Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ARTICHAUD, ou ARTICHAUT

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 536-537).

ARTICHAUD, ou ARTICHAUT : on écrivoit autrefois Artichault. s. m. L’Académie a décidé pour artichaut, & au plur. artichauds. Carduus sativus, scolimus, cinara. Ce mot se prend tantôt pour le fruit d’une plante qui ressemble aux chardons, tantôt pour la plante même. Sa racine est un pivot long d’un pied environ, couvert d’une écorce noirâtre, & garni de quelques fibres chevelues. Son collet qui se divise quelquefois en plusieurs œilletons, jette des feuilles longues d’un pied ou deux, entières. Celles qui naissent ensuite sont plus longues, découpées en plusieurs segmens, qui sont encore recoupés en des lanières étroites, terminées dans quelques espèces par un aiguillon roide, fin, & très-piquant. Ses feuilles sont, pour l’ordinaire, couvertes d’un coton très-fin & blanchâtre. Là tige qui s’élève d’entre les feuilles est ordinairement haute de deux à trois pieds, branchue quelquefois, & terminée par une grosse tête en forme de pomme de pin, dont la baie est ordinairement large de trois pouces. Cette tête est composée de plusieurs écailles pointues appliquées les unes sur les autres, écailles à leur origine, charnues, & bonnes à manger. Le milieu de cette tête est rempli d’une infinité de fleurons bleus portés sur des embryons de graines, qui sont séparés les uns des autres par un poil court & blanchâtre, dont toute la couche du calice est hérissée. On distingue les artichauts en ceux qu’on cultive, & en sauvages. De ceux qu’on cultive, il y en a plusieurs variés par rapport aux têtes, qui sont plus ou moins épineuses, plus ou moins grosses, rouges ou verdâtres, & par rapport aux côtes des feuilles, qui sont plus ou moins tendres, & que l’on mange. On lie les feuilles d’artichauts, & on les environne de terre pour les faire blanchir, & les rendre tendres & propres à être apprêtées & mangées. On estime sur-tout l’espèce qui nous vient d’Espagne, qu’on appelle communément Cardon d’Espagne, cinara spinosa cujus pediculi esitantur : les autres espèces de cardes d’artichauts ne sont pas si tendres. On mange, sur-tout en hiver, ces sortes de cardes, qu’on fait cuire dans de l’eau, & qu’on assaisonne ensuite avec du jus, de la graisse, et du beurre, du poivre, du sel, & un peu de vinaigre. Pour les têtes d’artichauts, on les mange crues, avec du poivre & du sel. En Languedoc & en Italie, on les fait cuire sur les charbons, & on y met un peu d’huile, du poivre & du sel, après les avoir nettoyés de cette bourre qui occupe le milieu de ces têtes. Ordinairement on les fait cuire à l’eau, & on les mange à la sausse blanche. L’artichaut demande à être bien fumé ; on croit même que son nom latin vient de ce qu’on met quelquefois des cendres parmi le fumier dont on veut garnir ses pieds pour en augmenter la fécondité. On seme l’artichaut. On voit dans presque toutes les saisons à Paris des têtes d’artichaut. Lorsque leurs fleurs commencent à paroître, elles ne sont plus si bonnes à manger, & leur chair est remplie de plusieurs fibres très-dures. Ce qu’on nomme en Languedoc la cardonnette, est une espèce d’artichaut qui croît le long des chemins. Ses feuilles sont plus petites, plus découpées & plus piquantes que celles de l’artichaut cultivé. On ramasse les fleurs de la cardonnette, & on les fait sécher à l’ombre, pour s’en servir à cailler le lait à la place de présure. On appelle improprement dans quelques endroits du royaume artichaut sauvage, la grande joubarbe.

Les artichauts se multiplient par le moyen des œilletons que chaque pied pousse d’ordinaire tous les ans au printemps autour de la vieille racine, & qu’il faut ôter dès qu’ils sont assez forts, en sorte qu’on n’en laisse à chaque pied que les trois meilleurs & les plus éloignés. Pour les planter on fait communément de petites fosses creuses d’un demi-pied, éloignées de trois pieds l’une de l’autre, & remplies de terreau. On fait deux rangs dressés au cordeau dans chaque planche, qui doit être large de quatre bons pieds, & séparée de la planche voisine par un sentier d’un bon pied. Ces fosses sont à demi pied du bord de la planche, & en échiquier entr’elles. On met deux œilletons en ligne droite dans chaque espace d’environ neuf à dix pouces. Il faut renouveler les artichauts tous les trois ans au moins, leur couper les feuilles à l’entrée de l’hiver, & les couvrir de grand fumier pendant tout le froid jusqu’à la fin de Mars. Il faut pour lors les découvrir & les œilletonner, si les œilletons sont assez forts, ou attendre qu’ils le soient devenus au bout d’environ trois semaines, ou un mois. Chom.

Artichaut à la poivrade ; c’est un artichaut en état d’être mangé cru, avec du sel & du poivre. Artichauts frits. Artichauts fricassés. Artichauts confits. Ceux-ci sont des culs d’artichauts qu’on met, après les avoir fait bouillir assez pour ôter le foin, dans une saumure composée d’eau bien salée, ou moitié eau & moitié vinaigre, & sur laquelle on met deux doigts d’huile, ou du beurre, qui ne soit guère chaud. On mange aussi les cardes d’artichauts, apprêtées de cette manière. Chomel, Dictionnaire Economique.

Les artichauts sont apéritifs & cordiaux ; ils lèvent les obstructions ; ils nourrissent beaucoup ; ils purifient la masse du sang. Lemery. Les artichauts crus sont venteux, & se digèrent difficilement. Au contraire, les artichauts cuits se digèrent facilement, & ne causent aucun mauvais effet. Les artichauts contiennent beaucoup d’huile & de sel essentiel. Les artichauts conviennent aux vieillards, & à ceux qui sont d’un tempérament flegmatique & mélancolique.