Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ALIMENT

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 230-231).
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ALIMENT. s. m. Nourriture nécessaire pour faire croître & subsister tout ce qui a vie, ou quelque chose d’analogue à la vie. Alimentum. Les Médecins appellent aliment, tout ce qui peut être dissous par le levain de l’estomac, ou par la chaleur naturelle, & changé en chyle, pour devenir sang, & réparer la dissipation continuelle des parties du corps. Le pain est le meilleur aliment de l’homme, l’avoine des chevaux. L’eau est le principal aliment des plantes. M. Bernier dit qu’on ne doute pas qu’au bout de sept ou huit ans toute la matière de notre corps ne fasse place à celle des alimens. Les paysans sont d’ordinaire allez stupides, parce qu’ils ne se nourrissent que d’alimens grossiers & terrestres, qui ne peuvent faire qu’un chyle & un sang fort grossier. Bayl. On ne connoît pas facilement le mystère de la digestion des alimens, & de leur transmutation en chyle, & en sang. Roh. Fottunius Licetus a fait un livre in folio de ceux qui ont vécu long-temps sans alimens. Cyriacus Lentulus, Sennert, Fabricius Hildanus, & Velochius, ont aussi écrit sur ces grands jeûneurs. On a vû un fou dans les Petites-Maisons de Harlem en l’année 1685, qui s’imaginoit être le Messie, & qui, pour l’imiter, fit un jeûne de 40 jours & 40 nuits sans prendre aucun aliment. Après quoi on lui donna à manger peu à peu. Il souffrit les premiers jours de grandes tranchées, ensuite il mangea comme à l’ordinaire, & ne sentit plus de douleur.

Aliment, se dit aussi de la séve des plantes.

De nouveaux rejetons, qui comme autant de bouches,
Attirent l’aliment, & forment la liqueur,
Qui de l’arbre au printemps fait toute la vigueur.

Perr.

Aliment, se dit figurément. L’étude, la contemplation, sont les alimens de l’esprit. Nutrimentum. Les sciences sont les alimens de l’esprit ; elles le nourrissent. La Bruy. Le bois est l’aliment du feu. Ignis alimentum.

Il se dit aussi de ce qui entretient une maladie.

De l’hydropique enflé la soif insatiable
Cherche en vain dans les eaux à se désaltérer :
Plus il boit, plus il enfle, & la soif qui l’accable
Ne se peut tempérer.

Il en porte la cause en ses brûlantes veines ;
C’est de-là que le mal tire son aliment ;
Qu’il éteigne ce feu, s’il veut calmer ses peines,
Et finir son tourment.

☞ C’est une foible traduction de ces beaux vers d’Horace.

Crescit indulgens : sibi dirus hydrops,
Nec sitim pellit, nisi causa morbi
Fugerit venis, & aquosus albo
Corpore langor.

Alimens au plur. se dit en Jurisprudence, non-seulement de la nourriture, mais encore de l’entretien, ou des habits, & du logement, comme étant des choses nécessaires à la vie. Les enfans naturels se font adjuger des alimens contre leurs peres. En matière d’excès & de blessures, on adjuge des provisions pour alimens & médicamens. Les parrains ne sont obligés aux alimens envers leurs filleuls que par une loi de bienséance, & de charité.