Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/APPARENT

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 422-423).
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☞ APPARENT, tout ce qui est visible, tout ce qui est sensible à l’œil, ou intelligible à l’esprit. Voyez Apparence.

☞ On le dit à peu-près dans le même sens de ce qui est certain, évident, dont on ne peut douter. Clarus, evidens, manifestus. On dit qu’il est riche en argent ; mais de bien apparent on ne lui en connoît peint. Il n’a aucun droit apparent sur lequel on puisse asseoir un hypothèque. Acad. Fr.

Apparent se dit encore de ce qui paroît, & n’est pas tel qu’il paroît être, ce qui est d’une façon & paroît de l’autre. Simulatus. Dans ce sens vrai & apparent sont opposés. Les plaisirs ne sont pas de vrais biens, mais seulement des biens apparens. Cet homme n’a qu’une vertu apparente, fausse.

Mais ce discours n’est pas pour le peuple ignorant
Que le faste éblouit d’un bonheur apparent.

Boil.

Apparent se dit aussi parmi les Bourgeois d’une ville, de ceux qui sont les plus riches, qui sont distingués des autres par leurs emplois ou par leur mérite. Civitatis Principes, Primarii in civitate viri, Primores. On a choisi les plus apparens de la ville pour faire une députation au Roi. Il n’y avoit de conviés que les plus apparens de la famille.

☞ En Astronomie & en Optique le mot apparent est souvent employé. Conjonction apparente, horison apparent, grandeur apparente, distance apparente, lieu apparent.

☞ On dit conjonction apparente de deux planètes, lorsque la ligne droite qu’on suppose tirée par les centres des deux planètes, ne passe point par le centre de la terre, mais par l’œil du spectateur : distinguée de la conjonction vraie, où le centre de la terre est dans une même ligne droite avec les centres des deux planètes.

Horison apparent ou sensible. Il sépare la partie visible ou supérieure du ciel d’avec la partie inférieure de la terre qui nous est invisible, à cause de la rondeur de la terre ; il détermine le lever & le coucher apparent du soleil, de la lune, des étoiles. Voyez Horison.

☞ La grandeur apparente d’un objet est mesurée par l’angle optique sous lequel il est vû ; & l’angle optique est formé par les deux rayons qui partent des extrémités d’un objet & qui se rencontrent au centre de la prunelle.

☞ Plus un objet est éloigné, & plus aussi l’angle optique, sous lequel il paroît, est petit.

☞ Dans les distances considérables la grandeur apparente est en raison inverse de sa distance à l’œil, c’est-à-dire, si un objet est éloigné de mon œil tantôt d’une, & tantôt de deux lieues, la grandeur apparente de cet objet éloigné d’une lieue, l’emportera autant sur la grandeur apparente du même objet éloigné de deux lieues, que deux lieues l’emportent sur une, ou, ce qui revient au même, la grandeur apparente de cet objet éloigné d’une lieue de mon œil sera double de la grandeur apparente du même objet éloigné de mon œil de deux lieues, parce qu’il est vû sous un angle optique double de celui sous lequel il est vû lorsqu’il est à deux lieues de mon œil.

☞ Les objets paroissent d’autant plus éloignés, qu’ils paroissent plus sombres & plus confus ; parce que accoutumés à ne voir que confusément les objets éloignés, nous jugeons éloignés ceux qui nous paroissent sombres & confus.

☞ Plus les objets sont éloignés, moins leurs couleurs paroissent vives : parce que la vivacité des couleurs dépend principalement de l’intensité de la lumière, laquelle par la divergence de ses rayons, & par l’interposition de l’air grossier compris entre l’œil & l’objet, décroît lorsque l’objet est éloigné.

☞ Les objets paroissent d’autant plus éloignés, que l’on voit un plus grand nombre de corps, & une plus grande étendue de terrain entre l’œil & ces objets ; parce que cette grande quantité de corps de terrain intermédiaire donne l’idée d’une grande distance.

☞ Lorsqu’on voyage de nuit les objets peu éloignés, paroissent plus loin qu’ils ne le sont réellement. Pendant la nuit les feux clairs paroissent plus près qu’ils ne le sont.

☞ Un astre à l’horison doit nous paroître plus loin qu’au méridien.

☞ Nous devons juger que le soleil est beaucoup plus éloigné de nous que la lune. Tout cela suit de ce que nous avons dit ci-dessus.

☞ La lune doit paroître plus grosse à l’horison qu’au méridien, parce qu’il se trouve toujours à l’horison une grande quantité de vapeurs, que l’on peut regarder comme autant de verres convexes qui grossissent les objets. Ainsi la lune vue à travers ces vapeurs doit paroître très-grosse à l’horison, c’est-à-dire, lorsqu’elle se lève ou qu’elle se couche. Au lieu que, lorsqu’elle est au méridien, les vapeurs sont alors fort rares, & lorsqu’il y en a de semblables entre la lune & l’observateur, cet astre au méridien paroît aussi gros qu’à l’horison. Il en est de même du soleil, & des autres astres plus gros à l’horison qu’au méridien.

☞ La lumière d’un flambeau paroît plus grande de loin que de près : parce que de près, je vois distinctement le diamètre du flambeau allumé : de loin, je vois le diamètre d’un tout composé d’un corps lumineux & de l’air éclairé qui l’environne. Donc de loin le diamètre du corps éclairé que je vois, doit me paroître plus grand que de près. Donc la lumière du flambeau doit paroître plus grande à 200 pas, par exemple qu’a 50.

☞ Distance apparente d’un objet. C’est la distance à laquelle paroît un objet, souvent fort différente de la distance réelle.

☞ Lieu apparent, c’est celui où l’on voit l’objet ; & comme la distance apparente d’un objet est souvent fort différente de la distance réelle, le lieu apparent est souvent fort différent du lieu vrai.

☞ Le lieu apparent se dit principalement du lieu où l’on voit un objet en l’observant avec un ou plusieurs verres, ou par le moyen d’un ou de plusieurs miroirs.