Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BÉCASSE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 828-829).
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BÉCASSE, s. m. Oiseau de passage, qui est très-bon à manger. Scolopax, Gallinago. La bécasse est environ de la grosseur de la perdrix. Elle est diversifiée de couleurs & de taches ; savoir, de roux, ou de couleur de terre cuite, de couleur blanchâtre, de noirâtre, & de quelques autres couleurs. Son bec est long de six doigts, ou environ, un peu noirâtre par le bout, rude, & foible : la partie de dessus passe celle de dessous : sa langue est menue, longue & nerveuse : les jambes sont longues & déliées. L’on voit des bécasses en toutes sortes de pays, particulièrement en hiver. Cet oiseau change de pays suivant les saisons : elles le tiennent en été dans les hautes montagnes des Alpes, des Pyrénées, de Suisse, de Savoie & d’Auvergne. Elles viennent en France à la fin du mois d’Octobre, & cherchent les lieux où il y a des taillis, des forêts humides, des ruisseaux & des haies. ☞ Au Printemps cet oiseau quitte notre pays. Mais il s’accouple auparavant. Le mâle & la femelle se suivent par-tout.

La bécasse est pesante, & vole difficilement ; mais elle court fort vite. L’on prétend que c’est le Σκολόπαξ d’Aristote, à cause de son bec qui ressemble à un pieu, qui s’appelle en grec σκολόψ, & le Rusticula, ou Gallinago, ou Perdrix rustica des Latins, dont Martial a parlé, L. XIII, épître 75, mais que d’autres prennent pour la perdrix grise.

Aldrovand parle d’une espèce de bécasse, qu’il nomme bécasse de bois, & en latin rusticula. Il dit qu’elle est plus grande que celle dont nous venons de parler, de même couleur, mais plus couverte & plus semée ; que ses jambes sont cendrées, son ventre blanchâtre, & son bec un peu plus court. Je crois que toute la différence qu’il y a, n’est que du sexe ; parce que nous voyons que parmi les oiseaux, les mâles ont leurs couleurs plus vives ou plus couvertes que les femelles ; & d’ailleurs tous les Auteurs ne parlent que d’une espèce de bécasse ; car la bécassine est toute autre chose.

☞ On prend les bécasses aux lacets dans les bois, ou le long des ruisseaux. La façon la meilleure & la plus usitée, est d’avoir un filet que l’on appelle passée, ou grand rets, que l’on tend dans les lieux où l’on a découvert qu’elles vont & viennent le soit & le matin. Le rets doit être de grande étendue ; on le tend entre deux grands arbres ; les plus hauts sont les plus propres pour cela. Quand ils ne sont pas assez hauts, l’on y met des perches, & à l’un des arbres on met une poulie ; c’est à celui du côté duquel on veut lâcher le rets. La principale adresse est de le lâcher bien à propos, lorsque l’on voit que la bécasse donne dedans ; & afin de faire descendre le rets avec plus de rapidité, il faut mettre aux deux bouts d’en haut du filet, du plomb, ou quelque pierre. Cette chasse ne se fait que le soir après le Soleil couché, & le matin à la pointe du jour. Il y a bien des pays où elle est en usage.

La bécasse a un goût différent de la perdrix, mais elle n’est pas moins bonne. La chair de bécasse est noire, & sent un peu le marécage : elle fortifie, elle restaure & nourrit beaucoup ; mais il faut les choisir jeunes & grasses, autrement leur chair est dure & difficile à digérer. Elles n’ont point de fiel, tout en est bon. On les fait rôtir sans les vider. De la Marre. Voyez Aristote, Hist. des An. I. IX, c. 26. Belon, L. IX, c. 36. Bruyerin Campeg. L. IX, c. 36. Aldrovand. C XX, c 51. Non. De re cibaria, L. II, c. 28. On grille les têtes de bécasse à la chandelle pour les manger. On mange la merde de bécasse, ou plutôt ce qu’elle a dans le corps. Les Normands l’appellent vit de coq, par corruption du mot Anglois woodcock, qui signifie coq de bois. Autrefois on l’appeloit acée du mot latin acceia, qui étoit formé de acus, aiguille, à cause de son long bec.

On dit proverbialement ; aile de perdrix & cuisse de bécasse ; pour dire que ce sont les meilleurs morceaux de ces oiseaux. On dit aussi, brider la Bécasse : pour dire, tromper, surprendre, attaquer quelqu’un ; ce qui se dit figurément, à cause d’une chasse que les paysans font aux bécasses avec des lacets & colets qu’ils tendent, où elles le brident elles-mêmes. Ma foi, Monsieur, la bécasse est bridée. Mol.

Il y a aussi une bécasse de mer, qui est un oiseau plus gros qu’un canard. Elle a le bec long de quatre doigts, la tête, le cou, le dessus de l’estomac, & le bout de la queue, noires, le dessus du corps & des ailes, de couleur de fumée ; & les côtés avec le milieu des ailes & de la queue, blancs ; les jambes grosses & rougeâtres, & trois doigts à chaque pied, Voyez Pie de Mer.

Il y a aussi un poisson de mer qui s’appelle bécasse. Il a le bec pointu & fait en aiguille ; & sans avoir de dents, il a des mâchoires qui coupent comme une scie. Rondelet. C’est une sorte de Bécune que nos François des Îles de l’Amérique ont nommée bécasse de mer, à cause de la figure de son bec, qui est presque pareil à celui d’une bécasse, excepté que la partie d’en haut est plus longue de beaucoup que celle d’en-bas, & que ce poisson remue l’une & l’autre mâchoire avec une égale facilité. On en voit qui ont quatre bons pieds entre queue & tête, & 12 pouces de largeur. Sa tête a presque la forme de celle d’un pourceau, mais elle est éclairée de deux gros yeux qui sont extrêmement luisans. Il a la queue divisée en deux, des nageoires aux côtés & au dessous du ventre, & une empennure haute & relevée par degrés comme une crête qui commence au sommet de la tête, & s’étend tout le long du dos jusque près de la queue. Outre le bec, dont nous avons parlé, il a encore deux espèces de cornes dures, noires, & longues d’un pied & demi, qui pendent au-dessous de son gosier ; il les peut cacher aisément dans une enfonçure qui est sous son ventre, & qui leur sert de gaine. Il n’a point d’écailles ; mais il est couvert d’une peau rude, noirâtre sur le dos, grise aux côtés, & blanche sous le ventre. On en peut manger sans danger, quoique sa chair ne soit pas aussi délicate que celle de plusieurs autres poissons. Lonvill, Hist. nat. des Ant. Liv. I, c. 17, art. 9.

Bécasse. Terme de Conchyliologie. Nom d’une espèce de coquillage de mer, du genre des pourpres. Rusticula concha. Une petite bécasse épineuse. Gersaint. Elle est ainsi nommée parce qu’elle ressemble au long bec de la bécasse. La coquille en est belle.

Bécasse est aussi un terme de Vanier. C’est un outil de fer en forme de cou & de bec de bécasse, duquel on se sert pour enverger les hottes & les vans.