Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/AMBUBAIE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 282).

AMBUBAIE. Ambubaia. AMBUBAIES, plur. Ambubaiæ. Ce mot, que quelques-uns de nos Dictionnaires ont fait françois, est pris d’Horace, Liv. I. Sat. 2, & de Suétone dans Néron. Un Commentateur d’Horace a cru que les Ambubaies étoient des femmes & des coureuses, que l’on avoit ainsi appelées à cause des sottises qu’elles disoient en bégayant dans l’ivresse. Torrentius sur Suétone, Turnébe, Liv. XI, ch. 23, & Pulmannus dans ses notes sur Suétone, ont pensé que ce mot venoit de ambu, ou am, vieille préposition latine, qui signifioit circùm, autour, & de Baiæ, Baies, lieu délicieux proche de Naples ; & que c’étoient des femmes débauchées qui se trouvoient aux environs de Baies ; que ambu a été dit pour am, de même que indu a été dit pour in ; que c’est de-là qu’on a dit ambalvare, & ambedo, & de même ambubaia. Cruquius, dans son Commentaire sur Horace, croit qu’ambubaia s’est dit pour ambubeja, & qu’il signifie proprement un vendeur d’ambubeja, herbe dont Dioscoride, Celse, Panthin, Matthiole & d’autres ont parlé, & qui dans Pline s’appelle Ambugia, par la faute des copistes, qui ont substitué ce mot à ambubeja, parce que ces vendeurs d’ambubeja étoient des Charlatans ; qu’ensuite on a transporté ce mot à toutes sortes de charlatans, & que c’est là ce qu’il signifie. Mais toutes ces étymologies ne paroissent pas vraies ; la dernière sur-tout n’a pas d’apparence. Il faut dire avec Acron, ancien commentateur d’Horace, avec Mercérius cité par Lambin, avec Scaliger, Casaubon, Beroald, Sabellicus, Caninius sur Suétone, & Lambin, dans ses notes sur Horace, Buxtorf, Schindler, Bechart, & tous ceux qui savent les langues, que ce nom est syriac. En effet, de אביב, abib, qui signifie une tige de blé, on a fait אבוב, abbub, qui revient au calamus des Latins & signifie originairement un petit instrument de musique fait avec un chaume, une tige de blé, en un mot un chalumeau ; & parce que les flûtes ont commencé par-là, quoiqu’elles se soient perfectionnées dans la suite, & qu’elles n’aient point été de simples chalumeaux ; ou parce qu’elles leur ressembloient, on les a toujours appelées אבוב, abbub, avec la terminaison syriaque, אבובא, abbuba, ou אבוביא, abbubaia ; & comme le syriac met un נ nun, au lieu de Dagesch, aussi bien que l’arabe, pour אבוביא, abbubaja, on dit אנבוביא, anbubaia, une flûte, dont les Romains ont fait ambubaia, en changeant seulement l’n en m, sans changer rien dans le son, ni la prononciation ; & ils ont donné le nom de l’instrument à celui qui en jouoit, appelant Ambubaia, joueur ou joueuse de flûte, comme nous appelons flûte, haut-bois, violon, trompette, non-seulement ces instrumens, mais encore ceux qui en jouent. J’ai dit joueur ou joueuse de flûte, parce que Lambin croit que c’étoient des hommes ; mais la plus ancienne & la plus commune opinion, est que c’étoient des femmes syriennes ; & dans Suétone, il paroît que ce sont des femmes. Nous dirions en françois des Joueuses d’instrumens, des Chanteuses, des Comédiennes.