Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ARABE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 448-449).
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ARABE. s. m. & f. Arabs. Peuple originaire d’Asie, entre l’Egypte, la Chaldée, la Syrie & la Palestine. Les Arabes se disent fils d’Ismaël. Il y a bien de l’apparence qu’en effet les premiers Arabes sont les Ismaëlites ; mais que dans la suite ceux-ci s’étant étendus & s’étant mêlés avec tous leurs voisins, ou les ayant soumis, tous furent appelés du nom commun Arabes, & que des Amalécites, des Madianites, des Ammonites, des Sabéens, &c. il ne se fit qu’un peuple qu’on nomma Arabe.

Les Arabes ont été fort connus autrefois sous le nom de Sarrasins. Aujourd’hui on ne les appelle plus ainsi. Les Arabes ont de l’esprit, & sont propres aux sciences spéculatives & abstraites. Les Arabes ont introduit dans la philosophie l’excessive subtilité qu’on y remarque : ils nous ont conservé les ouvrages de quelques Auteurs Grecs, qu’ils avoient traduits en leur langue, & c’est par eux que les Chrétiens les ont eus. Les Arabes se sont répandus dans les trois parties de l’ancien monde : ils ont fait la conquête de cette partie d’Afrique qu’on appelle Barbarie ; ils se sont établis en Espagne, & en ont possédé une grande partie pendant plusieurs siècles. Les Arabes parlent une langue qui est formée de la langue hébraïque ; elle est belle & abondante. Le Pere Ange de S. Joseph dit qu’elle est si féconde, qu’il y a mille noms pour signifier une épée, quatre-vingts pour le miel, cinq cens pour le lion, & deux cens pour le serpent. ☞ Cette prétendue abondance de la langue est une vraie superfluité. Qu’importe d’avoir plusieurs termes pour exprimer la même idée. Cela est plus propre à fatiguer la mémoire, qu’à enrichir & faciliter l’art de la parole. Il seroit bien plus avantageux d’avoir des termes pour toutes les idées qu’on a à exprimer.

Quelques-uns prétendent que ce nom vient de ערב, Arab, mot hébreu, & que ces peuples ont été ainsi appelés, des campagnes incultes & désertes qu’ils habitoient ; car ערבה, araba, en hébreu, signifie une campagne inculte & déserte. D’autres le dérivent du même mot hébreu ערב, arab, qui dans une autre signification se prend pour mêler, confondre ; parce que les Arabes sont un mélange de différentes nations, comme on l’a dit ci-dessus. D’autres le dérivent de ערב, arab, être obscur, être noir ; d’où vient que le soir & la nuit sont appelés ערב, ereb, c’est-à-dire, noirs, ténébreux ; & le corbeau dont le plumage est tout noir, עורב, oreb. Les Arabes ont donc été ainsi nommés, disent-ils, parce qu’ils sont noirs, ou basanés, hâlés : c’est pour cela qu’Homère les appelle Ἐρεμϐους, comme s’il disoit ἠρεμνους, ou ἐρεϐεννους. La Cerda prétend qu’Arabe signifie Voleur, & qu’on a donné ce nom à ces peuples à cause de leurs brigandages, comme on a appelé les Chananéens de ce nom, qui signifie Marchand ; & les Chaldéens, Chaldéens ; c’est-à-dire, Astrologues, parce que les uns & les autres exerçoient ces arts. Mais La Cerda se trompe, & prend la signification dérivée pour la primitive.

Les Arabes ont été savans en Médecine & en Mathématique.

Il paroît par les médailles que les Grecs ne soumirent point les Arabes. Les Rois Arabes non-seulement battent monnoie à leur coin, mais ils y prennent la qualité d’amis, ou d’alliés des Grecs. Dans le cabinet du Roi, ΒΑΣΙΛΕΩΣ ΑΡΕΤΑ ΦΙΛΗΛΛΗΝΟΣ. Et dans celui de M. Foucault, ΒΑΣΙΛΕΩΣ ΑΡΕΤΟΥ ΦΙΛΗΛΛΗΝΟΣ. Il paroît encore par-là, & par S. Paul, 2, Cor. XI, 32, que le nom d’Arétas leur étoit bien ordinaire, comme celui de Ptolomée en Egypte.

On appelle le chiffre arabe, celui dont on se sert pour les grandes supputations, par opposition au chiffre romain, dont on se sert dans les comptes. Le commun des Savans croient que les Sarrasins nous ont communiqué ces notes, & qu’elles viennent originairement des Arabes. Le Moine est de ce sentiment dans le second Tome de ses Varia sacra. Scaliger étoit si persuadé de la nouveauté de ces chiffres, qu’il crut qu’un célèbre médaillon d’argent de Marquart Freher, sur lequel on le consulta, avoit été frappé depuis peu, dès qu’il eut appris qu’on y voyoit ces figures numérales 234, 235. On croit que Planude, qui vivoit sur la fin du XIIIe siècle, est le premier des Chrétiens qui se soit servi du chiffre Arabe. M. Huet croit que ces chiffres ne nous viennent point des Arabes, mais des Grecs, & que ce sont des lettres grecques, dont, comme l’on sait, les Grecs se servoient pour marquer les nombres. Voyez ses Dissertations, tome II, p. 372. Un autre Auteur prétend que ce sont les notes de Tiron. Sa Dissertation sur cela se trouve dans les Mémoires de Trévoux. ☞ Les chiffres Arabes dont on se sert ordinairement dans les calculs d’Arithmétique, sont, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, & 0 qu’on nomme zéro.

Les chevaux arabes, sont ceux que nous appelons communément Barbes, parce qu’ils viennent de Barbarie ; mais ils sont véritablement de race arabe. Leur vitesse est si grande, qu’ils attrapent une autruche à la course ; & on les estime tant pour cela, que, si l’on en croit Marmol, liv. I, ch. 23, on les achete jusqu’à mille ducats d’or, & qu’on les change contre cent chameaux.

Le Golfe des Arabes, est dans la mer de Barbarie, entre la côte du royaume de Barca & celle d’Égypte. Arabum sinus, anciennement Gyzis. Il a pris son nom de la Tour des Arabes.

La Tour des Arabes. Turris Arabum. Tour & village d’Égypte situé sur le golfe des Arabes, aux confins du royaume de Barca.

Arabe. s. m. & f. ☞ Pris, non comme nom de peuple, mais comme signifiant un homme qui exige avec une extrême dureté ce qui lui est dû. Arabs, Arabis in morem ferus. Quand on a affaire à des sergens, ce sont des Arabes, qui tirent jusqu’au dernier sou. Les hôteliers de Hollande sont des Arabes, qui rançonnent cruellement leurs hôtes. Cet usurier est un Arabe envers ses débiteurs, il ne leur relâche rien.

Endurcis-toi le cœur : sois Arabe, Corsaire,
Injuste, violent, sans foi, double, faussaire.

Boil.

Cette expression a été apportée de la Terre-Sainte, où les pélerins étoient cruellement traités par les Arabes.