Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/AUBAINE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 623).
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AUBAINE. s. f. Succession d’un étranger qui meurt dans un pays où il n’est pas naturalisé. Jus fisci, vel domini cui obveniunt bona peregrinorum. Un Ambassadeur non naturalisé mourant en France, n’est point sujet au droit d’Aubaine. Les Suisses, les Savoyards, les Ecossois, les Portugais, ceux de Cambrai & d’Avignon, ne sont point sujet au droit d’Aubaine, & sont réputés naturels & régnicoles. Bacquet a fait un beau Traité des droits d’Aubaine. Du Fresne, en son Journal des Audiences, a fait divers Traités du droit d’Aubaine, qui sont d’une grande instruction pour ceux qui fréquentent le Barreau. Deroch. Dans les Traités touchant les droits du Roi, par M. du Puy, il y en a un à la fin sur le droit d’Aubeine, (car il écrit toujours ainsi) dans lequel il examine si le droit d’Aubeine a lieu contre les Princes Souverains étrangers ; & si les parens François peuvent prétendre la part prétendue par leurs parens étrangers, à l’exclusion du Roi ; & il prouve la négative par plusieurs exemples.

l’Aubaine, en quelques Coutumes, est appelée Espavité, & les Aubains Espaves. Comme c’est un droit contraire à l’hospitalité, & à la liberté naturelle, Bouteiller dans son vieux style, l’appelle un droit haineux.

Un aigle sur le champ prétendant droit d’aubaine,
Ne fait point appeler un aigle à la huitaine. Boil

On ne connoît pas trop l’origine du droit d’aubaine. Il y a des Auteurs qui prétendent qu’il est aussi ancien que la Loi Salique ; d’autres disent qu’il est venu des Lombards, & citent sur cela leur Loi, L. 3, tit. 15, qui défendoit à l’étranger, quand il n’avoit point d’enfans légitimes, d’aliéner ses biens sans la permission du Roi. Brodeau sur Louet croit que ce droit a été introduit en France par les testamens de Charlemagne, & de Louis le Débonnaire, parce que ces deux Souverains, qui partagerent leur empire entre leurs enfans, les y réservent aux successions l’un de l’autre, & ordonnent que tous les sujets de ces jeunes Princes se succéderoient aussi les uns aux autres, comme si l’Empire n’eût point été divisé. M. de Laurière, après avoir rapporté ces opinions, dans ses notes sur Ragueau, dit son sentiment, qui est, que le droit d’aubaine tire son origine de ce qui arriva vers le commencement de la troisième race de nos Rois, lorsque les Seigneurs, après avoir ôté la liberté à leurs sujets, la ravirent aussi aux épaves & aux aubaines, qui vinrent dans leurs terres & leurs justices ; d’où il arrivoit que leurs successions, quand ils étoient morts sans enfans légitimes nés dans le Royaume, appartenoient aux Seigneurs. Nos Rois dans la suite jugerent à propos d’unir à leur Couronne un droit si considérable, ce qui étoit d’autant plus juste, qu’il n’y avoit qu’eux qui pussent accorder des lettres de naturalité. Les preuves de ce sentiment de M. de Laurière, se tirent d’un Cartulaire de Philippe-Auguste, de l’ancien Coutumier de Champagne, des Ordonnances de Charles VI.

Aubaine, signifie figurément, tout droit casuel, tout avantage inespéré qui arrive à quelqu’un. Quand il vaque quelques charges dans la Justice de ce Seigneur, ce sont de bonnes aubaines pour lui. Quand il vient quelque succession collatérale, ou inespérée, on dit que c’est une bonne aubaine.

Le P. Bouhours, dans le Recueil de vers qu’il a fait imprimer, écrit aubeine, & non pas aubaine, aussi-bien que M. du Puy, comme nous l’avons observé ci-dessus.

Et que peut faire un tas d’infortunés guerriers,
Qui vivant inconnus à l’ombre des lauriers,
Souffrent, en espérant quelque aubeine future,
Tous les divers fléaux dont tu fais la peinture ?