Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/AQUILÉE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 446-447).
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AQUILÉE. s. f. Aquileia, ou Aquilegia. Vossius, dans ses notes sur Pomponius Mela, Liv. II, ch. 3, remarque, que tous les anciens manuscrits écrivent Aquilegia. Parmi les épigrammes & épitaphes que Gruter a tirées d’un vieux manuscrit de la Bibliothèque palatine, il y en a une p. MCLXIX, 6, où on lit aussi Aquilegia. Cependant les Poëtes, comme Silius Ital. Liv. VIII, v. 605. Mart. Liv. IV, ép. 25. Ausone, Cotal. clarar. urb. ep.7, ne le font que de quatre syllabes ; & toutes les inscriptions antiques, où il est parlé d’Aquilée, monumens incomparablement plus anciens & plus surs que les manuscrits, écrivent Aquileia. Gruter, p. CCCCXXXIII, 8. Patavii in ædibus Ranusiacis.

L. MANILIVS L F.

ACIDINVS TRIV. VIR.
AQVILEIÆ COLONIÆ

DEDVCENDÆ

Voyez encore p. CCCI, & p. XXXVI. 12.

APOLLINI

BELENO
C. AQVILEIENS.
FELIX.

& p. CLII. 4.

IMP. CAES. INVICIT. AVG.

AQVILEIENSIVM RESTITVTOR
, &c.

Voyez encore p. CCCXLV. 10, pag. DCCLXXXVIII. 6, & DCCLVII, 4.

On voit donc que le véritable nom est Aquileia, C’est une ville d’Italie, dans le Frioul, sur le confluent de l’Ansa & du Torre. Quelques-uns disent qu’elle a pris son nom d’un certain Aquilus venu de Troye avec Antenor, qui en jeta les premiers fondemens. Vossius, qui veut que son premier nom soit Aquilegia, soutient à l’endroit que j’ai cité, qu’il vient à d’Aquilegium ; qui signifie une source, une fontaine & qu’elle fut ainsi appelée à cause de l’abondance des sources & des eaux qu’il y avoit au lieu où elle fut bâtie. Mais sa conjecture sur ce nom étant fausse & Aquilegia étant une mauvaise ortographe des siècles postérieurs, & des copistes, qui dans ces siècles ne prononçant le gi que comme un i, & ne faisant point sentir le gi comme les Grecs, qui ne le font point sentir non plus, ont mis gi où il ne falloit qu’un i, parce que ces deux sons n’étoient point, ou presque point différens ; ou bien que ce nom n’étant, comme prétend Cluvier, Liv. I, ch. 20, qu’une corruption du mot Aquileia, qui s’est introduite dans les siècles de la barbarie, Pline, Tite-Live, Cicéron, Tacite, & tous les autres, écrivant Aquileia, sans que j’y trouve de variante, quoi qu’en dise Vossius ; les Grecs, comme Strabon, Ptolomée, écrivant Ἀϰυληία & Denys, Ἀϰυλύνον, sans parler d’une médaille de Vespasien, citée par Goltzius, p. 237, & qui porte Col. Aquileia, mais que je ne voudrois pas garantir, parce que je ne la trouve citée par aucun autre Auteur ; tout cela, dis-je, étant certain, l’étymologie de Vossius tombe d’elle-même. L’Empereur Julien, dans sa seconde harangue sur les actions de Constancius, dit qu’elle fut appelée Aquilée, parce que, lorsqu’on la bâtit, un aigle, en latin aquila, parut du côté droit. Ce sentiment n’a de fondement que l’entêtement & la superstition de son auteur, & le fait n’est attesté d’aucun autre. Il est donc bien plus vraisemblable qu’Aquilée ne fut d’abord qu’un camp Romain, où les aigles Romaines furent arborées, & que de-là on le nomma Aquileia. En effet, dès le temps que les Gaulois vinrent s’établir près de-là, & y commencerent une ville, c’est-à-dire, l’an de Rome 566, ou 567, quatre ou cinq ans avant qu’on y conduisît une colonie, il y avoit déjà là un Préteur, & par conséquent des troupes romaines & un camp, comme il paroît par le 39e Livre de Tite-Live. Depuis Aquilée devint si riche & si considérable, qu’on la compara à Rome même, & qu’on lui en donna le nom. L’Eglise d’Aquilée, si l’on en croit la Tradition du pays, fut fondée par S. Marc. Elle a titre de Patriarchat, dont les Macri rapportent l’origine à l’an 570. Parce que l’air d'Aquilée étoit très-mal sain, les Patriarches transporterent le siège à Udine, qui devint la Nouvelle Aquilée, l’ancienne ayant été abandonnée. L’Empereur, qui est maître d’Aquilée, prétend nommer au patriarchat ; mais pour éviter les contestations, les Vénitiens donnent au titulaire résident à Udine dans les terres de la Seigneurie, le pouvoir de choisir un coadjuteur. Voyez sur Aquilée, Leand. Alberti, Italiæ regio. 18e. et Cluvier, Ital. ant. Liv. I. ch. 20, & M. Antonius Sabellicus, de vetustate Aquileiæ, cinq livres. La longitude d’Aquilée est 36d. 10’, sa latitude 45d. 45’.

Cette ville fut la première qui se déclara pour Charles VIII. Ferron dit qu’à cause de cela il lui accorda beaucoup de privilèges, & entre autres celui de battre monnoie. Cette monnoie est singulière, en ce que la légende est mise en françois par une ville italienne, pendant que nous la mettons en latin sur les nôtres. Sans doute cette ville en usa ainsi, afin de marquer combien elle étoit bonne Françoise. Le Blanc. Elle s’appelle & s’écrit sur des monnoies, Cité de l’Eiglie, & en latin, (car il y en a aussi avec des légendes latines) Civitas Aquilina. On trouve Aquileia, pour la province, dont Aquilée est la capitale, dans Bolland. Febr. Tom. III, p. 9.