Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ARMADELLE ou ARMADILLE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 504).

ARMADELLE ou ARMADILLE. Tatu ou Tatou. Animal quadrupède, du Brésil, gros comme un chat. Il a le museau de cochon, la queue d’un lézard, les pieds d’un hérisson. Il est armé d’un haleret à écailles dures, dans lequel il se retire comme les tortues, d’où les Espagnols l’ont appelé Armadillo ; c’est-à-dire, armé de toutes pièces. Il séjourne dans les cavernes, ou dans les eaux comme amphibie. Le P. du Tertre, Histoire des Antilles, Tr. VI, c. I, §. 5, écrit Armandille. Celui qu’il décrit, est différent de celui qu’a décrit Rochefort. Ce Pere dit que celui de cet Auteur étoit celui du Brésil. Rochefort, dit-il, le fait trop gros ; il ne lui donne que trois bandes, ou trois cercles qui l’environnent, bien qu’il en ait dix. Il lui met cinq ongles à chaque pied, quoiqu’il n’en ait que quatre. La queue qu’il lui donne, est trop courte ; elle est plus longue que son corps, & toute divisée par nœuds, & par cercles d’écailles ; les épaules & les hanches sont couvertes d’une écaille, qui descend jusqu’à la sortie des pattes. Cette écaille est grise, & toute semée de petites taches blanches, comme des lentilles. Tout le milieu du corps entre ces deux écailles est environné de dix bandes d’écailles dures, larges d’un pouce, & tout traversé de pointes ou rayons aigus. Toutes ces bandes sont jointes l’une à l’autre, & aux deux écailles, par un cuir mêlé de tendons nerveux, qui lui laissent le mouvement fort libre, en sorte qu’il se plie, se tourne, & se met en boule quand il lui plaït. Il a deux rangs de dents tranchantes dans la gueule. Ces écailles tiennent de l’os & du cartilage, mais les moindres dragées les percent ; & s’il y en a qui résistent aux coups de feu, comme le dit Rochefort, ce n’est pas dans les Iles. Cet animal territ comme le lapin, & ne paroît point pendant un tiers de l’année. Il vit de patates, de cannes de sucre, de fruits, de poules & de poulets. Quand les chiens l’atteignent, il retire ses quatre pattes & sa tête dans son ventre, & se met en boule. Il n’y a point de main assez forte pour ouvrir cette boule. Il faut le mettre auprès du feu pour lui faire montrer le nez. Quand il rencontre un homme en son chemin, il fuit devant lui. Si l’homme s’arrête, il fouit en terre, essayant de temps en temps si le trou est assez grand pour se cacher. Lorsqu’on voit qu’il entre plus qu’à demi-corps, il faut frapper des mains & courir sur lui : il se fourre incontinent dedans, & se laisse prendre par la queue sans aucune résistance. Sa chair est blanche, grosse, tendre, délicate, & bien meilleure que celle du cochon de lait : on en fait rôtir de tout entiers : on en met dans le potage ; on en fait des hachis, des pâtés, &c.

Ximénès écrit que les lames ou bandes qui l’environnent, étant mises en poudre subtile, & prises plusieurs fois le poids d’un écu dans une décoction de sauge, provoquent la sueur, & sont un souverain remède contre la vérole ; que le dernier os qui joint la queue au corps, mis en poudre & en masse, avec un peu de vinaigre rosat, guérit la surdité, en mettant gros comme la tête d’une épingle de cette masse avec du coton dans l’oreille. De Rochefort a mal entendu cet Auteur, quand il a dit qu’il falloit mettre un petit os de la queue dans l’oreille avec du coton ; car cet os est vingt fois plus grand que le trou de l’oreille. Quelques uns lui donnent aussi la vertu du dictamne de Crète, qui attire les épines, ou fers de flèches des plaies. P. Du Tertre. Il est faux, suivant le P. Labat, que cet animal ne puisse vivre que dans la Grenade ; que quand on le transporte, sitôt qu’il vient devant l’île de S. Vincent, les forces lui manquent, & qu’il meurt, ou avant que d’arriver à la Martinique, ou en y descendant à terre. Le P. Labat a relevé dans ses Voyages, tom. II, p. 387, cette erreur du P. Du Tertre. Il fait la description d’un Armadelle, qu’il dit avoir vu bien vivant, & bien mangeant au fort S. Pierre de la Martinique en 1704.