Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ATMOSPHÈRE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 597-598).

ATMOSPHÈRE. s. f. Terme de Physique. Atmosphère signifie sphère des vapeurs. De ἀτμος, vapeur, fait de ἄω, je soufle, & σφαῖρα globe. ☞ Les particules très déliées dont un corps est environné, forment son atmosphère. Tels sont les corpuscules magnétiques qui entourent une pierre d’aiman ; telles sont encore les particules odoriférantes qui viennent s’insinuer dans l’organe de l’odorat, lors même que nous sommes assez éloignés de certaines herbes ou de certaines fleurs. Il est peu de corps qui ne soient entourés d’une atmosphère plus ou moins étendue, & plus ou moins sensible. Ceux dont l’atmosphère nous intéresse le plus, c’est le soleil & la terre.

☞ On donne le nom d’atmosphère de la terre à ce fluide rare & élastique qui environne la terre par-tout à une hauteur considérable, qui est emporté avec la terre autour du soleil, & qui en partage le mouvement tant annuel que diurne. C’est proprement l’air considéré avec les vapeurs dont il est rempli.

☞ On s’est trompé grossièrement quand on a fixé la hauteur de l’atmosphère terrestre à une vingtaine de lieues. Il est sûr que la matière des aurores boréales se trouve dans l’atmosphère terrestre. Il est sûr encore que la fameuse aurore boréale du 19 Octobre 1726 fut apperçue en même-temps à Warsovie, à Moscow, à Petersbourg, à Rome, à Paris, à Naples, à Madrid, à Lisbonne & à Cadix. Ce phénomène étoit donc élevé de plus de vingt lieues au-dessus de la surface de la terre. Sans cela il n’auroit pas été vu à la même heure en tant de villes différentes aussi éloignées les unes des autres. M. de Mairan place cette aurore boréale environ à 166 lieues au-dessus de la surface de la terre. Cette proposition est fondée sur les opérations de la plus simple trigonométrie, & ces opérations elles-mêmes sont fondées sur le parallaxe de ce phénomène qui parut à Paris élevé de 37 degrés au-dessus de l’horizon, & de 20 seulement à Rome. L’atmosphère terrestre a donc plus de 266 lieues de hauteur. Mais quelle est sa hauteur réelle est un point qu’il est difficile de déterminer.

Si les condensations des parties de l’air différemment élevées, avoient un rapport réglé & connu aux différens poids dont elles sont chargées, ou, ce qui est la même chose, aux différentes hauteurs de l’air supérieur, les expériences du baromètre, faites au bas & au haut des montagnes, donneroient sûrement la hauteur de l’air ou de l’atmosphère. Mais tout ce qu’on peut découvrir du rapport des condensations de l’air au poids, est renfermé dans des observations faites fort près du globe de la terre, & qui ne tirent guère à conséquence pour l’air pris à des hauteurs beaucoup plus grandes ; ce qui fait que cette voie de découvrir la hauteur de l’atmosphère, est rempli d’incertitude.

M. de la Hire en a pris une plus simple & plus sûre. C’est une idée de Képler, & qui est fort naturelle ; mais Kepler lui-même l’avoit abandonnée pour la plus grande partie. M. De la Hire non-seulement l’a reprise, mais l’a rectifiée & poussée à sa dernière perfection.

Il est établi chez tous les Astronomes, que quand le soleil est à dix-huit degrés au-dessous de l’horizon, on commence le matin & l’on cesse le soir de voir la première ou la dernière lueur du crépuscule. Le rayon par lequel on la voit, ne peut être qu’une ligne horizontale, tangente de la terre au point où est l’Observateur. Ce rayon ne peut pas venir directement du soleil, qui est sous l’horizon ; c’est donc un rayon réfléchi à notre œil par la dernière surface intérieure & concave de l’atmosphère, & ce rayon ainsi réfléchi, est encore tangent de la terre, ou horizontal. S’il n’y avoit point d’atmosphère, il n’y auroit point de crépuscule, & par conséquent si l’atmosphère étoit moins élevée qu’elle n’est, le crépuscule commenceroit plus tard, ou finiroit plutôt, c’est-à-dire, lorsque le soleil seroit plus proche de l’horizon que de 18°, & au contraire. On voit donc que la grandeur de l’arc, dont le soleil est abaissé, quand le crépuscule commence ou finit, détermine la hauteur de l’atmosphère.

Cet arc, quoique posé de 18°, doit être pris un peu moindre : la réfraction élève tous les astres de 32’, par consèquent le rayon direct qui du soleil va frapper la dernière surface concave de l’Atmosphère, a touché un arc de la terre qui n’est que de 17d. 28’. De plus, les premiers rayons qui font voir le crépuscule, partent du bord supérieur du soleil, & ce bord est éloigné de 16’du centre que l’on suppose à 18° sous l’horizon. L’arc qui déterminera la hauteur de l’atmosphère, n’est donc que de 17°. 12’.

Les deux rayons, l’un direct, l’autre réfléchi, qui touchent tous deux la terre, concourent nécessairement dans l’atmosphère au point de réflexion, & comprennent entr’eux un arc de 17d. 12’dont ils sont tangens. Ainsi une ligne tirée du centre de la terre, & qui coupera cet arc en deux, ira au point du concours de ces deux rayons, & l’excès de cette ligne sur le demi diamètre de la terre, sera dans l’hypothèse présente la hauteur de l’atmosphère. Et M. de la Hire trouve que cet excès est de 37223 toises, ou de près de 17 lieues, en prenant 2200 toises pour une lieue.

Mais l’hypothèse présente n’est pas vraie, car les deux rayons ne font pas des lignes droites ; ce sont deux courbes formées par la réfraction perpétuelle que cause à un rayon la densité de l’air toujours inégale ; ou plutôt ce n’est qu’une seule courbe qui, à son origine & à sa fin, touche la terre, & dont le sommet également éloigné de ses deux extrémités, détermine l’élévation de l’atmosphère.

Pour la trouver ou à peu près, M. de la Hire mène par le point où est l’observateur, une ligne droite, qui fait en-dessous avec la ligne horizontale, ou avec la tangente de la courbe à son extrémité, un angle de 32’qui est l’angle de la réfraction. Cette droite est donc au-dedans de la courbe, & le point où elle rencontre la ligne tirée du centre de la terre, est moins élevé que le sommet de la courbe. Son excès sur un demi-diamètre de la terre est de 32501 toises. Donc le sommet de la courbe, ou la hauteur de l’atmosphère est entre 37223 & 32501, & en prenant le milieu, on a 35362 toises, ou un peu plus de 16 lieues, hauteur de l’atmosphère. Voyez M. de la Hire lui-même, Mém. de l’Acad. des Sciences 1713, p. 54 & suiv.

☞ Ce n’est pas ici le lieu de combattre ce raisonement de M. de la Hire.

Quelques-uns prétendent que la lune a aussi son Atmosphère. Dans les éclipses totales de soleil, il paroît autour de la lune un cercle ou anneau de lumière de la largeur d’un pouce, & dont la circonférence extérieure n’est point tranchée net, mais frangée & inégale. Cela s’est évidemment observé à Londres en 1715, & à Paris en 1724, dans les éclipses de soleil qui y furent totales. Mais le Chevalier de Louville prétend que cet anneau n’est autre chose que l’atmosphère de la lune éclairée par les rayons du soleil. M. de Lille a soutenu le contraire, fondé sur cette expérience-ci : dans une chambre bien close il a reçu la lumière du soleil par un seul trou ; ensuite il a opposé au cône lumineux du soleil une plaque de plomb, taillée circulairement, & l’a placée en un endroit du cône lumineux, où non-seulement elle couvroit toute l’image du soleil, mais où elle rebordoit considérablement. Enfin il a observé cette éclipse sur un papier blanc, placé derrière le cercle de plomb. & il y a vu l’ombre de ce cercle paroître distinctement sur le papier, entourée d’un anneau lumineux, bien terminé. Mém. de l’Acad. des Sciences, 1715, p.89 & suiv. & p. 147. Pour la mesure de l’atmosphère par la hauteur du mercure, voyez le Mémoire de M. Maraldi, Acad. des Sciences, 1703, p. 229.

☞ Le soleil est aussi environné d’une atmosphère qui nous éclaire, puisqu’elle est la cause physique de la lumière zodiacale. Est-ce par sa propre nature que la matière de l’atmosphère solaire est lumineuse ? Est-ce, parce qu’étant très-inflammable, elle est actuellement enflammée par les rayons du soleil ? Est-ce enfin parce que consistant en des particules beaucoup plus grossières que celle de la lumière, elle les réfléchit vers nous ; Ce sont là autant de points de physique dont l’éclaircissement ne nous paroît pas possible.

☞ L’atmosphère solaire est d’une étendue immense. Voyez aurore boréale.