Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ARGUE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 495).

ARGUE. s. f. Terme de Tireur d’or. C’est une machine qui est faite en forme de cabestan servant a dégrossir les métaux. C’est un gros arbre percé de quatre leviers que font tourner huit hommes ; & au bout de la corde qui l’entoure est une grosse tenaille qui tient le lingot d’or, d’argent ou de cuivre, qu’on fait passer par différens trous de filière pour le dégrossir & rendre plus menu. Boizard, Traité des Monnoies, P. 1, ch. 28, décrit ainsi l’argue. L’argue est une machine composée d’un billot d’environ un pied & demi en carré, & d’un pivot de neuf à dix pieds, où il y a un cable attaché. Ce billot est scellé de trois pieds en terre, & élevé de deux ; ce qui est élevé est appelé la tête de l’argue, & il y a deux entailles d’un pied & demi de profondeur ; l’une sur la largeur sert à placer & appuyer les filières ; & l’autre sur la longueur à faire passer les lingots par les pertuis des filières. Le pivot est à plomb entre deux pièces de bois où il est enclavé, de sorte qu’on le peut tourner en rond par deux barres longues de 24 pieds chacune, qui traversent le milieu en forme de croix. Il y a aussi de grosses tenailles courtes dont les mors sont crénelés en dedans, & les branches crochues aux extrémités ; ces mors servent à ferrer le bout du lingot, & les crochets à accrocher les tenailles au bout du cable. On accroche donc les tenailles au cable ; huit hommes font tourner le pivot en rond ; le cable roule autour à mesure qu’il tire les tenailles, & que le lingot s’alonge en passant par les pertuis ; & pour faciliter ce passage, on frotte le lingot de cire neuve, & cela s’appelle tirer à l’argue. Quand on a fait passer le lingot par quelque pertuis, & doré, on le porte à l’argue ; on l’y fait passer par environ 40 pertuis de la filière jusqu’à ce qu’il soit réduit à la grosseur d’une plume à écrire, puis on le rapporte chez le Tireur d’or pour le dégrossir, qui est en manière d’argue que deux hommes font tourner, & on y fait passer le lingot par environ 20 pertuis de la filière, appelés ras, jusqu’à ce qu’il soit réduit à la grosseur d’un ferret de lacet, & c’est ce qui s’appelle dégrossir. Boizard. Sa Majesté a ordonné le 20e jour de Septembre 1689, que le fermier du droit de marque sur l’or & l’argent, sera tenu de se servir dans l’argue de Lyon de poids échantillés sur la matière du poids de marc étant au greffe de la Monnoie de Lyon, sans en pouvoir tenir d’autres, à peine de 1000 livres d’amende. Les métaux s’alongent & s’étendent tellement par le moyen de l’argue, qu’un lingot d’argent doré qui n’a que deux pieds de long & trois pouces quatre lignes de circonférence, produit un fil d’or de la longueur d’un million quatre-vingt-seize mille sept cent quatre pieds ; desorte que ce fil par l’art du tirage s’alonge plus de cinq cent quarante trois mille fois qu’il n’étoit auparavant : ainsi si ce fil étoit attaché par un bout, & s’il avoit assez de consistance pour être tendu, on pourroit le conduire jusqu’à une distance de soixante & treize lieues.

Ce mot vient par corruption du grec ἔργον, opus, parce que l’invention & la machine nous ont été apportées de Grèce.

On appelle aussi Argue, un certain lieu ou bureau public de Paris, où l’on tire & où l’on dégrossit l’or & l’argent pour les Orfèvres & les Tireurs d’or.

Argue. s. f. C’est une sorte de bâtiment sur lequel on amene des vins du Rhin ou de Cologne, en Hollande. Il est plat par le fond, large par le bas, haut de bords, se retrécissant par le haut. Son étrave est large, aussi bien que son étambord.