Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ASTROLABE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 582-583).

ASTROLABE. s. m. Instrument de Mathématique, gradué, & plat en forme de planisphère, ou d’une sphère décrite sur un plan, servant principalement sur mer pour observer la hauteur du pôle & des astres. Astrolabium. On le suspend avec un anneau, & il a une alhidade, ou règle mobile garnie de sespinnules, laquelle marque les hauteurs sur le cercle qui est sur ses bords divisé en 360 degrés. Il y a un creux au dedans de son limbe, où l’on enchâsse diverses planches où sont marqués les azymuths, & autres cercles, pour faire diverses observations ; & celle du dessus qui est percée à jour, & qu’on nomme pour cela araignée, sert à faire plusieurs observations sur les autres étoiles. Il a divers autres usages dont on a fait des livres entiers, comme Staufler, Henrion, Clavius, & autres.

Ce mot vient d’ἄστρον, & de λαμϐάνω, capio, colligo. Les Arabes l’appellent en leur langage Astharlab, mot corrompu du vrai nom Grec ; & ils tâchent quelquefois de lui donner une étymologie arabique ; mais tous les savans reconnoissent de boenne foi qu’ils ont appris des Grecs le nom & l’usage de cet instrument. Nassi-Reddi-Thoufî a fait un Traité en persien, qu’il a intitulé, Bait Bal fil Astharlab, où il traite de la structure, & de la pratique de l’Astrolabe. d’Herb.

Astrolabe universel. On a anciennement appelé astrolabe, un assemblage de différens cercles de la sphère, posés comme ils doivent être les uns par rapport aux autres. Nos sphères armillaires sont la même chose que ces astrolabes. Hipparque en avoit fait construire un à Alexandrie. Il étoit immobile, il s’en servoit à différentes opérations astronomiques. Ptolomée en fit aussi le même usage. Mais comme cet instrument avoit beaucoup d’incommodités, ce grand astronome s’avisa d’en changer la figure, quoique naturelle & parfaitement conforme au système de la sphère, & de réduire tout l’astrolabe sur une superficie plane, ce qui a été appelé Planisphère. Cette réduction n’est possible qu’en supposant qu’un œil qui n’est pris que pour un point, voit tous les cercles de la sphère, & mes rapporte à un plan ; alors il se fait une représentation ou projection de la sphère aplatie, & pour ainsi dire, écrasée sur ce plan, qu’on appelle Plan de projection. Et en fait de planisphères, ou d’astrolabes, le plan de projection est placé au-delà de l’objet, qui est toujours la sphère, & non pas entre l’œil & l’objet, comme le plan de la projection d’un tableau.

Il est naturel, & même indispensable, de prendre pour plan de projection de l’astrolabe, quelqu’un des cercles de la sphère, ou du moins un plan qui lui soit parallèle, après quoi reste à fixer la position de l’œil par rapport à ce plan.

Entre le nombre infini de planisphères que pouvoient donner les différens plans de projection & les différentes positions de l’œil, Ptolomée s’arrêta à celui dont le plan de projection seroit parallèle à l’Equateur, & où l’œil seroit placé à un des pôles de l’Equateur ou du monde. Cette projection de la sphère est facile, & on l’appelle l’astrolabe polaire ou de Ptolomée. Tous les méridiens qui passent par le point où est l’œil, & sont perpendiculaires au plan de projection, deviennent des lignes droites, ce qui est commode pour la projection du planisphère. Mais leurs degrés, qui sont égaux dans la figure circulaire, deviennent fort inégaux, quand le cercle s’est changé en ligne droite. Ainsi dans l’astrolabe de Ptolomée, les degrés des méridiens sont fort grands vers les bords de l’instrument, & fort petits vers le centre ; ce qui cause deux inconvéniens : l’un qu’on ne peut faire aucune opération exacte sur les degrés proche du centre, parce qu’ils sont trop petits pour être aisément divisés en minutes, & moins encore en secondes ; l’autre, que les figures célestes telles que les constellations, deviennent difformes & presque méconnaissables, en tant qu’elles se rapportent aux méridiens, & que leur description dépend de ces cercles. Quant aux autres cercles de la sphère grands ou petits, parallèles ou inclinés à l’équateur, ils demeurent cercles dans l’astrolabe de Ptolomée. On peut voir Ptolomée lui-même au chapitre I de son Ve livre.

Comme l’horizon & tous les cercles qui en dépendent, c’est-à-dire, les parallèles & les cercles verticaux, sont différens pour chaque lieu, on décrit à part sur une planche qu’on place au-dedans de l’instrument, l’horizon & tous les autres cercles qui y ont rapport, tels qu’ils doivent être pour le lieu ou pour le parallèle où l’on veut se servir de l’astrolabe de Ptolomée ; & par cette raison, il ne passe que pour un astrolabe particulier, c’est-à-dire, d’un usage borné à des lieux d’une certaine latitude ; & si l’on veut s’en servir en d’autres lieux, il faut changer la planche, & y décrire un autre horison.

Gemma, Mathématien de Frise, a inventé un autre astrolabe, dont le plan de projection est le colure ou méridien des solstices, & où l’œil est placé à l’endroit où se coupent l’équateur & l’écliptique : ce point est le pôle de ce méridien. Ainsi dans cet astrolabe, l’équateur qui devient une ligne droite, est divisé fort inégalement, & a ses parties beaucoup plus serrées vers le centre de l’instrument que vers les bords, par la même raison que dans l’astrolabe de Ptolomée, ce sont les méridiens qui sont défigurés de cette sorte. En un mot, c’est l’astrolabe de Ptolomée renversé. Seulement pour ce qui regarde l’horizon, il suffit de faire une certaine opération, au lieu de mettre une planche séparée, & cela a fait donner à cet astrolabe le nom à d’Universel.

Il a paru encore une troisième espèce d’astrolabe, inventée par Jean de Royas, Espagnol. Son plan de projection est un méridien, & il place l’œil, sur l’axe de ce méridien à une distance infinie. L’avantage qu’il tire de cette position de l’œil, est que toutes les lignes qui en partent sont parallèles entre elles, & perpendiculaires au plan de projection. Par conséquent non-seulement l’équateur est une ligne droite, comme dans l’astrolabe de Gemma, mais tous les parallèles de l’équateur en sont aussi ; puisqu’en vertu de la distance infinie de l’œil, ils sont tous deux dans le même cas que si leur plan passoit par l’œil : par la même raison, l’horizon & ses parallèles sont des lignes droites. Mais dans les deux astrolabes précédens, les degrés des cercles devenus lignes droites, sont fort petits vers le centre ; ce qui se verra facilement en tirant sur la tangente d’un quart de cercle des parallèles au diamètre par toutes ses divisions égales. Les figures ne font donc pas moins altérées que dans les deux autres. De plus, la plupart des cercles dégénèrent ici en ellipses, qui sont souvent malaisées à décrire. Cet astrolabe est appellé Universel, comme celui de Gemma, & à même titre. On lui donne aussi le nom d’Analemme.

Un quatrième astrolabe est celui de M. de la Hire, & dont il a donné la description dans les Mémoires de l’Académie des Sciences de l’an 1701, p. 255. Les défauts communs des trois premiers astrolabes, sont d’altérer tellement les figures des constellations, qu’elles ne sont pas faciles à comparer avec le ciel, & d’avoir en quelques endroits des degrés si serrés, qu’ils ne laissent pas assez d’espace aux opérations.

Comme ces deux défauts ont le même principe, M. de la Hire y a remédié en même temps, en trouvant une position de l’œil, d’où les divisions des cercles projetés, fussent très sensiblement égales dans toute l’étendue de l’instrument. Les deux premiers astrolabes plaçoient l’œil au pôle du cercle ou du plan de projection, le troisième à distance infinie, & ils rendoient les divisions inégales dans un ordre contraire. M. de la Hire a découvert un point moyen d’où elles sont suffisamment égales. Il prend pour plan de projection celui d’un méridien, & par conséquent fait un astrolabe universel, & il place l’œil sur l’axe de ce méridien, prolongé de la valeur de son sinus de 45 degrés, c’est-à-dire, que si le diamètre ou axe du méridien est supposé de 200 parties, il le faut prolonger de 70 à peu près. Delà s’ensuit une projection avec tous les avantages qu’on peut désirer.

C’est sur cette manière de projection, comme la plus conforme au globe que l’on puisse trouver, que M. de la Hire a construit les deux planisphères célestes qu’il a donnés au public, & dont les pôles de l’écliptique sont au centre, l’écliptique en faisant le cercle extérieur.

Le P. Briet, Jésuite, dans ses parallèles de la Géographie ancienne & nouvelle, L.IV, C. 5, propose la manière de décrire ainsi un planisphère terrestre, en l’écrasant, pour ainsi dire, par les pôles. Il ajoute que cette méthode a l’approbation de tous les Géographes & Cosmographes, & qu’ils souhaitent, mais en vain, que toutes les tables générales fussent tracées sur ce plan : qu’il en avoit cependant deux de cette forme qui étoient poussées jusqu’au Capricorne, mais qu’il est mieux de ne les point étendre au-delà de l’équateur. C’est ce qu’a fait M. de la Hire, substituant pour le ciel les pôles de l’écliptique à ceux du monde, & l’écliptique à l’équateur.