Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ANNONCIATION

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 371-372).
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ANNONCIATION. s. f. Nouvelle que l’Ange Gabriel apporta à la sainte Vierge du Mystère de l’Incarnation. Annunciatio futuræ Incarnationis Verbi, ou divino satu prægnationis. On le dit aussi de la fête où on célébre ce mystère, qui est le vingt cinquième de Mars. Salutatæ ab Angelo Virginis anniversarius dies. Marguerite d’Autriche, Reine d’Espagne, femme de Philippe III, servoit à table neuf pauvres femmes tous les ans le jour de l’Annonciation. La fête de l’Annonciation est très-ancienne dans l’Eglise Romaine. Le Sacramentaire du Pape Gélase I, montre qu’elle étoit établie à Rome au temps de ce souverain Pontife, qui succéda au Pape Félix en 492, & mourut en 496. Parmi les Sermons de S. Augustin, qui mourut en 430, il y en a deux sur l’Annonciation, le 17 & le 18, de Sanctis. Dans l’Eglise grecque nous en trouvons des preuves encore plutôt. Non-seulement S. Basile de Séleucie, mort en 455. Proclus P. C. mort en 446, mais encore S. Jean Chrysostôme, mort en 407, S. Grégoire Thaumaturge, Evêque de Néocésarée, mort en 295, à qui Vossius, outre deux Homélies sur la fête de l’Annonciation, qui sont dans ses ouvrages, en attribue encore une, que d’autres donnent à S. Jean Crysostôme : tous ces Peres, dis-je, ont des discours sur l’Annonciation. Les Grecs appellent cette fête Εὐαγγελισμὸς, bonne Annonciation, & χαιρετισμὸς, Salutation. Personne ne doute que dans l’Eglise grecque, depuis le concile de Constantinople, in Trullo, l’Annonciation ne fût une fête. Voyez le Canon 52 de ce Concile, Zonaras, sur ce Canon ; & dans l’Eglise latine depuis le milieu du septième siècle, puisque le dixième Concile de Tolède tenu en 659 en parle. Mais un Auteur moderne prétend qu’avant le Concile in Trullo, tenu selon lui en l’an 692, on ne trouve point dans l’Eglise grecque de mention de la fête de l’Annonciation. Cependant S. Grégoire Thaumaturge, qui vivoit à la fin du troisième siècle, parle dans ces deux premières Homélies de l’Annonciation, comme d’une fête solennelle. Dans la première, il dit, que Dieu voulant couronner ce jour-là, les têtes de ceux qui célébrent les fêtes avec soin, rassemble les vrais fidèles, &c. & il commence la seconde par ces paroles : Nous devons célébrer toutes les fêtes, & faire tous nos chants de la même manière que les sacrifices que nous offrons à Dieu ; mais la première de toutes les fêtes, c’est celle de l’Annonciation de la sainte Mère de Dieu. Je sais que Perkins & Rivet prétendent qu’il est douteux si ces Homélies sont de saint Grégoire Thaumaturge, & que le P. Alexandre, & quelques autres nouveaux Ecrivains, ont copié ces Protestans ; mais Vossius, non-seulement a reconnu ces deux Homélies pour de véritables ouvrages de ce Pere, mais il lui en attribue même encore une troisième, qui dans Lipoman & Surius, porte le nom de S. Chrysostôme. Bellarmin dit qu’il n’a aucune raison de rejeter ces trois Homélies. Vincent Richard, Théatin, doute à la vérité si la seconde n’est point de Proclus P. C. Mais il ne doute nullement des deux autres, & le P. Labbe, dit que la raison de Perkins & de Rivet est impertinente, ineptissimâ ratione persuasi. Cette raison est, que la coutume de chanter des hymnes, & de lire les vies des Saints, n’a été mise en usage que sous Charlemagne, au commencement du neuvième siècle, & ils citent pour garant de ce fait, Paul-Emile, L. II. De Gestis Francor. Sans faire attention que cet Auteur vivoit il n’y a que deux siècles, & que c’est un mauvais garant. Le P. Alexandre dit encore, qu’aucun Ancien n’a parlé de ces ouvrages de saint Grégoire ; mais il devoit faire attention que Bellarmin, dans qui il a pris cela, remarque fort bien que ce n’est point là une raison de les rejeter. Où en serions-nous, s’il nous falloit condamner tous les opuscules des Peres dont les Anciens n’ont point parlé ? Ne suffit-il pas que de bons manuscrits nous les donnent pour des ouvrages d’un tel, ou d’un tel Auteur, & avec leur nom ? Avons-nous d’autres preuves pour le plus grand nombre des anciens ouvrages ? Pour l’Eglise latine, le même Auteur dit qu’on ne voit pas qu’au temps de S. Augustin, il y eût encore de fête instituée pour honorer séparément l’Incarnation de Jésus-Christ. Mais les Homélies sur ce mystère ne marquent-elles pas une fête ? S. Augustin, dans le second Sermon sur ce mystère, qui est le 18 de Sanctis, qu’on ne révoque point en doute, en parle comme d’une fête, & la nomme un Jour solennel.

Dès les commencemens cette fête s’est célébrée au printemps ; & Théophane marque dans son Homélie 53, que c’étoit vers l’équinoxe ; & depuis, toutes les Eglises l’ont célébrée le 25 de Mars. Cependant, parce que cette fête tombe souvent vers le temps de la passion de N. S. plusieurs Eglises l’ont placée en une autre saison. Les Syriens l’appellent Bascarach ; c’est-à-dire, la recherche, & la marquent dans leur calendrier au premier jour du mois appelé Canum, le premier, qui répond à notre mois de Décembre, quoiqu’il prenne aussi quelque chose du mois de Novembre. Les Arméniens la célébrent le 5 de Janvier ; ils anticipent ainsi le temps, afin qu’elle ne tombe point en carême. Les Grecs ne font point difficulté de la célébrer le carême, aussi-bien que la fête des 40 Martyrs ; & le concile in Trullo suppose qu’elle tomboit au moins quelquefois dans ce temps de jeune. Au dixième concile de Tolède en 656, can. i, il fut ordonné que cette fête seroit solennisée le 18 de Décembre. Le bréviaire ambrosien marque cette fête au dernier Dimanche de l’Avent. Quelques Eglises de France suivirent le règlement du concile de Tolède ; & l’on prétend que la messe du mercredi des quatre-temps de Décembre, qui est toute de l’Incarnation, est un reste de cette ancienne pratique ; & que dans les Eglises d’Espagne on célébre encore la fête de l’Annonciation sous le nom d’Expectatio, ou d’Attente, le Dimanche avant Noël. Cette pratique ne dura pas, & depuis plusieurs siècles on célébre l’Annonciation en Occident, comme en Orient, le vingt-cinq de Mars. Il y a même des Eglises qui ne la remettent pas quand elle vient dans la semaine-Sainte ; & l’église cathédrale du Puy en Vélai, ne la remet pas même, à ce que l’on dit, lorsqu’elle vient le Vendredi-Saint.

Quelques Auteurs Protestans soutiennent que cette fête se célébroit d’abord en l’honneur de N. S. & que ce n’est que depuis, qu’on la solennise sous le nom, & en l’honneur de la sainte Vierge ; mais il n’y a qu’à lire les Homélies de S. Augustin & de S. Grégoire de Néocésarée, c’est-à-dire, les plus anciennes qui nous restent sur cette solennité, pour être convaincu du contraire.

Les Juifs appellent aussi Annonciation, une partie de la cérémonie de leur fête de Pâque. C’est celle où ils expliquent l’origine, l’institution, la cause de cette fête. Ils appellent cette explication הגדה, Haggada, qui veut dire, Annonciation. Ceux qui croient avec Scaliger, de Emend. temp. 534, que c’est la nuit de Pâque qu’ils appellent ainsi, se trompent. Voyez Maiem. Tract. de sermentato, c. 7, sect. 5 & 10, & à la fin de ce Traité, il y a une formule de cette Haggada, ou Annonciation. Buxtorf n’en parle point dans sa Synagogue.

Annonciation, se dit encore de l’image qui représente le mystère de l’Annonciation. Voilà une belle Annonciation.

M. Pelisson, en parlant de l’Eucharistie, a dit : c’est, nous l’avouons, la Commémoration, ou l’Annonciation du Seigneur.