Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ALUN

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 261-262).
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ALUN. s. m. Alumen. Sel minéral d’un goût acide, & qui laisse dans la bouche une douceur accompagnée d’une âpreté ou astriction considérable. ☞ Comme cette pierre est pleine de bitume & de soufre, elle s’enflamme aisément. Elle est mêlée avec une base argileuse, qui forme des prismes triangulaires. L’alun se durcit à la chaleur, & se dissout au froid & dans l’eau. On peut établir, avec les anciens Naturalistes, deux sortes d’alun : l’un naturel, & l’autre artificiel. Le naturel se trouve surtout au fond & aux environs des mines d’argent. Ce sont des espèces de plâtras blancs, légers & poreux, chargés de filamens argentés & serrés. On se servoit autrefois de cet alun en Italie, sous le nom d’alun de plume, Alumen plumaceum & scissile. Dioscoride nous en a laissé une bonne description. Cet alun vient de la Laponie & de l’île de Malte. On le nomme quelquefois Trichites, parce qu’il forme une espèce de chevelure soutenue d’une terre brune. Il en vient encore d’Egypte & des îles de Sardaigne. Celui qu’on appelle scissile, parce qu’il est facile à diviser, est de couleur blanche, & vient de l’île de Milo dans l’Archipel. Tournefort, dans son voyage du levant, parle des cavernes d’où on le tire. L’artificiel se prépare de plusieurs manières, suivant les matières dont on est obligé de se servir. En Italie, près de Civita-Vecchia, en un lieu nommé la Toffa, on tire d’une montagne des pierres dures, lesquelles étant cassées, calcinées, & exposées ensuite à l’humidité de l’air, se réduisent en une chaux ou terre qu’on fait lessiver comme les vieux plâtras dont on veut extraire le salpètre. Le reste de la manipulation est semblable à celle du salpètre ; & la manière dont on l’employoit du temps de Matthiole, s’observe encore aujourd’hui. Cet alun se nomme alun de Rome, Alumen Romanum. Alun de roche, Alumem rupeum, parce qu’on le tire de la pierre. Il est de couleur de chair ou rougeâtre, à cause que l’eau dans laquelle les sels étoient en dissolution, s’est trouvée chargée d’une lie rouge qui venoit de la pierre calcinée, & qui s’est unie aux sels dans leur cristallisation. A la Solfarerra, près Pouzzol, dans le royaume de Naples, on ramasse en été une suie fine, qui se forme sur la surface de la terre au haut du Volcan. Cette suie dissoute, évaporée & cristallisée, donne un alun blanc & transparent. En Angleterre, dans la province d’Yorck & de Lancastre, on prépare l’alun avec une espèce de pyrites de couleur d’ardoise ; on le fait calciner aussi-tôt qu’on l’a tiré de sa minière, ensuite infuser & bouillir avec la lessive des cendres des plantes marines. La matière étant reposée, il se précipite une substance saline, sur laquelle on verse une bonne quantité d’urine qui acheve la précipitation des matières terreuses, & sulfureuses. La liqueur qui reste étant transvasée & en repos, donne des cristaux blancs & salins, qu’on lave dans l’eau, & qu’on fait refondre pour les réduire en grosses masses propres à remplir des tonneaux. Cet alun se nomme alun de roche, alun de glace. Alumen commune, alumen glaciale, à cause que ses fragmens ressemblent à des morceaux de cristal de roche. L’alun de Suède se fait avec un minéral, qui contient beaucoup de soufre & de vitriol, qu’on ne peut emporter que par la calcination, ou par des distillations. La matière qui reste dans les vaisseaux de fer dont on s’est servi pour tirer tout le soufre de ce minéral, se réduit, étant exposée à l’air pendant quelques années, en une cendre bleue, qu’on lessive & qu’on fait cristalliser. Ce que les Anciens appeloient alun liquide, ne paroît qu’un alun résous en liqueur : il y a des eaux minérales qui tiennent de l’alun. Si on ajoute du cuivre ou du fer à l’alun, on fera du vitriol. L’alun succharin, ou saccharin Alumen saccharinum, est une composition d’alun, d’eau-rose, & de blancs d’œufs. A l’égard des autres espèces d’alun dont les Anciens ont parlé, on ne les connoît plus, & peut-être n’ont elles que des variétés peu considérables. On ne doit point mettre au nombre des sortes d’alun, ce qu’on nomme alun catin, alumen catinum. Voyez Soude ; ni l’alun scaïole. Voyez Plâtre. Et l’on doit bien distinguer l’alun de plume d’avec l’amiante ou asbeste. Voyez Amiante.

☞ Tournefort dit que pour le distinguer de l’amiante avec lequel on le confond souvent, il n’y a qu’à le mettre sur la langue pour savoir s’il a le goût de l’alun : l’amiante au contraire est insipide.

Le mot alun vient du mot grec ἅλς, qui signifie sel ; il peut aussi venir de lumen ; à cause qu’il donne de l’éclat aux couleurs. On ne sauroit guère teindre ni enluminer sans alun ; car c’est le principal des sels minéraux dont on se sert dans la teinture ; & c’est comme un lien entre l’étoffe & la couleur ; de même que les huiles gluantes & les eaux gommées font un lien à l’égard de la peinture & de l’enluminure. L’alun dispose les étoffes à recevoir la couleur, & à leur donner la vivacité, comme on voit à la cochenille & à la graine d’écarlate, dans lesquelles on mêle aussi quelque acide & même de l’eau forte, pour donner de la vivacité à leur couleur rouge, & leur ôter le violet. L’alun fait ses effets par la stipticité, ou vertu astringente qui lie la matière délicate des couleurs, & empêche qu’elles ne s’évaporent. L’alun empêche que le papier qui en est trempé ne boive. Tout alun dissous dans l’eau qui vient à se coaguler, prend la figure pyramidale, ou le tétraèdre composé de quatre triangles fort égaux. Les anciens Médecins & les plus modernes conviennent assez sur la vertu & l’usage de l’alun, tel qu’on vient de le décrire. Il est astringent, bon pour arrêter les hémorragies & les pertes ; l’alun calciné est employé pour ronger les chairs baveuses des ulcères. Ramusio, dans son Recueil de navigations & de voyages, fol. 236. parle d’un alun appelé en Europe, Alun d’Alexandrie, & qui s’apporte de l’île d’Ormus, dans la mer Rouge.