleur, c’est-à-dire, Dieu entant qu’il peut, & qu’il est prêt à secourir les hommes dans leurs nécessités. Si c’est là l’idée que les peuples y ont attachée dans la suite, ce n’est pas celle que fait ce mot, à raison de son origine.

Les Orientaux donnèrent à Baal différentes épithètes, comme les Grecs & les Romains en donnèrent à Jupiter qu’ils appelèrent Olympius, Capitolinus, Latialis, Pluvius, &c. On dit de même Baal Peor, ou Beel Phegor, Beel Sephon, Béelzebub, Beelberith, soit à cause des lieux où il étoit honoré, soit à cause des bienfaits dont on croyoit lui être redevable, soit pour quelqu’autre raison, que nous expliquerons sur ces mots, ou que nous ignorons, comme a remarqué Godwin, Liv. IV, ch. 3, de son Moses and Aaron ; soit pour distinguer ces faux Dieux les uns des autres.

Au pluriel nous ne disons point Baals, comme nous le devrions dire en suivant les règles de notre langue ; mais nous prenons le pluriel hébreu, comme en fait aussi en grec & en latin. Si vous revenez au Seigneur de tout votre cœur, ôtez du milieu de vous les Dieux étrangers, les Baalim & les Astaroth, 1. Liv. de R. VII, 3. Baal, ou Baalim au pluriel, & Astaroth marquent en général les Dieux & les Déesses des Païens. Saci, dans sa note sur cet endroit. Cependant le même Auteur a toujours évité d’employer le pluriel Baalim dans le texte de l’Ecriture, & il ne met jamais que le singulier Baal. Otez du milieu de vous les Dieux étrangers Baal & Astaroth. Mais ce n’est pas parler assez exactement ; car comme nous avons dit, il y avoit plusieurs Dieux de ce nom tous différens les uns des autres. D’ailleurs, pourquoi ne pas retenir Baalim, comme Astaroth, qui est au pluriel, aussi-bien que Baalim ? Ou il falloit changer l’un & l’autre, ou il falloit retenir l’un & l’autre, comme ont très-bien fait les Lovanistes. C’est que M. de Saci ne savoit pas les langues originales. Les Traducteurs de Genève ont encore plus mal fait : car quelquefois ils ont aussi substitué le singulier Baal au pluriel Baalim ; mais quand ils ont conservé le pluriel, au lieu de Baalim, ils ont mis Bahalins, comme si on disoit Bahalin au singulier, ou qu’en françois le singulier Bahal pût jamais avoir Bahalins au pluriel ; c’est enter un pluriel françois sur un pluriel chaldéen, & faire un double pluriel. Les Lovanistes font aussi une faute à mon sens ; c’est qu’ils prennent Baalim pour un singulier, & ne lui joignent que l’article du singulier. Les enfans d’Israël firent donc mal en présence du Seigneur, & servirent à Baalim. Frison le change quelquefois en singulier, Baal, & quelquefois il met Baalim sans article, laissant à douter s’il en fait un singulier ou un pluriel. Otez du milieu de vous les Dieux étrangers Baalim & Astaroth. Je crois que pour parler exactement, il faut le faire pluriel, & lui en donner l’article. Les Baalim, des Baalim, aux Baalim. Il est même mieux & plus élégant de dire, ôtez les Baalim, & les Astaroth, que de dire, ôtez Baalim & Astaroth, ou Baal & Astaroth. Voyez Vossius, de Idol. Lib. II, cap. 4, & dans d’Herbelot ce qu’en disent les Musulmans.

Baal, est aussi quelquefois un nom propre d’homme, comme l. Paral. VIII, 30, IX, 36. Et dans Josephe, Liv. III, contre Appion, un Roi de Tyr, successeur de Ithobal, ou Ethbaal, est appelé Baal, soit que ce fût un nom appellatif & général, comme celui de Pharaon, soit que ce fût son nom propre.

Baal, est aussi un nom de lieu au Liv. I, des Paralipomènes, ch. IV, v. 23, & v. 33. C’est le même que le Livre de Josué, ch. XV, 9, 10, 11 & XIX, 8, appelle Baalath, ou Baala. Ce lieu étoit aux confins de la Tribu de Siméon, du côté du midi. S. Jérôme l’appelle Ballath dans son Livre, de locis hebraicis.