Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ANNALES

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 363-364).
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ANNALES. s. f. pl. Histoire qui décrit les événemens année par année. Annales. Les annales ecclésiastiques de Baronius. Les annales de France. Les annales de Corneille Tacite.

On rapporte plusieurs différences entre les annales & l’histoire. Aulugelle, Liv. V, ch. 18, dit, que quelques-uns prétendent que l’histoire est proprement le récit des choses auxquelles l’écrivain a assisté, qu’il a vues. Il ajoute, que Verrius Flaccus doutoit que cette opinion fût vraie, quoiqu’il avouât qu’elle étoit fondée sur l’étymologie & l’origine du nom histoire. Car, disoit-il, histoire en grec signifie la connoissance des choses présentes ; & en effet, ἱστορεῖν, en grec signifie, voir. Servius, sur le v. 377 du premier Liv. de l’Enéide, rapporte cette différence, & appuie sur cette étymologie. Au contraire les annales, dit-il, sont ce que l’on n’a point vû de nos temps : ainsi, poursuit-il, l’ouvrage de Tite-Live est partie histoire, partie annales. Il semble que Tacite ait aussi été de ce sentiment ; car il intitule la première partie de son ouvrage annales. C’est qu’il y parle des temps qui l’avoient précédé. Et la seconde partie, où il décrit les affaires de son siècle, il l’appelle Histoire. Aulugelle est d’un autre sentiment. Il prétend que histoire & annales, ne différent que comme le genre & l’espèce. L’histoire est le genre, & c’est la narration, ou l’exposition des choses passées. Annales est l’espèce, & c’est la même chose, mais rédigée par ordre des années, de même que Journal, est la même chose digérée selon l’ordre des jours. Le même Auteur rapporte une autre différence que Sempronius Aselio mettoit entre l’histoire & les annales. Celles-ci, selon cet Ecrivain, sont une simple narration de ce qui s’est fait chaque année. L’histoire est un récit, non-seulement des faits, mais encore des causes, des motifs, des raisons, & de tous les ressorts qui ont fait agir. L’Annaliste ne fait que déduire ces faits, l’Historien raisonne sur ces faits. Cicéron semble être de même avis au Liv. II, de Orat. n. 12, ou du moins ce qu’il dit revient à peu près à cela. La différence qu’il y a, selon lui, entre les annales & l’histoire, c’est que les annales ne font simplement que raconter les faits de chaque année, sans aucun autre ornement que la brièveté, au lieu que l’histoire demande des ornemens. Unam dicendi laudem jutant esse brevitatem… Non exornatores rerum, sed tantùm narratores. La différence que donne Servius n’est pas d’usage aujourd’hui. Celle que met Aulugelle entre histoire & annales ne suffit pas, il faut joindre celle de Cicéron, & d’Asellio. Cependant on appelera fort bien annales toute histoire distinguée par années, souvent même annales se prend pour toutes sortes d’histoires, ou pour histoire en général, tant en latin qu’en françois. C’est ainsi que l’a pris Florus, Liv. I, ch. 10. Virgile, Enéide I, v. 377 & Cicéron en plusieurs endroits.

Cicéron, à l’endroit que j’ai cité, rapporte l’origine des annales à peu près en ces termes : « L’histoire n’étoit d’abord que la composition des annales. Pour en conserver la mémoire, le Grand-Pontife écrivoit ce qui se passoit chaque année, & l’exposoit chez lui sur une tablette, afin que le peuple pût l’aller lire. C’est ce qu’on appeloit les grandes annales. Cette coutume subsista jusqu’au pontificat de Publius Mucius Scævola. Il étoit Consul l’an 620, ou 621 de Rome, c’est-à-dire, 134, ou 133 ans avant Jésus-Christ. Plusieurs Ecrivains imiterent cette manière d’écrire l’histoire, sans ornemens, & simplement en racontant les faits. Tels furent Caton, Pictor, & Pison. Antipater fut le premier qui releva un peu plus son style, & qui donna des ornemens à l’histoire. Ce Cœlius Antipater étoit ami de Crassus, & vivoit par conséquent vers l’an de Rome 630, environ 120 ans avant Jesus-Christ.

☞ Dans le style soutenu, annales & histoire sont synonymes. On dit : nous lisons dans nos annales. Dans la rigueur, on ne doit pas confondre ces mots, & il semble que par annales, on doive entendre une simple exposition ou narration d’anciens évenemens rédigés année par année.