Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BÉLOÈRE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 846).

BÉLOÈRE. s. f. Plante Indienne toujours verte ; ses feuilles, réduites en poudre, purgent avec une violence excessive, sa graine, broyée & prise chaude, purge plus modérément. Ray. Hist. Plant.

BÉLOMANCE, ou BÉLOMANCIE. s. f. Belomantia. Ce mot est grec, composé de βέλος, flèche, & μαντεία, divination, & il signifie, divination qui se fait par les flèches. La bélomance étoit en usage parmi les Orientaux, mais sur-tout chez les Arabes. Elle se faisoit en plusieurs manières. La première étoit de marquer des flèches, & de les mettre dans un sac au nombre de onze, ou davantage ; ensuite on les tiroit, & selon qu’elles croient marquées ou non, on en tiroit des conséquences pour l’avenir. Une autre manière étoit d’avoir seulement trois flèches, sur l’une desquelles on écrivoit, Dieu me l’ordonne ; sur une autre, Dieu me le défend ; & sur la troisieme on n’écrivoit rien. On les enfermoit dans un carquois, ensuite on en tiroit une des trois au hasard : si c’étoit celle sur laquelle on avoit écrit, Dieu me l’ordonne, on faisoit la chose pour laquelle on consultoit le sort : si celle où il y avoit, Dieu me le défend, venoit la première, on ne faisoit point la chose dont il étoit question ; & si c’étoit la troisième sur laquelle il n’y avoit rien d’écrit, on recommençoit tout de nouveau. Les Arabes appellent cette divination alazlam. Elle paroît fort ancienne, & il semble qu’Ezéchiel en ait parlé XXI, 21. S. Jérôme l’entend ainsi, & il dit que cette superstition étoit en usage chez les Assyriens, ou Babyloniens. Il en parle encore sur le chap. IV, d’Osée, à cela près qu’au lieu de flèches, il dit que c’étoient des baguettes. Les Septante traduisent aussi ῤάϐδους, des baguettes ; ce qui feroit plutôt rabdomance que bélomance : mais dans Ezéchiel, que S. Jérôme cite, il y a des flèches, & non pas des baguettes. D’autres interprètent le mot d’Ezéchiel קלקל, non pas par commiscens sagittas, comme S. Jérôme, ce qui marqueroit qu’on mêloit, qu’on battoit, ou qu’on remuoit les flèches dans le carquois, mais par tersit ; & prétendent que cette superstition consistoit à fourbir ou polir le fer des flèches, pour y considérer comme dans un miroir ce qu’on vouloit savoir, de même qu’on le regarde dans l’ongle du pouce, après qu’on l’a frotté & rendu luisant. C’est le sentiment de Valable & de Munster. Enfin d’autres rendent קלקל par jecit, & disent qu’on lançoit des flèches en l’air, & qu’on observoit où elles tomboient : c’est l’interprétation du Paraphraste Chaldéen & de Kimhhi. Pocock traite de la bélomance dans son Specimen historiæ Arab. S. Jérôme, sur l’endroit d’Ezéchiel que j’ai cité, & Grotius au même endroit, confondent la bélomance & la rabdomance, comme une même divination, & Grotius montre que cette superstition étoit en usage chez les Mages, c’est-à-dire, les Chaldéens, & chez les Scythes. C’est le Scholiaste de Nicandre qui le dit d’après Dion ; que les Alains, nation Scythe, en usoient aussi au rapport d’Ammien, Liv. XXXI, que des Scythes elle avoit passé aux Sclavons leurs voisins, chez lesquels on la pratiquoit, si l’on en croit Rabbi Moyse de Korsi dans l’Hist. du 52e Jubilé, & Adam de Brémen, Narrationis Ecclesiastic. c. 6, que les Germains la prirent des Sclaves, puisque Tacite nous apprend qu’ils en usoient. Tacit. De Mor. Germ. C. 11 ou n. 10. Paulus Venetus, en parlant des Tartares, Liv. I, ch. 53, explique encore une autre manière de bélomance, à ce que dit Grotius ; mais il se trompe, ce n’est ni bélomance, ni une coutume de ces peuples ; c’est une divination arbitraire que leurs Prêtres pratiquent en une occasion particulière, non pas avec des flèches, mais avec un roseau fendu en deux.