Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/AMPLIFICATION

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 311-312).

AMPLIFICATION. s. f. Amplificatio. Terme de Rhétorique. C’est une partie du discours, ou de l’oraison, dans laquelle, & par laquelle on étend le sujet qu’on traite, on aggrave un crime, on augmente une louange, on étend une narration, & l’on excite les mouvemens qu’il convient dans l’ame de l’auditeur. La première partie est l’argumentation, qui comprend les preuves, & la seconde est l’amplification, qui les étend, & les pousse : toutes deux appartiennent à l’invention, qui est le premier devoir de l’Orateur. L’amplification, dit Cicéron, dans les partitions oratoires, est une espèce d’argumentation véhémente. C’est, dit-il encore, une forte affirmation qui persuade en excitant les mouvemens de l’ame. L’amplification est un des moyens qui contribuent au sublime. Longin. L’amplification se peut diviser en un nombre infini d’espèces ; mais l’Orateur doit savoir que pas une de ces espèces n’est parfaite de soi, s’il n’y a du grand & du sublime ; si ce n’est lorsqu’on cherche à émouvoir la pitié, ou que l’on veut ravaler le prix de quelque chose. Par-tout ailleurs, si vous ôtez à l’amplification ce qu’elle a de grand, vous lui arrachez, pour ainsi dire, l’ame du corps. Id. Les maîtres de l’éloquence appellent l’amplification l’ame du discours. Longin blâme ceux qui la définissent, un discours qui donne de la grandeur aux choses. Car, dit-il, cette définition peut convenir tout de même au sublime, au pathétique, & aux figures, puisqu’elles donnent toutes au discours je ne sais quel caractère de grandeur. Le sublime consiste dans la hauteur & l’élévation ; au lieu que l’amplification consiste aussi dans la multitude des paroles. Le sublime se trouve quelquefois dans une simple pensée ; mais l’amplification ne subsiste que dans la pompe & dans l’abondance. L’amplification donc, pour en donner une idée générale, est un accroissement de paroles, que l’on peut tirer de toutes les circonstances particulières des choses & de tous les lieux de l’oraison, qui remplit le discours, & le fortifie en appuyant sur ce qu’on a déjà dit. Ainsi elle différe de la preuve, en ce qu’on emploie celle-ci pour prouver la question, au lieu que l’amplification ne sert qu’à étendre & à exagérer. Rien n’est plus contraire à l’éloquence que l’amplification puérile, vide de pensées, & qui ne consiste que dans un vain appareil de mots entassés les uns sur les autres. La bonne amplification est un amas de pensées, qui enchérissent toutes les unes sur les autres, & qui sont soutenues d’expressions vives, fortes, & convenables au sujet.

On se sert aussi de ce terme hors de la Rhétorique, où on l’applique à tous les discours, & aux narrations même ordinaires, quand on grossit, qu’on augmente les choses. Il y a de l’amplification à cette nouvelle : il se prend alors pour exagération.

On appelle encore Amplification, le discours amplifié, le discours que font les écoliers sur un sujet qui leur est donné pour l’orner comme ils jugeront à propos. On exerce les écoliers à faire des amplifications au collége. Pour faire une bonne amplification, il faut que le discours s’élève par degrés, en sorte qu’un mot enchérisse sur l’autre : autrement l’amplification est languissante, & n’a plus ni force ni mouvement. Boil. Longin, dans son Traité du Sublime, chap. IX & X. Cicéron, dans ses Partitiones Oratoriæ, n. 27 & 53, & le P. Caussin, dans tout le V. Liv. de son Eloquentia sacra & profana, ont traité de l’amplification.