Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/AVOIR

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 652-653).
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☞ AVOIR. v. a. Habere. Être le sujet à qui une chose appartient. Il n’est pas nécessaire de pouvoir disposer d’une chose, ni qu’elle soit actuellement entre nos mains pour l’avoir ; il suffit qu’elle nous appartienne. On n’est pas toujours le maître de ce qu’ont a ; on l’est de ce qu’on posséde. Un avare peut avoir des richesses dans ses coffres, mais il n’en est pas le maître ; ce sont elles qui possédent son cœur, & son esprit. M. l’Abbé Girard. Syn. Sa conjugaiso, est fort irrégulière. Il faut consulter la Grammaire. On mettra pourtant ici quelques uns de ses temps : J’ai, tu as, il a. Nous avons, vous avez, ils ont. J’avois, j’ai eu ne faisant qu’une seule syllabe, & non pas deux. J’Avois eu. J’aurai. Au subjonctif, que j’aie, que tu aies, qu’il ait, & non pas qu’il aie, ni en vers, ni en prose, J’aurois, ou que j’eusse pour l’imparfait. Que j’eusse eu, ou j’aurois eu pour le plusque parfait. J’aurai eu pour le futur. Ayant est toujours au gérondif ; il ne prend point un s au pluriel. T. corn. mais on écrit en termes de Barreau, lui, ses hoirs & ayans cause, parce qu’il est employé comme substantif.

☞ On dit l’avoir beau, l’avoir belle ; pour dire, avoir une occasion favorable de faire quelque chose.

Avoir, s’emploie souvent avec la particule à devant un infinitif ; & alors il sert à marquer la disposition & la volonté où l’on est de faire ce que le verbe, qui est à l’infinitf, signifie. J’ai à étudier. J’ai à travailler.

☞ A l’égard de ces façons de parler, il y avoit. Y a-t-il. voyez la lettre A considérée comme troisième personne du verbe avoir.

On dit proverbialement en menaçant, il en aura : on sous-entend, des coup. Je l’aurai, on sous-entend, en mon pouvoir. Il n’est que d’en avoir, on sous-entend, du bien.

Avoir & posséder, considérés comme synonymes. Voy.au mot Posséder, les nuances qui les distinguent.

Eu, eue. part. Il n’est d’usage qu’étant joint à quelque autre temps du verbe avoir. Les choses qu’il a eues. Le bien qu’il a eu. On dit dans le discours familier, dès qu’il a eu fait ; pour dire, si-tôt qu’il eut achevé. Dès qu’il a eu fait, il est parti.

AVOIR. s. m. Ce qu’on possede de bien. Opes, divitiæ, facultates. On lui prit tout son avoir & chevance. Ce mot en ce sens est venu de avera, ou averia, mot de la basse latinité, qu’on a dit de toutes sortes de biens, & sur-tout des meubles, des chevaux & des bestiaux qui servent au labourage. Les Espagnols disent en ce sens averias.Du Cange. Ce mot est du style familier.

 
La plus grand’part appéte grand avoir,
La moins part souhaitte grand savoir. Marot.

 
Un Bucheron perdit son gagne pain:
C’est sa cognée ; & la cherchant en vain,
Ce fut pitié là dessus de l’entendre.
Il n’avoit pas des outils à revendre.
Sur celui-ci rouloit tout son avoir.

La Fontaine
.

☞ AVOIR. s. m. Terme de Négoce. Un livre de compte doit représenter l’avoir d’un côté du feuillet, & le débet de l’autre; c’est-à-dire, les dettes actives d’un côté & les dettes passives de l’autre.