Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ATHLÈTE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 591-594).
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ATHLÈTE. t. m. Combattant. Homme courageux & robuste, qui s’attache aux exercices du corps pour combattre à la course, à la lutte, & à d’autres jeux semblables, pour lesquels les Anciens avoient établi des prix. Athleta, Xysticus. Les Athlètes qui avoient remporté le prix aux jeux Olympiques, étoient couronnés d’une branche d’olivier. Pour se rendre plus robustes, les Athlètes vivoient dans une abstinence générale des plaisirs. Dac. Alexandre le Grand, invité de prendre part aux combats des jeux Olympiques, répondit : je le ferai quand les autres Athlètes seront Rois comme moi.

L’art des Athlètes, selon la remarque de Galien, avoit commencé à se former un peu avant le siècle de Platon. Burette. Lycaon institua le premier ces jeux en Arcadie ; & Hercule fut auteur de ceux qui rendirent Olympie si fameuse. Il paroît, par le témoignage d’Homère, Iliade, XXIII, v. 629, qu’avant la guerre de Troye, on avoit coutume de célébrer de ces sortes de jeux, pour honorer les funérailles des grands hommes, & dès-lors Nestor s’y étoit distingué. Mais il y a beaucoup d’apparence qu’alors ces jeux ne faisoient point une profession à part & distinguée des exercices militaires. Mais comme les coutumes les plus sages se corrompent insensiblement, il arriva dans la suite que ce qui n’étoit au fond qu’un aiguillon pour réveiller la valeur martiale, & disposer les guerriers à se procurer des avantages plus solides, en gagnant des victoires plus importantes, devint l’unique but auquel aspira la vanité des Athlètes. Ainsi ce ne fut plus qu’à une vaine acquisition de couronnes & de palmes, jointe aux éloges, aux acclamations, & aux autres honneurs dont on les accompagnoit, qu’ils rapporterent leurs talens, leur genre de vie, & leurs occupations les plus sérieuses. Le retour fréquent de ces jeux établis dans la plupart des villes de la Grèce, fut donc ce qui contribua le plus à mettre en crédit la Gymnastique des Athlètes, & à leur mériter les suffrages du peuple, tandis que les Philosophes les méprisoient pour l’ordinaire.

Les Athlètes avoient un régime particulier. Leur nourriture dans les premiers temps, s’il en faut croire Pline, Oribase, Pausanias & Diogène Laërce, n’étoit que des figues sèches, des noix, & du fromage mou. Selon Pline, un fameux maître de Palestre, nommé Pithagore, & contemporain du Philosophe de même nom, fut le premier qui leur accorda l’usage de la viande, & le premier Athlète qui en mangea, fut nommé Eurymène. Diogène laèrce, L. VIII. Certainement au temps d’Hippocrate ils en mangeoient, comme il paroît par les Epidémies, Liv. V. Ils n’usoient pas indifféremment de toutes sortes de viandes. La plus solide, & par conséquent la plus capable d’occuper long-temps leur estomac, & de fournir une nourriture forte & abondante, étoit préférée à toute autre. Le bœuf, le cochon, assaisonnés d’aneth, avec une sorte de pain sans levain, fort grossier, fort pesant, pétri avec le fromage mou, appelé Coliphium, κωλίφιον, composoient leurs repas. Ils mangeoient ces viandes plutôt rôties que bouillies, & c’est ce régime que quelques Auteurs ont appelé ξηροφαγίαν, Xérophagie, nourriture sèche. Ils se chargeoient ordinairement d’une quantité énorme de cette nourriture. Galien assure qu’un Athlète passoit pour avoir fait un repas fort frugal, lorsqu’il n’avoit mangé que deux mines, ou deux livres de viande, & du pain à proportion. Milon de Crotone étoit à peine rassasié de vingt mines de viande, avec autant de pain, & trois conges ou quinze pintes de vin. On sait qu’une fois ayant parcouru toute la longueur du Stade, portant sur ses épaules un taureau de quatre ans, il l’assomma d’un coup de poing, & le mangea tout entier dans la journée. Théocrite parle de l’Athlète Egon, qui mangeoit lui seul, sans s’incommoder, 80 gâteaux.

Ils étoient aussi grands dormeurs qu’ils étoient grands mangeurs. Voyez Platon, De Rep. L. III. Galien, ad Thrasyb. C. 37, & in Protrept. C. II.

Malgré les excès qu’ils faisoient de nourriture, saint Paul & les anciens s’accordent à louer leur tempérance. 1°. Parce qu’on les contenoit dans une exacte tempérance à l’égard du vin & des femmes. 2°. Peut-être aussi à raison de la simplicité dans le choix & la préparation des alimens. Et 3°. enfin à cause de l’usage modéré qu’ils en faisoient, lorsqu’ils étoient sur le point d’entrer en lice.

Ils étoient d’une patience opiniâtre à souffrir les fatigues & les coups. Sénèque, Ep. 78 & 80. Eurydamus de Girens, au rapport d’Ælien, Var. Hist. L.X. C. 19, ayant eu quelques dents fracassées dans un combat à coups de poing, les avala pour en dérober la connoissance à son adversaire, & le vainquit. Les chaleurs qu’il leur falloit essuyer, ne mettoient pas leur patience à une moindre épreuve. Cic. De Clar. Otat. Ælien, Var. Hist. L. IV. C. 15. Il y avoit pourtant des Athlètes délicats, qui se contentoient de s’exercer à couvert dans les Gymnases & dans les Palestres.

La nature des exercices athlétiques, la chaleur du climat, & la saison où l’on faisoit ces jeux, les obligeoient de combattre nus. Ils avoient néanmoins une espèce de ceinture, de tablier, ou d’écharpe, dont on attribue l’invention à Palestre, fils de Mercure. On voit cet usage dans Homère, Iliade , XXIII, v. 683, & Odyss. L.XVIII, v. 65. Cette coutume, selon Denys d’Halicarnasse, L. VII, n’eut cours chez les Grecs que jusqu’à la XVe Olympiade, que les Lacédémoniens, selon Thucidide, commencèrent à s’affranchir de cette servitude. L’écharpe d’un certain Orsippe s’étant déliée au milieu de la course, ses pieds s’y embarrasserent ; il tomba & se tua, ou du moins il fut vaincu ; ce qui donna lieu de régler qu’à l’avenir les Athlètes combattroient sans écharpe.

La nudité des Athlètes facilitoit l’usage des onctions destinées à communiquer aux parties du corps toute la souplesse qui leur étoit nécessaire, & à soulager la lassitude. On employoit d’ordinaire à ces onctions l’huile, ou seule ou mêlée avec une certaine quantité de cire & de poussière, ce qui formoit une espèce d’onguent qui s’appeloit Ceroma. On donnoit aussi quelquefois ce nom au lieu où les Athlètes se faisoient oindre, appelé communément Eleothesion Alipterion, & Unctuarium, Plin. Hist. Nat. L.XXXV, C, 2. Ces onctions étoient particulièrement pour les Lutteurs & les Pancratiastes. Ils se faisoient oindre par les Officiers ou Valets de Palestre, nommés Aliptæ, Unctores. Et quelquefois ils se rendoient eux-mêmes mutuellement ce service. Pour rendre ces onctions plus efficaces, on conseilloit aux Athlètes qui se faisoient huiler & frotter, d’opposer au mouvement de main qui faisoit cette fonction toute la force & toute la roideur de leurs muscles, en retenant même leur haleine. Plutarq. Les Athlètes, après s’être huilés, s’enduisoient quelquefois de la boue qui se trouvoit dans la Palestre. Le plus souvent ils se couvroient de sable & de poussière, soit en s’y roulant eux-mêmes, soit en se faisant saupoudrer par un autre, dans le lieu nommé pour cette raison κονίστρα, ou κονιστήριον. Et l’on prétend qu’ils ne se couvroient ainsi de poussière, que pour donner plus de prise à leurs antagonistes, & que c’est de-là que cette poussière avoit pris le nom d’ἁφὴ, qui signifie l’action de prendre, de saisir, d’empoigner, de happer, verbe qui peut-être vient de-là. C’étoit un préliminaire si essentiel à la lutte & au pancrace, que les Grecs disoient d’un Athlète qui gagnoit le prix sans combattre, qu’il avoit vaincu sans poussière ; c’est à-dire, sans travail & sans peine.

Au sortir du combat on frottoit les Athlètes, & on les huiloit de nouveau. Ils prenoient aussi le bain ; tout cela pour les délasser, & réparer les forces que ces exercices violens épuisoient. Cela s’appeloient ἀποθεραπεία, pancement postérieur, ou qui succède aux exercices.

Pour être admis aux combats publics & solennels des jeux, il falloit s’enrôler sous la conduite des maîtres de la Palestre, pour y observer pendant dix mois consécutifs les lois athlétiques, & se perfectionner par un travail assidu dans tous les exercices qui dévoient mériter aux vainqueurs le prix qu’on leur destinoit. Ces exercices préliminaires se faisoient dans les Gymnases publics, en présence de tous ceux que la curiosité ou l’oisiveté conduisoit à cette sorte de spectacle. Lorsque la célébration des jeux Olympiques approchoit, on redoubloit les travaux des Athlètes qui devoient y paroître, & on les exerçoit dans Elide même pendant trente jours. Voyez Pierre Dufaur dans son Agonistique, L. I. C. 32. Liv. III. C. 10, 11 & 15.

Les Officiers qui avoient le gouvernement des Athlètes ; étoient le Gymnasiarque, le Xystarque, les Epistates, le Pædotribe, le Gymnaste, les Aliptes & Iatraliptes ; noms que nous expliquerons chacun en leur place.

Les Etrangers chez les Grecs n’étoient point reçus parmi les Athlètes, non plus que les gens d’une naissance obscure ou équivoque, & ceux dont les mœurs n’étoient pas bonnes. Il falloit aussi être libre, & les Esclaves étoient exclus des jeux. C’est le sentiment de Dufaur, dans son Agonistique, Liv. III. C. 17. Mercurial dans sa Gymnastique, L. I. C. 3, & L. II. C. 10, prétend que les Esclaves n’étoient pas absolument exclus de tous les combats Gymniques ; qu’on leur permettoit de disputer le prix de la course à pied. Les Romains le leur permirent, au moins sous les Empereurs. Les Grecs se relâchèrent aussi alors ; & ils y admirent des Affranchis. Au reste, dès l’origine même de ces jeux, il ne fut pas nécessaire d’être d’un rang illustre pour entrer dans la lice. Pourvu qu’un Athlète fût né d’honnêtes parens, la plus vile profession ne l’excluoit point, & Corébe, le premier qui combattit aux jeux Olympiques, n’étoit qu’un simple cuisinier, au rapport d’Athénée, L. IX. C. 7. Ceux qui faisoient les perquisitions nécessaires pour s’assurer de la naissance & des mœurs des Athlètes, étoient ceux qu’on appeloit Agonothètes, Athlothètes & Hellanodiques. Ces Juges exposoient à l’Athlète les conditions sous lesquelles on l’admettoit. Ensuite on passoit en revue les Athlètes. Un Héraut élevant la main pour imposer silence au peuple, la mettoit ensuite sur la tête de l’Athlète, & le promenant dans toute l’étendue du Stade, il demandoit à haute voix si personne n’accusoit cet Athlète d’aucun crime, s’il étoit irréprochable dans ses mœurs ; s’il n’étoit ni esclave ni voleur, &c. C’est ainsi que nos anciens Chevaliers devoient être gens sans reproche. Outre cela, à Olympie on faisoit prêter serment aux Athlètes, & jurer, 1°. Qu’ils s’étoient soumis pendant dix mois à tous les exercices & à toutes les épreuves de l’institution athlétique 2°. Qu’ils observeroient très-religieusement toutes les lois prescrites dans chaque sorte de combat, & qu’ils ne feroient rien contre le bon ordre & la police établie dans les jeux. Ce serment se prêtoit devant la statue de Jupiter, érigée dans le Sénat des Eléens. Les Hellanodiques faisoient encore jurer le second article aux peres des Athlètes, pour plus grande précaution. Les Agonothètes écrivoient le nom & la patrie des Athlètes qui s’engageoient ; & à l’ouverture des jeux, un Héraut lisoit publiquement ces noms. On faisoit la même chose pour ceux qui disputoient le prix de Musique. Les Athlètes de réputation n’étoient pas obligés de se trouver présens pour se faire inscrire : il suffisoit pour eux d’avertir les Agonothètes par lettres ou autrement mais il falloit qu’ils se trouvassent exactement, comme les autres, au rendez-vous à certain jour marqué ; faute de quoi on leur donnoit l’exclusion.

Le jour des jeux, quand les Athlètes étoient assemblés, & après que le Héraut avoit proclamé leurs noms, on régloit au sort le rang de chacun des Athlètes qui devoient concourir plusieurs ensemble, comme dans la course à pied & la course des chars, &c. Dans la lutte, le pugilat & le pancrace, où l’on ne combattoit que deux à deux, en apparioit les combattans au sort. Quand le nombre étoit impair, celui qui n’avoit point d’antagoniste, s’appeloit ἔφεδρος, Ephédre, & on le réservoit pour combattre le vainqueur ; mais s’il y avoit plusieurs couples de combattans, on ne sait point quel étoit le vainqueur que l’Ephédre combattoit : peut-être le tiroit-on au sort ; peut-être étoit-ce celui dont la lettre approchoit le plus de celle qu’avoit amenée l’Ephédre : peut-être aussi les vainqueurs combattoient-ils les uns contre les autres, jusqu’à ce qu’un d’eux restât victorieux, & que c’étoit celui-là qui combattoit contre l’Ephédre.

Après avoir tiré les Athlètes au sort, on les encourageoit par quelque exhortation vive, que leur faisoient les Agonothètes ou les Gymnastes. Cette coutume étoit fort ancienne, & l’on en trouve quelques vestiges dans Homère. Iliad. XXIII. v. 68 t. Après ces exhortations, on donnoit le signal des combats, & les Athlètes entroient en lice. La fraude, l’artifice, la supercherie & la violence outrée, étoient bannies de ces combats ; mais l’adresse, la subtilité, la finesse, l’industrie y étoient permises. On punissoit sévèrement ceux qui contrevenoient aux lois athlétiques. C’étoit l’office des Mastigophores, ou l’orre-verges, qui par ordre des Agonothètes, ou même à la prière du peuple, frappoient de verges les contrevenans. La collusion sur-tout entre les combattans étoit sévèrement réprimée. Dans Homère les combattans invoquent les Dieux avant le combat. On en infère que c’étoit une coutume que le désir de vaincre, plutôt que la loi, avoit introduite.

Les récompenses qui soutenoient les Athlètes dans les travaux pénibles & rebutans auxquels ils s’assujetissoient, étoient d’abord les acclamations dont les spectateurs honoroient leur victoire. C’étoit un signal qui leur annonçoit le prix qu’ils alloient recevoir & les honneurs qui les attendoient. Ces prix ont varié selon les temps & les lieux. Cette diversité de récompenses introduisit chez les Grecs la distinction générale qu’ils faisoient entre les jeux qu’ils nommoient θεματικους, ou ἀργυρίτας ἀγῶνας, & ceux qu’ils appelloient στεφανίτας.

Dans les premiers on proposoit pour prix diverses choses qui pouvoient s’échanger pour de l’argent ; dans les derniers on ne distribuoit que des couronnes. On donnoit des jeux de la première espèce dans plusieurs lieux de la Grèce, au rapport de Pindare, comme à Lacédémone, à Thèbes, à Sicyone, à Argos, à Tégée, &c. Il semble même que les plus anciens jeux dont nous ayons connoissance, aient été de cette espèce. Tels furent ceux qui accompagnèrent les funérailles de Patrocle & d’Anchise dans Homère & dans Virgile. Les prix proposés dans ces jeux consistoient en esclaves, en chevaux, en mulets, en bœufs, en vases d’airain avec leurs trépieds, en coupes d’argent, en vêtemens, en armes, & en argent monnoyé. Il y avoit deux ou trois prix pour chaque exercice, & dans Homère l’on en voit autant que de champions, à l’exception du palet ; de sorte que les Vaincus même avoient leur récompense.

Les jeux où il n’y avoit que des couronnes à gagner, étoient les plus célèbres de la Grèce, & ceux qui acquéroient aux Athlètes le plus de réputation. Aux jeux Olympiques, les vainqueurs remportoient une couronne d’olivier sauvage ; une de pin aux Isthmiques ; une d’ache aux Néméens ; aux Pythiens une de laurier. Mais il y eut en cela des changemens. Muret, Var. Lect. XV. C. 7, soutient qu’aux jeux Olympiques on distribuoit autrefois des couronnes d’or, ce qu’il prouve par Pindare, Olymp. VIII. Str. I, & par Corn. Népos, dans la vie d’Alcibiade. Dans ces mêmes jeux les couronnes destinées aux vainqueurs étoient exposées sur des trépieds de bronze, & même dans la suite sur des tables d’or & d’ivoire, & sur des bassins que l’on gardoit encore du temps de Pausanias dans le tréfor d’Olympie. Et cela se voit aussi sur plusieurs médailles. Aux jeux Isthmiques on passa des couronnes de pin à celles d’ache sec, que l’on quitta pour reprendre les premières. On employa d’abord aux jeux Pythiens les couronnes de chêne, s’il en faut croire Ovide, Met. L. I. v. 448 ; au contraire Lucien ne parle que des fruits consacrés à Apollon. Saint Chrysostome avance qu’aux jeux Olympiques on couronnoit de laurier les Athlètes victorieux ; mais ou il étoit mal instruit, ou il s’est glissé quelque faute dans son texte, comme l’a remarqué Dufaur. Agonist. L. II. C. 22.

C’étoit ordinairement l’Agonothète qui distribuoit les couronnes : un Héraut les mettoit sur la tête des Athlètes victorieux, & cela se faisoit dans l’endroit même où l’on avoit combattu. Quelquefois le vainqueur enlevoit la couronne du lieu où elle étoit suspendue, & s’en couronnoit lui-même. Quelquefois certains Athlètes étonnoient tellement par leur extérieur avantageux, que faute d’antagonistes, ils étoient couronnés sans combattre. En certaines occasions on accordoit cet honneur aux Athlètes même vaincus ou morts dans le combat. Voyez Pausanias, Arcad. C. 40. Philostr. Icon. Liv. II. Icon. 6.

Les couronnes que l’on distribuoit aux Athlètes vainqueurs, étoient accompagnées de palmes qu’ils recevoient & qu’ils portoient de la main droite. C’étoit un second prix qui se donnoit dans tous les jeux de la Grèce ; & l’on voit en effet des palmes sur les médailles qui représentent des jeux. Elles étoient exposées sur la table dont nous avons parlé, dans une espèce d’urne.

Comme un Athlète pouvoit être victorieux plus d’une fois en un seul jour, il pouvoit y remporter aussi plusieurs couronnes & plusieurs palmes. Pausanias, Eliac. L. II. C. 25, fait mention de plusieurs Athlètes qui avoient eu cette gloire.

La distribution des couronnes & des palmes étoit une des principales fonctions des Magistrats préposés aux jeux. A Olympie sur-tout, les Hellanodiques se piquoient d’une incorruptibilité à l’épreuve de tout. Néanmoins quelque déférence que l’on eût pour leur jugement, il arrivoit quelquefois tel incident qui obligeoit les Athlètes d’en appeler au sénat d’Olympie, qui jugeoit souverainement ces sortes d’affaires agonistiques. Voyez Pausanias, Eliac. L. II. C. 3.

Aussi-tôt que l’Athlète victorieux avoit reçu la couronne & la palme, & qu’il s’étoit revêtu d’une robe de fleurs, un Héraut précédé d’un trompette conduisoit le vainqueur dans tout le Stade, & proclamoit à haute voix son nom & son pays. Les spectateurs redoubloient leurs acclamations ; ils jetoient des fleurs au victorieux, & lui faisoient de petits présens pour lui marquer la part qu’ils prenoient à sa victoire, & le gré qu’ils lui savoient du spectacle qu’il venoit de leur donner. Ces présens consistoient en chapeaux, en ceintures ou écharpes, quelquefois en argent, & en toute autre chose : mais ces gratifications n’étoient jamais capables de les enrichir.

Ce premier triomphe étoit suivi de celui qui les attendoit à leur retour dans leur pays. Le vainqueur y étoit reçu aux acclamations de ses compatriotes qui venoient au devant de lui. Revêtu des marques de sa victoire, & monté sur un char à quatre chevaux, il entroit dans la ville, non par la porte, mais par une brèche que l’on faisoit au rempart. On portoit des flambeaux devant lui, & il étoit suivi d’un nombreux cortège qui honoroit sa pompe. Les jeux qui procuroient cet honneur, étoient appelés Isélastiques. Voyez ce mot.

La cérémonie du triomphe Athlétique se terminoit presque toujours par des festins. Il y en avoit de deux sortes ; les uns se faisoient aux dépens du public ; les autres, aux dépens des particuliers. Les premiers étoient en usage à Olympie, où les Athlètes victorieux étoient anciennement traités dans le Prytanée, ou Maison de Ville, tout le reste du temps que duroient les jeux Olympiques. Voyez Pausanias, Eliac. L. I. C. 15. Athénée, Deipsoph. L. VI. C. 8. Les particuliers qui régaloient l’Athlète victorieux, étoient ses amis. Les Athlètes de distinction & qui se piquoient de générosité, régaloient à leur tour non-seulement leurs parens & leurs amis, mais souvent une partie des spectateurs. Alcibiade & Léophron régalèrent même toute l’assemblée.

Un des premiers soins des Athlètes, après leur victoire, étoit de s’acquitter des vœux qu’ils avoient faits aux Dieux pour obtenir la victoire, & qui consistoient à consacrer dans leurs temples, des statues, des boucliers & d’autres offrandes de prix.

Ils avoient plusieurs privilèges, dont ils jouissoient après leur victoire. 1°. La préséance aux jeux publics. 2°. Chez les Lacédémoniens ils combattoient aux côtés du Roi dans les expéditions militaires. 3°. Ils étoient nourris le reste de leur vie aux dépens de leur patrie. Dionys. Halicar. Hort. ad Athlet. Solon avoit assigné 500 drachmes de pension à chaque Athlète victorieux. 4°. Ils étoient exempts de toute charge & de toute fonction civile. 5°. On écrivoit leurs noms dans les Archives publiques : on désignoit les Olympiades par le nom du victorieux. Les Poëtes faisoient des pièces en leur honneur ; on leur érigeoit des statues, & en faisoit des inscriptions pour éterniser la mémoire de leur victoire. 6°. Enfin on leur prodiguoit même les honneurs divins, & tous les soins des Hellanodiques ne suffisoient pas à réprimer ces excès, & l’extrême penchant que les peuples avoient à mettre au nombre des Dieux ces Athlètes vainqueurs, & c’étoit là comme le comble de la gloire athlétique. Hérodote en rapporte un exemple, L. V. C. 47. On en trouve un second exemple dans Pline, Hist. nat. L. VII. C. 47, & un troisième dans Pausanias, Eliac. L. II. C. 11, & l’oracle même de Delphes s’en mêla dans le second exemple.

Ce n’est pas seulement des hommes faits qui entroient dans la lice : dès la 37e Olimpiade on avoit établi à Olympie des prix pour la course & la lutte des enfans athlètes ; ce qu’on étendit au Penathle dans la 38e, au Pugilat dans la 41e, & au Pancrace dans la 145e. Mais les Eléens retranchèrent bientôt ce dernier combat, & le Penathle pour les enfans. Il étoit rare que ceux qui avoient remporté le prix dans leur jeunesse, le remportassent quand ils étoient hommes faits ; & Aristote remarque, Polit. L. VIII. C. 4, qu’à peine en pouvoit-on compter deux ou trois à qui la nature eût accordé cet avantage.

Athlète se dit figurément des héros qui ont combattu pour leur patrie, ou pour la Foi. Les Athlètes de la République. Les Athlètes de l’Evangile. De quel horreur n’auroit-on pas jugé dignes ces incomparables Athlètes de la Foi ? Maucroix. Boileau a dit en parlant d’un jeune Avocat :

Quand la première fois un Athlète nouveau
Vient combattre en champ clos aux joûtes du Barreau.

Il se dit encore figurément des hommes forts & robustes, adroits aux exercices du corps. C’est un vrai Athlète, un corps d’Athlète.

Ce mot vient d’ἀθλητὴς, en grec, ἀθλέω, certo pugno, ou plutôt, luctor.