Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BAÏANISME

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 701-702).
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BAÏANISME. s. f. Nom de secte. Doctrine de Michel de Bay, appelé communément Baius, Baïanismus, secta, doctrina Baii. Le Baïanisme en tant qu’il signifie un corps, un systême de doctrine, est la doctrine, est la doctrine enseignée par Baïus, & comprise en 79 propositions, condamnées par Pie V, dans la Bulle Ex omnibus afflictionibus & par Grégoire XIII, dans la Bulle Provisionis nostra. Baïanisme pris pour un nom de secte, est l’assemblage de ceux qui tiennent les erreurs de Baius.

Michel Baïus ou de Bay, né en 1513, dans le Haynaut, au territoire d’Ath, après avoir fait ses études dans l’Université de Louvain, y fut reçu Docteur en 1550, & en devint Doyen. L’année suivante, il fut nommé Professeur de l’Ecriture Sainte, par Charles V. Ce fut alors qu’il entreprit la défense de la Religion catholique contre les Luthériens dans quelques ouvrages qu’il mit au jour ; mais sous prétexte de ramener ces Hérétiques au sein de l’Eglise, il s’approcha de leurs erreurs en plusieurs points; & il assure lui-même qu’il s’éloignoit des sentimens & des façons de parler des Ecoles catholiques. Dans ces Ouvrages il faisoit revivre divers points de la doctrine de Calvin, qu’il déguisoit avec beaucoup d’artifice, & qu’il prétendoit mettre à couvert sous l’autorité de S. Augustin, comme avoit fait Calvin lui-même. Les opinions de Baïus ont été réduites à 80 propositions ou environ, selon qu’on en a ou divisé ou réuni quelques unes. On peut les réduire a diverses classes. Il y en a onze touchant la grâce des Anges, & celle du premier homme. Dix touchant le libre arbitre. Quinze touchant les mérites des bonnes œuvres. Dix-neuf touchant les péchés actuels & l’observance des Commandemens. Huit touchant la justification & l’efficace des Sacremens. Cinq touchant les peines dûes au péché.

En 1552, Ruard Tapper, Chancelier de l’université de Louvain, & Inquisiteur de la Foi, qui avoit été Maître de Baïus, se joignit à Jodoque Ravestein pour s’opposer aux erreurs de Baïus. Ces deux Docteurs avoient assisté au Concile de Trente ; mais voyant que Baïus & Hessels ne cessoient de répandre leurs dogmes pernicieux, ils les déférèrent au Conseil souverain de Bruxelles, & à Grandvelle, premier Ministre. Les nouveaux Docteurs furent admonetés, & leur doctrine défendue. Ils promirent de l’abandonner. En 1560, deux Cordeliers, l’un Gardien de Nivelle, & l’autre d’Ath, voyant la nouvelle doctrine, malgré les défenses, se répandre, & pénétrer jusque dans leurs Cloîtres, en déférèrent plusieurs articles à la Sorbonne, qui les censura le 27 Juin 1560. L’année suivante on présenta au Cardinal Grandvelle, alors Archevêque de Malines, plusieurs proposition de Baïus, qu’on lui imputoit : Baïus en désavoua la plûpart, & expliqua les autres ; ainsi le Cardinal, pour appaiser le différent, imposa silence aux deux partis. En 1563, Baïus fut envoyé au Concile de Trente, en qualité de Docteur de Sa Majesté Catholique, & l’année suivante Baïus de retour du Concile de Trente, mit au jour de nouveaux ouvrages qui renouvellerent les troubles. Pie V, par une Bulle du 1 Octobre 1567, condamna la doctrine de Baïus. La Bulle fut présentée à ce Docteur. Après quelques difficultés, il s’y soumit, & abjura toutes les propositions qui y sont condamnées. Les Partisans de Baïus prétendirent que cette Bulle n’avoit pas été suffisamment promulguée. En 1570 le Concile national des Pays-Bas, assemblé à Malines, ordonna qu’elle seroit publiée dans l’Université de Louvain : elle lui fut signifiée le 16 Novembre de cette année, par le Grand-Vicaire de Malines. Tous les Docteurs y souscrivirent unanimement : cependant quelques-uns ne laissoient pas de soutenir les propositions condamnées ; ce qui fit qu’en 1579, Grégoire XIII condamna de nouveau le Baïanisme, & chargea le P. Tolet, Jésuite, de porter cette Bulle à Louvain, & de la faire recevoir. Il y réussit. Toute l’Université assemblée, Baïus reconnut ses erreurs : il les rétracta, & donna un acte de sa rétractation. Fut-elle sincère, ne le fut-elle pas ? c’est un problême. Pallavicin, Hist. du Concile de Trente, Liv. XV, C. 7. Théophile Renaud, de Libris configendis, n. 57, le P. Graveson l’assurent même de sa première rétractation. Au contraire, Morillon, dans une lettre du 26e Juin 1568, se plaint que Baïus n’avoit point change de sentiment : mais il y a tout sujet de croire qu’au moins la seconde que Tolet ménagea, fut sincère, & que Baïus mourut soumis au jugement du S. Siège. Sa mort arriva le 16 Septembre 1589.

Malgré cette seconde condamnation, & quoique l’Université de Louvain l’eût reçue d’un consentement unanime, & que chaque Docteur eût promis avec serment de ne soutenir jamais ces opinions, il se trouva des Docteurs qui continuèrent à les enseigner, & qui même enchérirent beaucoup sur les erreurs de Baïus. Cela fit augmenter les contestations, sur-tout entre les Jésuites & Lessius, qui enseignoit alors la Théologie à Louvain, & les Disciples de Baïus. Octavius, Nonce du Pape, avec pouvoir de Légat à latere, crut que, pour les appaiser, il falloit imposer silence aux deux partis. Il en écrivit à Sixte V, qui lui envoya ordre de le faire. Il se transporta à Louvain en 1588, où il fit publier qu’aucun des deux partis n’eût à noter d’aucune censure ses adversaires, jusqu’à ce que le S. Siège eût prononce, & cela sous peine d’excommunication. Jacques Jansen, Professeur de Théologie à Louvain, continua néanmoins à empoisonner les esprits de ces opinions nouvelles. Tels furent les commencemens du Baïanisme.

Les principales erreurs du Baïanisme sont que la grâce de l’homme dans l’état d’innocence, étoit dûe à la nature. Que dans l’état présent de la nature tombée, ce qui se fait volontairement, quoiqu’il se fasse nécessairement, est cependant fait librement. Qu’il n’y a que la contrainte ou la violence qui soit contraire à la liberté naturelle de l’homme. Que le mérite ne consiste pas en ce qui celui qui agit est en grâce, & possède le Saint-Esprit, mais seulement en ce qu’il obéit à la Loi de Dieu, & que ceux qui disent que pour mériter, il est nécessaire que l’homme soit élevé par la grâce d’adoption à un état divin, sont dans l’erreur de Pélage. Que le péché originel est un véritable péché, quoiqu’on n’ait aucun égard à la volonté de celui qui lui a donné naissance, qu’il est volontaire à l’enfant d’une volonté habituelle, & domine en lui habituellement, dès qu’il n’a point d’acte de volonté contraire. Que tout crime est de telle nature, qu’il peut fouiller son Auteur & toute sa postérité, comme le péché du premier homme a fait. Que toutes les actions des Infidèles sont des péchés, & les vertus des Philosophes des vices. Que tout ce que fait le pécheur est péché. Que tout amour de la créature raisonnable est ou cupidité vicieuse, ou charité louable, &c. Voilà ce que c’est en gros que le Baïanisme.

☞ La plûpart des erreurs de Baïus ont depuis été renouvellées par le fameux Evêque d’Ypres Cornelius Jansenius. Voyez Jansénisme .

Il ne faut point confondre Michel Baïus avec Jacques Baïus, son neveu, dont nous avons un grand catéchisme fort Catholique.