Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/AURORE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 658-659).

AURORE. s. f. Crépuscule du matin, lumière foible qui paroît quand le soleil est à 18 degrés de l’horizon, & qui va en augmentant : jusqu’à son lever. Aurora. Il n’y a rien de plus agréable à voir que le lever de l’aurore ; ce sont les nuées éclairées des rayons du soleil. Les poètes en font une divinité, dont Céphale étoit amoureux. Ils lui donnent un char, & des doigts de roses. Ils disent qu’elle seme des roses, à cause que souvent ell colore les nuages d’un beau rouge.

Hélas ! si jeune encore,
Par quel crime ai~je pû mériter mon malheur ?
Ma vie à peine a commencé d’éclore :
Je tomberai comme une fleur,
Qui n’a vu qu’une Aurore. Racine.


Je disois à la nuit sombre :
O nuit ! tu vas dans ton ombre
M’ensevelir pour toujours.
Je redisois à l’Aurore :
Le jour que tu fais éclore
Est le dernier de mes jours. Rousseau.

Nicot dérive ce mot ab oriente sole, quia aer aurescit. Selon le P. Thomassin ce mot vient de l’hébreu אור, or, lumière.

On appelle Aurore Septentrionale, ou plus communément Aurore Boréale, une lumière qui paroît dans des nuées, venant du nord-est ou du septentrion, lesquelles paroissent éclairées, s’enflamment de temps en temps, s’étendent souvent de 60 & 80 degrés d’orient en occident, & vont au midi beaucoup au delà du Zénith. Elles sont vues souvent de pays fort éloignés en même temps ; ce qui prouveroit qu’elles sont très-hautes. M. Celsius, Suédois, & M. de Mayran, ont écrit sur l’aurore boréale. Celui-ci soutient que c’est l’atmosphère du soleil, qui s’étend jusqu’à celui de la terre. l’opinion vulgaire est que ce sont des nuées composées des matières qui font les éclairs & le tonnerre, mais qui sont trop claires & trop peu denses pour produire ces effets. C’est un tonnerre manqué. Gassendi a fait la description de ce phénomène qu’il observa exactement en 1621. On l’appelle aurore boréale, parce qu’elle paroît ordinairement vers le Nord, & que proche de l’horizon elle ressemble à l’aurore. Suivant la plus commune opinion, sa cause est la lumière zodiacale découverte en 1683, & décrite par feu M. de Cassini.

Ce que nous appelons ici aurore boréale, est bien plus fréquent, bien plus étendu, & bien plus varié dans le nord que dans ce pays-ci. Voyez le Discours de M. de Maupertuis sur la figure de la terre. On soupçonne que les aurores boréales sont produites par une nature semblable à celle qui forme la queue des comètes, & qui s’exhale de la terre, n’y ayant peut-être que le défaut de matière, qui puisse faire disparoître l’aurore boréale. Institut. Astron. p. 346.

☞ M. de Mairan paroît avoir démontre dans son Traité de l’Aurore Boréale, que les vapeurs & les exhalaisons ne s’élèvent guère au-dessus des plus hautes montagnes, qui n’ont pas plus de deux lieues de hauteur perpendiculaire, & que, quelque subtilisées, quelque volatilisées qu’on suppose les vapeurs & les exhalaisons, elles ne peuvent s’élever à plus de vingt lieues de hauteur perpendiculaire. Cependant on a quelquefois observé l’aurore boréale à la hauteur de plus de 200 lieues. Il est donc évident que cette lumière n’est pas produite par les vapeurs & les exhalaisons. Voyez Atmosphère terrestre. Cherchons une autre cause de ce phénomène. La terre a son tourbillon ; le soleil a son atmosphère. Cette atmosphère a à-peu-près la figure d’une lentille. Son grand diamètre s’étend des Gémeaux au Sagittaire : son petit diamètre de la Vierge aux Poissons. Cette atmosphère est composée de parties huileuses, qui par conséquent sont très-inflammables. Ainsi les parties de cette atmosphère venant à se mêler avec le tourbillon terrestre, pourroient recevoir par la fermentation quelques nouveaux degrés d’agitation. Quelques degrés d’agitation de plus dans une matière inflammable produisent le feu & la lumière. Voyons donc comment ces parties peuvent se mêler les unes avec les autres. La terre monte & descend avec son tourbillon pendant six mois de l’année. Elle monte pendant l’automne en parcourant le Bélier, le Taureau & les Gémeaux. Elle descend en parcourant la Balance, le Scorpion & le Sagittaire. Pendant que la terre monte avec son tourbillon, le pôle septentrional se plonge dans l’atmosphère du soleil, qui s’étend, comme nous l’avons dit, des Gémeaux au Sagittaire. Les parties huileuses de l’atmosphère du soleil mêlées avec le tourbillon terrestre reçoivent par le choc ces nouveaux degrés d’agitation, s’enflamment & produisent en automne ces fusées, ces pyramides, ces colonnes de feu, que l’on appelle aurore boréale ou lumière septentrionale. La même chose doit arriver dans le côté opposé lorsque la terre descend ; mais de l’endroit où nous sommes sur la terre, nous ne pouvons découvrir le pôle austral. L’endroit même d’où on pourroit le découvrir, sont des mers immenses, ou des îles désertes, ou tout au plus une partie de l’Amérique près du détroit de Magellan, habitée par des gens qui ne sont ni Physiciens ni Astronomes : il n’est donc pas étonnant que nous n’ayons point eu jusqu’ici d’observations sur l’aurore australe. Mais il y a apparence que cette lumière y paroît, comme vers le pôle septentrional. Au reste l’on doit remarquer une grande variété dans ces fusées, dans ces globes, dans ces cônes, dans ces colonnes, dans ces pyramides, suivant que la matière solaire est plus ou moins dense, plus ou moins légère, suivant qu’elle a telle ou telle direction, suivant que l’air qui transmet la lumière, est plus ou moins pur, plus ou moins grossier, suivant qu’il est plus ou moins élastique.

☞ Il est probable que la matière de l’atmosphère du soleil qui s’étend quelquefois jusqu’à plus de 30 millions de lieues, ne nous éclaire, dit M. de Mairan, que parce qu’elle consiste en des particules inflammables par les rayons du soleil, ou assez grossières pour réfléchir la lumière. Lorsque les dernières couches de l’atmosphère solaire ne sont pas éloignées de plus de 60 mille lieues de la terre, elles doivent, suivant les lois de la gravitation mutuelle des corps, tomber vers notre globe. Lorsque la matière de l’atmosphère solaire se précipite en assez grande quantité dans l’atmosphère terrestre, elle doit nécessairement y causer des aurores boréales.

☞ Enfin si les particules nitreuses, sulfureuses, salines, huileuses & bitumineuses, qui de la terre s’élevent dans l’atmosphère, sont la cause physique des aurores boréales, pourquoi ne sont-elles pas plus fréquentes ? Pourquoi paroissent-elles plus souvent en hiver qu’en été ? Pourquoi les voyons-nous constamment du côté du nord ? Le mouvement diurne de la terre sur son axe ne devroit-il pas, suivant les lois des forces centrifuges, porter vers l’équateur ces parties inflammables ? Pourquoi enfin ce phénomène est-il quelquefois élevé de plus de 260 lieues au-dessus de la terre ?

☞ Sur l’aurore boréale, Voyez ce qu’ont écrit Messieurs Musshembroek, de Mairan, le Monnier, Maupertuis.

Aurore, se dit aussi pour la partie du monde paroît l’aurore, qui est l’Orient. Les peuples de l’aurore ; pour dire, les Orientaux.

On nomme couleur d’aurore, un certain jaune doré & éclatant comme celui qui paroît souvent dans les nues, au lever du soleil. Les couleurs d’aurore se font étant alunées & gaudées fortement, & rabattues avec le raucour, dissout en cendre gravelée, potasse, ou soute.

On appelle figurément une beauté naissante, une jeune fille qui commence à paroître dans le monde, une aurore. Je souhaite que cette aurore soit suivie d’un aussi beau jour qu’elle le mérite. Voit.

Aurore, en Mythologie. Divinité des anciens, sœur du soleil & de la lune. Elle épousa Persée, dont elle eut les vents. D’un autre mariage avec Titon, elle eut Persée. On la représentoit sur un char lumineux, semé de rubis & de roses, pour exprimer les brillantes couleurs qui l’accompagnent. Les Poëtes disent que l’aurore aux doigts de roses vient ouvrir les portes de l’Orient.

Aurore. s. f. Terme de Fleuriste. C’est une renoncule jaune, panachée de nacarat par le dehors de la fleur, sur un fond jaune d’aurore.

Aurore naissante. s. f. Terme de Fleuriste. C’est le nom d’un œillet violet.