Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ALLÉGORIE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 235).
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ALLÉGORIE. s. f. Figure de Rhétorique, qui est une métaphore continue, quand on se sert d’un discours qui est propre à une chose pour en faire entendre une autre : ☞ ou bien discours par lequel, outre le sens qu’expriment naturellement les paroles, on veut faire entendre quelque chose qui y a du rapport : ou, comme dit M. du Marsais, c’est un discours qui est d’abord présenté sous un sens propre, qui paroît toute autre chose que ce qu’on a dessein de faire entendre, & qui cependant ne sert que de comparaison pour donner l’intelligence d’un autre sens qu’on n’exprime point. Allegoria. L’allégorie, pour être belle, doit être ingénieusement continuée. S. Evr. Il y a dans les Peres de l’Eglise des allégories bien froides, & qui ne sont fondées que sur quelque étymologie grammaticale, ou sur des jeux de mots auxquels ils font allusion. M. Simon. L’Ancien Testament est une perpétuelle allégorie des mystères contenus dans le nouveau. Philon Juif a fait trois livres des allégories sur l’ouvrage des six jours. L’usage des allégories ne s’est introduit que fort tard parmi les Payens ; c’est-à-dire, lorsque les Philosophes voulurent rendre raison des fables, & des anciennes histoires des Dieux. Il fallut faire accroire à ceux qui étoient choqués de ces absurdités, que les Poëtes avoient pensé toute autre chose que ce qu’ils avoient dit ; & de-là vient le mot d’allégorie. Car un discours qui, à le prendre dans son sens propre, ἀλλὸ ἀγορεύει, signifie toute autre chose que ce que l’on veut dire, est ce qu’on appelle proprement une allégorie. Ainsi parmi les Grecs on tourna l’histoire en allégorie, de peur que l’on ne crût que les Dieux de la Grèce avoient été des hommes assez corrompus. Les Juifs trouverent cette méthode d’expliquer la religion admirable, de s’en servirent pour interpréter les livres sacrés d’une manière plus conforme au goût des Payens. Clément d’Alexandrie donna beaucoup dans les allégories. Origène, qui avoit l’imagination vive & féconde, est tout plein d’allégories. Il appeloit corporels ceux qui s’attachoient trop à la lettre, & qui ne s’appliquoient pas à découvrir le sens mystique caché sous chaque mot & sous chaque syllabe. M. Simon.

Il se dit aussi des tableaux, dans lesquels ce qui est peint, fait entendre autre chose que ce qui est représenté. Il y a trop d’allégories dans ces tableaux. ☞ Quand on charge un tableau d’allégories, il faut au moins que les figures symboliques dont le Peintre fait usage, soient assez connues pour faire deviner le sujet.