Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/AUGMENTER

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 637-638).
AUGON  ►

☞ AUGMENTER. v. a. Rendre une chose plus grande ou plus abondante par une addition, faite de façon que ce qu’on y joint se confonde & ne fasse avec elle qu’une seule & même chose ; ou que du moins le tout ensemble ne soit considéré après la jonction que sous une idée identique. Augere, amplificare. On augmente une maison. On augmente la dose. On augmente sa fortune, son train, son équipage, sa dépense, &c.

☞ Ménage dérive ce mot d’augmentare, qui se trouve dans plusieurs Auteurs, & qui signifie la même chose. Il est neutre aussi : il augmente tous les jours en bien, en crédit, en force. Nos désirs augmentent toujours, tandis que nos forces diminuent. Sa folie, sa fureur augmente. La rivière croît, augmente à vue d’œil. Le chaud augmente. Les défauts de l’esprit augmentent en vieillissant, comme ceux du visage. Rochef

Augmenter, se dit aussi fort souvent avec le pronom personnel, & signifie, croître, acquérir de nouvelles force. Crescere, invalescere, increscere. La contagion s’augmente tous les jours. La maladie s’étoit augmentée. Le vent s’augmente beaucoup. Le combat s’augmentant.

Augmenter, ajouter, dans une signification synonyme. Les différences de ces deux verbes sont marquées par leur définition. On ajoute une chose à une autre. On augmente la même. Bien des gens ne font pas scrupule pour augmenter leur bien, d’y ajouter celui d’autrui. Ajouter est toujours actif. Augmenter, comme on vient de le voir, est actif et neutre. Notre ambition augmente avec notre fortune. Nous ne sommes pas plutôt revêtus d’une dignité, que nous pensons à y en ajouter une autre.

Augmenter, agrandir, considérés dans une signification asynonyme. On se sert d’augmenter, lorsqu’il s’agit de nombre, d’élévation, ou d’abondance ; & d’agrandir, lorsqu’il est question d’étendue. On agrandit une cour, une ville, un jardin. On augmente le nombre des citoyens, la dépense, les revenus.

☞ Le premier regarde particulièrement la quantité vaste & spacieuse : le second a plus de rapport à la quantité grosse & multipliée. On agrandit sa maison, quand on lui donne plus d’étendue par la jonction de quelques bâtimens sur les côtés : mais on dit qu’on l’augmente d’un étage ou de plusieurs chambres. En agrandissant son terrain, on augmente son bien.

☞ Toutes les choses de ce monde se font aux dépens les unes des autres. Le riche n’agrandit son domaine qu’en resserrant celui du pauvre ; le pouvoir n’augmente jamais que par la diminution de la liberté ; & je croirois presque que la nature n’a fait les gens d’esprit qu’aux dépens des sots.

☞ Les Princes s’agrandissent en reculant les bornes de leurs états, & croient par-là augmenter leur puissance : mais ils se trompent quelquefois en cela, car cet agrandissement ne produit qu’une augmentation de soins, & souvent même est la première cause de la décadence d’une monarchie.

Augmenter, croître, dans une signification synonyme. Les choses croissent par la nourriture qu’elles prennent. Elles augmentent par l’addition qui s’y fait de chose de la même espèce. Les blés croissent : la récolte augmente. Mieux on cultive un terrain, plus arbres y croissent, & plus les revenus augmentent.

Croître, ne signifie précisément que l’agrandissement de la chose indépendamment de ce qui le produit. Augmenter fait sentir qu’il est causé par une nouvelle quantité qui y survient. Dire que la rivière croît, c’est dire uniquement qu’elle devient plus haute, sans exprimer qu’elle le devient par l’arrivée d’une nouvelle quantité d’eau. Dire qu’elle augmente, c’est dire qu’il y arrive une nouvelle quantité d’eau qui la fait hausser. Et quoiqu’il y ait des occasions cette délicatesse de choix n’est de nulle importance, comme dans ce dernier exemple, il en est d’autres où il est à propos, même nécessaire d’avoir égard à l’idée particulière, & de faire un choix entre ces deux termes, selon la force du sens qu’on veut donner à son discours. Il est aisé de voir que l’un de ces mots a des places qui ne conviennent point à l’autre. Ne sent-on pas, du moins par un goût naturel, si ce n’est par réflexion, qu’il est mieux de dire, l’ambition croît à mesure que les biens augmentent, que de dire, l’ambition augmente à mesure que les biens croissent, d’après l’idée propre que l’on vient d’exposer ? Car enfin les biens consistant dans plusieurs différentes choses qui se réunissent dans la possession d’une seule personne, le mot augmenter qui marque l’addition d’une nouvelle quantité, leur convient mieux que celui de croître qui ne marque précisément que l’agrandissement d’une chose unique, fait par la nourriture, ou par une espèce de nourriture. Par la même raison, le mot croître figure mieux en cet endroit avec l’ambition, puisqu’elle est une seule passion, à qui les biens de la fortune semblent servir d’alimens, pour la soutenir & la faire agir avec plus de force & plus d’ardeur.

Les choses matérielles croissent par une addition intérieure & mécanique, qui fait l’essence de la nourriture propre & réelle. Elles augmentent par la simple addition extérieure d’une nouvelle quantité de même matière. Les choses spirituelles croissent pas une espèce de nourriture prise dans une sens figuré : elles augmentent, par l’addition des degrés jusqu’où elles sont portées. L’œuf ne commence à croître dans l’ovaire, que lorsque la fécondité l’a rendu propre à prendre de la nourriture ; & il n’en sort que lorsque son volume est assez augmenté pour causer de l’altération dans la membrane qui l’y enferme. Notre orgueil croît à mesure que nous nous élevons ; & il augmente quelquefois jusqu’à nous rendre haïssables à tout le monde.

AUGMENTÉ, ÉE. part. Auctus, aduactus, amplificatus.