Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ASPIRER

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 559).
◄  ASPIRATION
ASPLE  ►

ASPIRER. v. a. Attirer l’air par la bouche. Respirare. Ce mot, qui n’est d’usage que dans la Physique, est opposé à expirer.

Aspirer, se dit aussi en Grammaire, pour marquer une forte prononciation. Vocalem spiritu aspero esserre. L’h françoise se doit prononcer en aspirant en certains mots seulement, & alors elle tient lieu de conlonne. Les Grecs marquoient les voyelles qui se doivent aspirer par des esprits âpres.

Aspirer, se dit aussi en Morale, & signifie, prétendre à quelque charge, dignité, ou autre chose qu’on regarde comme bonne & souhaitable. Aspirare, contendere ad, &c. ☞ Aspirer à la béatitude éternelle. Aspirer aux honneurs, aux richesses, à un emploi. Je n’aspire qu’à vous plaire.

C’est au repos d’esprit qu’il nous faut aspirer. Boil.

☞ P. Corneille en parlant d’Auguste qui veut renoncer à l’Empire, dit :

Et monté sur le faîte, il aspire à descendre.

☞ Racine admiroit ce vers, & le faisoit admirer à ses enfans. En effet ce mot aspirer qui d’ordinaire s’emploie avec s’élever, devient une beauté frappante quand on le joint à descendre. Volt.

Aspirer. Ce verbe est aussi actif en termes de Doreur. On dit, que l’or-couleur aspire l’or ; pour dire, qu’il l’attire, ou plutôt qu’il le retient. Il se dit pareillement de ce qu’on appelle l’assiette dans la dorure en détrempe.

On dit en Maçonnerie, qu’il y a des pierres dures, comme le grais, qui ne sont pas propres à bien prendre & aspirer le mortier ; pour dire, que le mortier n’en peut pas faire une forte liaison.

☞ C’est dans ce sens que le P. le Comte en parlant de la porcelaine de la Chine, dit qu’il n’a vu aucun vase de porcelaine dont le rouge fût bien vif. Ce n’est pas, dit-il, que les Chinois n’en aient de beau ; mais peut-être que cette couleur se ternit sur la matière, qui en aspire les parties les plus subtiles & les plus colorées ; pour dire qu’elle les attire & qu’elle s’en pénètre.

ASPIRÉ, ÉE. part.