Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/APPRIVOISER

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 438).

APPRIVOISER. v. a. Adoucir le naturel sauvage par l’art & par l’industrie. rendre doux & traitable. Domare, mansuefacere, cicurare. Il n’y a guère d’animal si farouche qu’on ne puisse apprivoiser. On dit que le sanglier, le castor, la chauvesouris, l’hirondelle ne s’apprivoisent jamais. Les Carthaginois envoyerent en exil Hannon, pour avoir eu l’industrie d’apprivoiser un lion, appréhendant que celui qui apprivoisoit si bien les bêtes les plus farouches, ne captivât les inclinations du peuple.

Apprivoiser, se dit figurément des hommes dans les choses spirituelles & morales. Solon sut insensiblement apprivoiser avec les idées de justice, d’ordre & de loi, un peuple nourri dans la licence, & persuadé qu’il n’y avoit d’autres préservatifs contre l’oppression, que la force & la violence. Tourr. ☞ Il y a des gens peu sociables, qu’on a bien de la peine à apprivoiser.

Apprivoiser, avec le pronom personnel, signifie quelquefois, se rendre familier avec quelqu’un. Familiariter agere cum aliquo. Il est dangereux de se trop apprivoiser avec les Princes. Il se prend aussi pour s’accoutumer. Assuefieri. La coutume fait qu’on s’apprivoise jusqu’aux maux. Ablanc. Il n’y a point de monstre avec lequel on ne s’apprivoise peu à peu. Je tâche de m’apprivoiser avec la mort. J’admire ceux qui savent s’apprivoiser & se divertir avec tout le monde. Mont.

On s’en sert encore pour signifier, s’adoucir. Mitescere, mansuefieri. La perfidie s’apprivoise par les bienfaits. Vaug.

On dit par reproche à un homme qui prend quelques libertés, sur tout avec les femmes, vous vous apprivoisez bientôt.

APPRIVOISÉ, ÉE. part. Cicur, cicuratus, mansuefactus. Regnier a dit : jà tout apprivoisé, je mangeois sur le poing.

☞ Les animaux apprivoisés, le sont par l’art & l’industrie des hommes. Les animaux privés, le sont naturellement. Syn. Fr.

☞ Le chien, le cheval, &c. sont des animaux privés. L’ours, le lion, &c. sont quelquefois apprivoisés.