Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/APOPLEXIE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 413-414).

APOPLEXIE. s. f. Stupor, Stupefactio nervorum omnium corporis, apoplexia. Terme de Médecine. ☞ Maladie aiguë qui attaque le cerveau, & qui ôte tout-à-coup le mouvement & le sentiment. C’est une soudaine privation du sentiment & du mouvement de tout le corps, avec lésion des principales facultés de l’ame, accompagnée d’un ronflement & de difficulté de respirer. Elle diffère du care, de la léthargie, & du coma, parce qu’en ces trois autres maladies l’assoupissement n’est pas si profond, ni le sentiment tout-à-fait perdu. Elle diffère de la syncope, parce qu’en celle-ci il n’y a point de pouls apparent ; ou du moins qu’il est fort foible ; au lieu que dans l’apoplexie il se soutient jusqu’à ce que la mort soit proche. Elle diffère de l’épilepsie en ce qu’en celle-ci le mouvement de la faculté animale n’est point aboli, mais seulement dépravé. Et elle diffère de la paralysie, en ce qu’en celle-ci il n’y a ni assoupissement, ni privation de connoissance. L’apoplexie est causée par l’interruption du mouvement du sang vers le cerveau, & par tout ce qui peut empêcher l’influence des esprits animaux dans les organes des sens, & dans les parties qui se meuvent volontairement. Tantôt elle vient d’un phlegmon dans le cerveau, tantôt d’une pituite visqueuse, dont le cerveau est rempli, comme il arrive dans les apoplexies d’hiver, & dans celles des vieillards ; tantôt elle vient d’une lymphe trop grossière, qui bouche les nerfs, ou du sang répandu dans le cerveau. Hippocrate distingue deux sortes d’apoplexies, l’une forte, & l’autre foible ; elles diffèrent par le plus ou moins de difficulté à respirer ; il faut avouer qu’elles sont toutes deux très-fortes, puisqu’elles sont accompagnées de symptômes très-dangéreux, & qu’elles causent souvent la mort. On appelle dans l’usage commun & dans la conversation, une apoplexie brutale, celle qui ôte tout d’un coup tout sentiment, & qui tue sur le champ, ou ne laisse jusqu’à la mort aucun sentiment. Pour prévenir l’apoplexie, il faut éviter l’excès de vin, & de travail, ne point manger avec excès, ne point dormir après le dîner, faire beaucoup d’exercice de corps, ne se point laisser accabler de chagrin. Pour guérir de l’apoplexie, il faut employer des remèdes qui causent de grandes évacuations, & n’en donner aucun où il entre de l’opium, ou des remèdes astringens, qui augmentent la force du mal.

Ce mot d’apoplexie vient du grec ἀποπλήϰτειν, qui signifie abattre, étonner, rendre stupide & sans sentiment, parce que cette maladie fait tomber en un instant, comme si on étoit abattu d’un coup de foudre. C’est pourquoi quelques-uns l’ont appelé sidération, comme qui diroit foudroyement.