Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ARMINIEN

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 511-512).
ARMIRO  ►

ARMINIEN, ENNE. s. m. & f. Nom de secte. Arminianus, a. C’est le nom qu’on donne dans la Hollande à un puissant parti de sectaires qui se sont séparés des Calvinistes. Ils tirent leur nom de Jacques Arminius, fameux Professeur en Théologie dans l’Académie de Leyde. On les nomme aussi Remontrans, à cause d’une remontrance qu’ils présenterent aux Etats Généraux en 1611, où ils exposoient les principaux articles de leur croyance. Quoique Arminius eut étudié sous Bèze, & qu’il eût même été chargé de répondre à un livre qui avoit été publié en Hollande contre les sentimens de ceux de Genève, touchant la prédestination & la réprobation, il ne put se résoudre à soutenir là-dessus l’opinion de Calvin. Il embrassa la doctrine des Pères, & de l’Eglise, qui est tout-à-fait contraire à celle de cet hérésiarque.

Si les Arminiens s’en étoient tenus au sentiment de leur maître, on n’auroit pas eu de quoi les condamner comme novateurs, parce qu’ils prétendent avoir de leur côté les plus anciens Pères, & presque toute la tradition de l’Eglise ; mais leurs successeurs, & principalement Simon Episcogius, ont poussé les choses si loin, qu’ils se sont fort approchés des Sociniens ; & c’est ce qui donna de grands sujets de plainte aux Calvinistes, qui ne purent cependant les réfuter solidement par leurs principes. Car lorsqu’ils ont reproché aux Arminiens, qu’ils renouveloient une ancienne hérésie qui avoit été condamnée dans les Pélagiens, & dans les demi Pélagiens, ceux-ci les ont combattus par les raisons qui avoient été opposées aux Catholiques Romains, au commencent de la réformation. L’autorité seule des hommes, disoient les Remontrans, ne peut servir de preuve légitime, que dans la communion de Rome. Ce n’est pas assez de montrer qu’une opinion a été condamnée, si l’on ne montre en même temps qu’elle a été justement condamnée : Nec satis est damnatam olim sententiam esse, nisi damnandam eam, aut jure, aut ritè damnatam esse constet. Ils parlent de la sorte dans la lettre qu’ils ont fait imprimer à la tête de leur Apologie.

Sur ce principe, que les Calvinistes ne peuvent pas rejeter, les Arminiens ont beaucoup diminué le nombre de ce qu’on appeloit auparavant les articles fondamentaux de la religion. Comme ils ne les trouvoient point tous établis clairement dans les livres sacrés, ils se moquerent des cathéchismes & des formules de foi auxquels on vouloit les assujettir. C’est pourquoi ils furent condamnés dans le fameux synode de Dordrecht, tenu en 1618, où se trouvèrent un grand nombre de Théologiens Calvinistes. M. Simon a parlé au long des Arminiens, de leurs sentimens, & de leurs principaux Ecrivains, dans son Histoire des Commentateurs du nouveau Testament, ch. 54.

L’Auteur d’un petit livre intitulé, de la Religion des Hollandais, imprimé à Paris en 1675, a expliqué à fond la croyance des Arminiens. Voici ce qu’il en dit dans sa deuxième lettre : depuis la mort d’Arminius, & du temps de Vorstius, & d’Episcopius, un très-célèbre docteur d’entre eux, ils ont adopté plusieurs erreurs des Sociniens. La plupart même d’entre eux ont quitté l’opinion de leur premier maître sur les points de la prédestination & de l’élection éternelle. Arminius avoit enseigné, que Dieu a élu les fidèles par la prévision de leur foi : & Episcopius croit que Dieu n’a élu personne de toute éternité ; mais qu’il élit les fidèles dans le temps, lorsqu’ils croient actuellement. Il ne parle qu’en des termes fort douteux & ambigus de la prescience de Dieu, laquelle croit la grande forteresse dans laquelle Arminius d retranchoit. Ces mêmes Arminiens d’aujourd’hui croient que la doctrine de la Trinité des personnes dans une seule essence, n’est point nécessaire au salut ; qu’il n’y a dans l’Ecriture aucun précepte, par lequel il nous soit commandé d’adorer le S. Esprit ; que Jésus-Christ n’est pas un Dieu égal au Père ; que la foi en Jésus-Christ, par laquelle nous sommes sauvés, n’a point été condamnée, ni n’a point eu lieu sous la vieille alliance. La plupart évitent avec soin le mot de satisfaction de Jésus-Christ. Episcopius cependant dit, Jésus-Christ par sa passion a satisfait jusque-là à Dieu, qu’il l’a rendu propice à tout le genre humain. Ils pressent avec grand soin la tolérance de toutes les opinions de ceux qui professent la religion chrétienne, soutenant que tous les chrétiens s’accordent dans les points les plus importans, & comme l’on appelle, essentiels & fondamentaux de la religion ; que jusqu’ici il n’a point été décidé par un jugement infaillible, qui sont ceux d’entre les chrétiens qui ont embrassé la religion la plus véritable & la plus conforme à la parole de Dieu ; que pour cet effet, tous peuvent s’unir pour composer un seul & même corps d’Eglise, & qu’ils doivent s’aimer comme frères ; que l’on ne doit contraindre personne à condamner & à quitter ses sentimens, ou a approuver & suivre ceux autrui.

Si Arminius revenoit au monde, ajoute l’Auteur de ce petit livre, il ne reconnoitroit assurément pas pour ses disciples la plûpart de ceux qui portent son nom. Il y en a cependant qui n’ont rien ajouté à ses sentimens, mais les uns & les autres s’accordent tous en ce point, qu’on doit tolérer tous les chrétiens, ou pour ne composer tous ensemble qu’une même Eglise, ou pour permettre à chacun la liberté de sa religion. Les principaux Ecrivains de la secte des Arminiens, sont Arminius, Episcopius & Grotius. On y peut ajouter Courcelles, qui a composé un corps de Théologie, où il a mis en abrégé ce qui se trouve plus étendu dans les gros livres d’Episcopius, & y ajoute de son fond plusieurs autres choses. Les Sociniens néanmoins mettent ce Courcelles au nombre de leurs Ecrivains.