Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/APPELER

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 428-429).
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☞ APPELER. v. a. J’appelle, tu appelles, il appelle, nous appelons, vous appelez, ils appellent, j’appelois. J’ai appelé. J’appellerai. Nous suivons cette orthographe par déférence pour l’Académie. Plusieurs mettent deux ll partout. Appeler, c’est dire le nom d’une chose ou d’une personne. Appellare, nominare. Comment appelez-vous cet homme ? Je ne sais comment on appelle cette plante. Vous l’appellerez comme il vous plaira.

Appeler signifie aussi désigner une personne ou une chose, par une qualité bonne ou mauvaise. On ne doit pas appeler charitable, celui qui prête avec intérêt. Cet homme est sincère, il appelle toutes les choses par leur nom.

Que de pleurs vont couler !
De quel nom sa douleur me va-t-elle appeler ?

Racin.

☞ Dans ces deux acceptions, appeler est aussi réciproque. Comment vous appelez-vous ? je m’appelle Louis. Cela s’appelle folie en bon françois. Nominari, nuncupari.

Appeler signifie quelquefois simplement, surnommer, & se dit principalement des surnoms qu’on donne aux personnes illustres. Aléxandre qu’on appelle le Grand. Denys appelé le Tyran.

Appeler & nommer, ont une idée commune ; ils en ont aussi une qui leur est propre. On nomme pour distinguer dans le discours. On appelle pour faire venir dans le besoin. Syn. Fr. Le Seigneur appela tous les animaux, & les nomma devant Adam, pour l’instruire de leurs noms. Tel est le sens du texte hébreu. Il ne faut pas toujours nommer les choses par leurs noms, ni appeler toutes sortes de gens à son secours.

Appeler (terme de maître d’école) nommer les lettres d’un mot, afin de le lire & de le prononcer. Appellare litteras, enunciare litterarum elementa. Il est peu en usage. On dit épeler.

Appeler, prononcer à haute voix les noms de ceux qui doivent se trouver à certaine heure pour quelque chose, à quelque montre, à quelque recette. Ce soldat ne s’est point trouvé à la montre quand on l’a appelé. Ce rentier n’a point répondu quand on l’a appelé. Il ne recevra rien aujourd’hui.

☞ On dit à peu-près dans le même sens, (en terme de Palais) appeler une cause, lire tout haut le nom des parties pour qu’elles viennent plaider. Citation qui se fait à l’audiance, lorsque la cause doit être plaidée. Causas agendas citare. On vient d’appeler votre cause. La cause sera appelée à tour de rôle.

Appeler signifie aussi citer en jugement, en témoignage. Appellare, vocare in jus. On a mis sur la requête, soit partie appellée. On l’a assigné, appellé en témoignage.

Appeler, se pourvoir devant un juge supérieur, quand on prétend qu’on a été mal jugé par un juge inférieur ; réclamer son secours & son autorité, pour réparer l’injustice qu’on prétend avoir été faite. Provocare ad superiorem judicem, ad superius tribunal.

Appeler. d’une sentence. Appeler comme d’abus. Appeler comme de juge incompétent. Voyez Appel. Dans cette acception il est neutre.

☞ On dit encore au Palais, appeler en adhérant, quand on appelle d’une seconde sentence rendue par le même Juge en exécution de la première, au préjudice de l’instance pendante devant le Juge supérieur.

☞ On dit figurément, quand on reclame contre quelque proposition ou sentence que quelqu’un a avancé, qu’on en appelle. Appellare ab aliquâ re, sententiâ. Quand on est condamné par les autres, il ne faut point en appeler fièrement devant soi-même. S Evr.

Appeler, se servir de la voix, ou de quelque signe pour faire venir quelqu’un, obliger quelqu’un à s’approcher. Vocare, evocare. Appeler ses domestiques. Ne pouvant l’appeler de la voix, il l’appeloit encore de la main.

Appeler, se dit aussi du cri dont les animaux se servent pour faire venir à eux ceux de leur espèce. Le mâle appelle sa femelle. La poule appelle ses poussins.

Appeler, se dit pareillement de toutes les choses dont le son sert de signe pour qu’on se trouve en quelque lieu. Les cloches appellent à l’Eglise. La trompette appelle au combat.

Appeler en duel. Défier, provoquer à un combat singulier. Provocare ad singulare certamen. Autrefois les braves tiroient vanité de s’appeler en duel pour la moindre chose. Mais les Ordonnances de Louis XIV ont réprimé cette barbarie.

Appeler, faire l’appel, en termes de guerre, c’est une des batteries du tambour.

Appeler, invoquer. Invocare, implorare. Appeler Dieu à son aide, implorer son assistance.

Appeler, mander, faire venir. Appeler au Conseil, dans le propre, c’est y mander. On a tenu un grand conseil, où tous les Princes ont été appelés. Figurément, c’est écouter, consulter, déférer. En tous les mystères de la religion, si nous ne voulons nous tromper, il ne faut point appeler notre imagination au conseil. Audire, in consilium adhibere.

Appeler, se dit encore pour faire monter, faire parvenir à quelque chose de grand. Evehere.

Quoi ! vous à qui Néron doit le jour qu’il respire.
Qui l’avez appelé de si loin à l’empire. Racine.

Appeler, se dit figurément de tout ce qui excite, qui oblige de se trouver en quelque endroit, pour quelque chose que ce puisse être. J’irai où l’honneur m’appelle. Mes affaires m’appellent ailleurs.

Appeler, se dit encore des inspirations que Dieu nous envoie, & des marques, soit intérieures, soit extérieures, par lesquelles il nous fait connoître quelle est sa volonté. Incitare, stimulare. Il ne faut point résister quand Dieu nous appelle. Dieu appela S. Paul à l’apostolat.

☞ Il se dit par extension du penchant que l’on a pour un état, plutôt que pour un autre. Cet homme n’a aucune disposition pour la guerre ; il n’étoit point appelé à ce métier-là. Acad. Fr.

☞ On dit proverbialement d’un homme qui est libre en paroles, ou qui est trop franc, qu’il appelle les choses par leur nom.

☞ On dit proverbialement & figurément d’un homme qui s’en va lorsqu’on veut le retenir, qu’il est comme le chien de Jean de Nivelle, qui s’enfuit quand on l’appelle. Cela s’appelle, pour cela veut dire, cela signifie, n’est bon tout au plus que dans le discours familier.

On dit en termes de chasse, qu’un chien appelle en faux, quand il aboie, & clatit où les perdrix ont été, & à la rencontre du frai des perdrix.

Appelé, ée. part. A la Chine, la qualité d’Appelé à la Cour par l’Empereur, est aussi considérable que celle d’un Envoyé. P. Le Comte.

Appelé, se dit en passant du mistère de la Prédestination, suivant l’expression de l’Ecriture ; beaucoup d’appelés, peu d’Elus. Multivocati, pauci verò electi. Voyez Prédestination.

Appelé, rapporté. Pour entendre ces termes, il faut observer que quand une cause du rôle est appelée, si l’Avocat de la partie adverse ne se présente pas pour plaider, l’Avocat présent demande défaut s’il est appelant, ou congé, s’il est institué. Sur cela le Président dit, faites-la appeler & rapporter, ce que l’Avocat ou Procureur doit faire par un huissier, auquel il donne un mémoire pour cet effet. ☞ Après quoi il appelle le défaillant à la barre de la Cour, & revient faire son rapport, sur lequel le défaut se prononce. C’est cet appel & le rapport de l’huissier, qu’on nomme appellé, rapporté.