Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ARIANISME

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 497-498).
◄  ARIANE
ARIANO  ►

ARIANISME. s. m. Arianismus. La plus pernicieuse hérésie qui ait été dans l’Eglise. Arius, qui en a été l’Auteur, vivoit au commencement du quatrième siècle. Il nioit que le verbe fût Dieu & consubstantiel au pere. Il avouoit que ce Verbe étoit la parole de Dieu ; mais cette parole, selon lui, n’étoit pas éternelle, & elle avoit été seulement créée avant toutes les autres créatures. Cette hérésie fut condamnée dans le premier Concile de Nicée, l’an 325 ; mais elle ne fut pas pour cela éteinte. Elle ne devint point, comme on l’a dit dans les précédentes éditions de ce Dictionnaire, la religion dominante, principalement dans l’Orient, où elle s’étendit beaucoup plus que dans l’Occident. Tous nos Controversistes ont démontré que même sous Constantius & Valens, le plus grand nombre des Evêques & des fidèles, tenoient constamment pour la consubstantialité du Fils. Voyez en particulier M. Languet, Evêque de Soissons, & ensuite Archevêque de Sens, dans son second Avertissement. Les Ariens, au temps de S. Grégoire de Nazianze, étoient les maîtres de la ville capitale de l’Empire. Ils reprochoient fièrement aux Orthodoxes le petit nombre de leurs sectateurs. C’est ce que nous apprenons de ce saint Evêque, qui commence sa vingt-cinquième Oraison contre les Ariens par ces paroles : Où sont ceux qui nous reprochent notre pauvreté, & qui sont insolens de leurs richesses, qui définissent l’Eglise par la multitude du peuple, & qui méprisent le petit troupeau, qui mesurent de plus La Divinité, & mesurent le peuple à la balance ? Il est à propos de remarquer que S. Grégoire ne dit point ces paroles comme son sentiment. Ce sont les paroles des Ariens qu’il rapporte, & qu’il leur reproche, aussi-bien que leurs autres excès, dont il fait un long détail.

Les Ariens le répandirent aussi en Afrique sous les Vandales, & en Europe sous les Goths. L’Italie, les Gaules, l’Espagne, furent infectées de cette hérésie pendant quelque temps. Mais enfin après avoir dominé avec beaucoup d’éclat environ 300 ans, elle tomba tout-à-coup. Erasme, qui la regardait comme une hérésie éteinte entièrement, sembloit vouloir la faire revivre au commencement du seizième siècle, dans ses notes sur le nouveau Testament. Aussi ses adversaires lui ont-ils reproché qu’il avoit appuyé de toute sa force les erreurs impies des Ariens. Il se justifia assez mal, en leur répondant, qu’il n’y avoit point d’hérésie qui fût plus éteinte que celle des Ariens : Nulla hæresis magis extincta quàm Arianorum. Servet & Socin n’avoient point encore paru dans le monde, quand il parloit de la sorte.

Michel Servet, Espagnol de nation, que Calvin fit brûler à Genève, publia en 1531, un petit livre contre le mystère de la Trinité, qui a donné occasion au renouvellement de cette hérésie dans l’Occident. Il est cependant plutôt Photinien qu’Arien ; mais il se sert des mêmes passages de l’Ecriture, & des mêmes raisons que les Ariens, pour combattre la divinité du Fils. Il ne reconnoit pour véritable Dieu que le Pere. Servet n’a eu à la vérité aucuns disciples : mais il se trouva un parti de nouveaux réformés dans Genève, qui établit un système d’Arianisme beaucoup plus subtil que le sien, & qui embarrassa fort Calvin, qui étoit alors le patriarche de Genève. Ces nouveaux Ariens allèrent s’établir en Pologne, où ils firent quelques progrès. M. Stoupp, parlant de ces nouveaux Ariens, dans sa troisième lettre, les distingue des Sociniens. Il y en a, dit-il, plusieurs en ce pays-ci, c’est-à-dire, en Hollande, où il étoit alors, & plusieurs des Sociniens embrassent leurs opinions. Christophorus Sandius, gentilhomme Polonois, fils d’un conseiller de l’Electeur de Brandebourg, a rétabli la secte des Ariens en ce pays. Il demeure à Amsterdam depuis peu d’années. Il a fait entr’autres deux livres, dont l’un a pour titre, les Interprétations paradoxes des quatre Evangélistes ; l’autre est une Histoire Ecclésiastique, dans laquelle il prétend prouver, que tous les Docteurs qu’on appelle Peres de l’Eglise, qui ont vécu depuis les Apôtres jusqu’à Arius, ont eu les mêmes sentimens que lui touchant le mystère de la Trinité.

M. Stoupp, qui écrivoit cette lettre d’Utrecht en 1673, connoissoit plusieurs de ces nouveaux Ariens, qui avoient abandonné les sentimens de Socin, comme de pures subtilités & de vains raffinemens. Voyant qu’on leur opposoit toute l’antiquité qui leur étoit manifestement contraire, ils crurent que pour répondre à cette objection, ils devoient renouveler l’ancien Arianisme. Et en effet, on prétend qu’il y a aujourd’hui plus d’Ariens que de Sociniens, tant en Hollande qu’en Angleterre. Grotius s’est quelquefois approché des Ariens dans ses notes sur le nouveau Testament, où il éleve trop le Pere au-dessus du Fils, comme s’il n’y avoit que le Pere seul qui fût Dieu souverain, & que le Fils lui fût inférieur, même à l’égard de la divinité. On pourroit néanmoins dire, qu’il a plutôt embrassé les opinions des demi-Ariens, que celles des Ariens. Il est à propos de remarquer, que les nouveaux Ariens ne font aucun corps, & qu’ils n’ont aucunes assemblées réglées. La Hollande même, qui souffre chez elle toutes sortes de religions, n’a point souffert jusqu’à présent qu’ils formâssent une société.