Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/AIR

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 194-197).
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AIR. s. m. Corps léger, fluide & transparent, qui environne le globe terrestre. Aër. Ce mot Air vient du latin aër, qui signifie la même chose, & qui s’est formé du grec ἀήρ qui est aussi la même chose ; mais sur l’origine duquel les opinions sont partagées, même parmi les Grecs. Platon en rapporte trois : la première le fait venir d’αἴρω, tollo, j’emporte, quia αἴρει τὰ ἀπὸ τῆς γῆς, il emporte, il enlève ce qui est sur la terre ; la seconde de ἀρὶ toujours & ῥέω, je coule, parce que l’air est toujours fluide ; & la troisième de ῥέω encore, mais parce que c’est sa fluidité & son mouvement qui fait le vent. Un vieux Lexique le tire de l’α privatif, & de ὁράω, je vois : Henri Étienne a trouvé cette étymologie très-fausse ; Constantin ne l’a point méprisée. Pour la confirmer il dit, ce qui est vrai, que l’air n’a point de lumière de lui-même, qu’il n’est éclairé que par les astres ; que ἀήρ se prend souvent chez les Grecs pour les ténèbres. Cela est encore certain ; on peut le voir dans Hésiode, dans Théocrite, &c. D’autres en plus grand nombre le dérivent de ἄω, flo, je souffle, & Henri Étienne d’ἄημι, qui a la même signification. Mais dans ce sentiment on ne sait d’où vient le , dernière lettre d’ἀήρ. J’aimerois mieux le faire venir de αἴρω ; ensorte qu’il signifiât une chose légère, qui s’élève au-dessus des autres, ou peut-être de l’hébreu אור lumière, parce que de tous les corps, c’est celui qui reçoit le plus la lumière, & qu’il nous la transmet. De plus, אור s’est dit des influences des nuées, de la pluie, des exhalaisons, comme les Hébreux le prétendent sur Job, XXXIII 11. 21. & XXXIV. 30. & Ps. CXXXVIII. 11. Il a bien pû se prendre aussi pour l’air, sur-tout en passant dans une autre langue. Le P. Pezron prétend, mais sans preuves, dans l’Ant. de Celt. qu’aër est un ancien mot Celtique, duquel vient le grec ἀήρ, le latin aër & le françois air. L’air se divise en basse, en moyenne, & en suprême région. La région basse, ou inférieure de l’air, est celle que nous habitons, & que l’on borne par la réflexion des rayons du soleil. Elle est tantôt froide, tantôt chaude, suivant la diversité des climats, & des saisons. La moyenne région de l’air, est l’espace d’air depuis le sommet des plus hautes montagnes, jusqu’à la basse région de l’air que nous respirons. Elle est froide & humide, à cause des vapeurs, & des exhalaisons que le soleil y élève. La région supérieure de l’air, est celle qui s’étend depuis la cime des montagnes jusqu’au terme de l’atmosphère. Elle est plus pure, plus raréfiée, & plus légère que les autres. Au-dessus est l’Ether ou la matière éthérée. L’air differe de la matière éthérée, entre autres choses, dit M. Harris, en ce que les rayons de la lune, & des astres supérieurs, souffrent une réfraction en y entrant, ce qui n’arrive pas dans la matière éthérée. Et en effet, comment feroit-elle une réfraction ; puisque les astres nagent dans cette matière ? M. Hook, dans sa Micrologie, pag. 13. semble croire que l’air n’est autre chose qu’une espèce de teinture & de dissolution des parties terrestres & aqueuses, agitées par la matière éthérée ; & il suppose que ces parties sont de la nature du sel. Les Anciens n’ont point connu la pesanteur de l’air. On la connoît par le baromètre, sa chaleur par le thermomètre, sa sécheresse par l’hygromètre.

C’est Galilée qui a le premier découvert la pesanteur de l’air, & qui l’inféra de ce que l’eau s’arrête & demeure suspendue dans les pompes à 34 ou 35 pieds. Après lui Torricelli continua de prouver la même chose par de nouvelles expériences. M. Boyle, après des expériences réitérées, a avancé que la pesanteur de l’air est à l’eau comme 1000 est à 1. M. Hallay, dans les Transactions Philosophiques, n. 181. dit, que selon plusieurs expériences la pesanteur spécifique de l’air proche de la surface de la terre, est à celle de l’eau, comme 1 à 840, comme 1 à 852, comme 2 à 960, & qu’il l’a ainsi conclu de plusieurs expériences, le mercure s’arrêtant toutes ces fois-là environ à 29 pouces ¾ ; mais parce que ces expériences ont toutes été faites en été, & que conséquemment l’air étoit raréfié, il croit que l’on peut dire, sans crainte de se tromper sensiblement, que le mercure demeure suspendu à la hauteur de 30 pouces, & que dans un temps mitoyen entre la chaleur & le froid, la pesanteur spécifique de l’air est à l’eau comme 1 à 800. Ainsi puisque le mercure est à l’eau comme 13, ½ est à 1, le mercure doit être à l’air comme 10800 est à 1 & une colonne d’air de 10800 pouces, est égale à 1 pouce de mercure. Et si l’air étoit par-tout également dense, ou également comprimé, la hauteur de l’atmosphère ne devroit pas être moindre de 5 milles & 3/10 de mille ; & si on élevoit le baromètre au-dessus de la surface de la terre, à chaque 900 pieds, le mercure devroit descendre d’un pouce ; mais parce que l’air n’est pas également comprimé par-tout, il s’ensuit que l’atmosphère a plus de 5 milles de hauteur. On a trouvé l’invention de pomper l’air pour faire du vide, par la machine de M. Boyle. M. Mariotte, dans ses Essais de Physique, dit que l’air se peut dilater plus de quatre mille fois davantage qu’il n’est auprès de la terre, avant que d’être dans sa dilatation naturelle, telle qu’il l’a au haut de l’atmosphère, où il n’est chargé d’aucun poids. Sa hauteur, suivant son calcul, ne va guère qu’à 20 lieues ; & elle n’iroit pas à 30 quand il seroit huit millions de fois plus raréfié que celui qui est près de la terre. Voyez cependant ce qu’on va dire à cet égard peu après dans ce même article sur d’autres observations. Le même Mariotte prétend que l’air est bleu, contre l’opinion de plusieurs qui le croient sans couleur. Quelques-uns soutiennent que l’air des lieux souterrains n’est pas effectivement plus froid en été, mais qu’il paroît seulement tel en comparaison du dehors, qui est beaucoup plus chaud. On infere de la pesanteur de l’air, que la terre est autant comprimée par l’air qui l’environne, que si elle étoit par tout couverte d’eau à la hauteur de 31 pieds. Borelli dit, que l’air est composé de corpuscules, ou petites lames dures, flexibles, capables de ressort, & qui faisant plusieurs tours en ligne spirale, forment la figure d’un cylindre creux. 

M. Harris croit que l’air est composé de trois différentes espèces de corpuscules. Les premiers y sont envoyés par forme d’exhalaisons, ou vapeurs de la terre, de la mer, de tous les corps des animaux, des végétaux, & des minéraux par le moyen du soleil, ou de la chaleur souterraine. La seconde espèce sont des parties encore plus subtiles, qui y sont envoyées par les corps célestes, & par les ruisseaux de la matière magnétique qui sort de la terre, & de l’eau. La troisième espèce mérite peut-être plus proprement le nom d’Air, étant les parties propres & spéciales de l’air, pris dans sa signification étroite. Ce sont des corpuscules qui ont une vertu élastique, constante & permanente ; car cette vertu, dit-il, est une propriété essentielle de l’air, qui ne convient aux autres liquides qu’autant qu’ils participent de l’air, ou qu’ils renferment des parties d’air. Il est donc probable, continue-t-il, que notre air est composé ou abonde de parties, dont la nature est de se rétablir d’elles-mêmes, autant qu’elles le peuvent, dans leur premier état, en s’étendant quand elles ont été comprimées. Suivant les expériences communes, la pesanteur de l’air, proche de la superficie de la terre, est à peu-près à l’égard de l’eau, ce que 1 est à 800 ; mais les altérations qui arrivent dans l’air, font qu’il pese ou plus ou moins, sur la surface de la terre. Quelquefois le poids de toute l’atmosphère est balancé par 28 pouces de vif-argent, & quelquefois par 30. Outre cela le froid & le chaud dilatent, ou compriment l’air, & par conséquent en changent la pesanteur. De plus, les exhalaisons des parties insensibles, qui s’échappent presque de tous les corps, & qui demeurent suspendues en l’air, en augmentent la pesanteur. Sur ce pied-là, si l’air étoit également condensé, toute l’atmosphère n’auroit guère plus de cinq lieues de hauteur. Mais comme les parties supérieures de l’air sont beaucoup plus raréfiées que les inférieures, chaque espace qui répond à un pouce de vif-argent, & qui est de 900 pieds d’air, s’augmente aussi, ensorte que la hauteur de l’atmosphère devient beaucoup plus grande. En effet, on suppute qu’à la hauteur de 41 lieues l’air est si raréfié, qu’il occupe un espace 3000 fois plus grand qu’ici. Il est probable qu’il n’y a aucune partie de l’atmosphère qui soit élevée plus de 45 lieues sur la superficie de la terre. Borelli a encore observé, que bien que l’air remplisse naturellement beaucoup de place, il peut être réduit à un petit espace ; que dans une grande condensation, telle que dans les arquebuses à vent, le lieu qu’il occupe est différent de l’ordinaire d’un à 2000 ; & ce resserrement est la cause que l’effort qu’il fait pour se remettre dans son état naturel, est si violent. M. Boyle, dans son Traité sur l’admirable raréfaction de l’air, dit que l’air peut occuper 52000 fois plus d’espace qu’il ne fait ordinairement ; il ajoute que par des expériences incontestables, il a trouvé que la même quantité d’air mise dans le récipient en l’état où le met la seule pression de l’atmosphère, & sans le secours d’aucune chaleur étrangère, pour augmenter son ressort, pourra occuper 13000 fois plus d’espace qu’il ne fait dans son état naturel. Le même M. Boyle croit que l’espace qu’occupe l’air comprimé, est toujours en proportion réciproque avec la force qui le comprime. Voyez ce qu’en infere Grégory, Astron. pag. 401. Il n’est pas aisé d’expliquer comment il faut que les particules de l’air soient formées, pour être capables d’une si grande raréfaction, & d’une si grande condensation. M. Harris croit cependant qu’on peut assez aisément concevoir cette prodigieuse compression & dilatation de l’air, si l’on suppose que chaque particule élastique de l’air est entortillée autour de son propre axe, comme le ressort d’une montre, ou comme un rouleau de ruban. Car si cela est, les parties de chaque rouleau doivent faire effort pour s’éloigner par leur propre mouvement de leur axe, & l’effort doit être plus ou moins grand, à proportion de la vîtesse de leur mouvement ; & elles se mettroient en liberté, & s’étendroient de toute leur longueur, si elles n’en étoient pas empêchées par les particules semblables qui les environnent. Mais si elles étoient une fois délivrées de ce poids extérieur qui les comprime, alors elles se développeroient d’elles-mêmes, & par leur propre ressort, & étendroient leur rouleau, ou leur cercle, à un espace immense. C’est pour cela qu’une vessie où l’on n’a laissé que très-peu d’air, s’enfle dans le récipient jusqu’à se briser.

Par la même raison, continue-t-il, il est aisé de concevoir comment la chaleur peut causer une raréfaction dans l’air. Car le mouvement rapide des parties calorifiques, doit nécessairement mettre en mouvement celles de l’air, & faire par ce moyen qu’elles s’efforcent plus de s’éloigner de l’axe de leur mouvement, & conséquemment de se dévider, de se dérouler davantage, & d’occuper un plus grand espace : & en étendant leur ressort, il faut qu’elles pressent & poussent les autres corps, & qu’elles s’en débarrassent & s’en séparent. Reyer, dans une Dissertation sur l’air, donne aussi des parties spirales & serpentines aux parties de cet élément.

Monconis, Tom. II. p. 33. parle d’un Anglois, nommé Dredel, qui savoit extraire un esprit subtil de l’air, qui répandu dans un air grossier qu’on n’eût pû respirer, faisoit tomber en bas les parties grossières, & le rendoit ainsi propre à la respiration. Il parle aussi d’un Italien, Jésuite, à ce qu’il croit, qui faisoit vivre des enfans tant qu’il vouloit sans qu’ils respirassent. ☞ Fable toute pure. C’est par l’air que nous vivons ; & l’expérience nous apprend qu’un homme périt dans le moment où le conduit par lequel nous recevons l’air, est fermé. Voyez le même Auteur, Ibid, pag. 40. où il parle plus en détail du secret de Dredel. Là même, p. 69. il est parlé d’une machine par laquelle un homme peut aller au fond de la mer, au moins à 60 brasses, & qui lui fournira l’air nécessaire pour respirer, pourvû qu’il ne s’y comprime pas trop.

De grands Physiciens ont trouvé par leurs expériences, que l’air ne pouvoit être condensé, que huit cens fois plus qu’il ne l’est sur la surface de la terre. Mais outre qu’il est permis de douter de l’exactitude de ces expériences, qui ont dû être très-difficiles, il se peut que tout notre art soit incapable de pousser l’air à une grande condensation.

Sur la condensation de l’air, & jusqu’où elle peut aller. Voyez M. Amoutons, Acad. des Sc. 1703. Hist. p. 6 & suiv. Mém. p. 101 & suiv.

☞ L’air que nous respirons, est un corps fluide, grave & élastique, répandu jusqu’à une certaine hauteur autour de la terre, & dont nous ignorons la figure, quelques conjectures que les Physiciens aient voulu faire là-dessus. La fluidité de l’air est démontrée par la facilité avec laquelle nous divisons ses parties ; sa gravité par le baromètre que l’on place dans le récipient de la machine pneumatique, & dont on voit descendre le mercure, à mesure que l’on pompe l’air contenu dans le récipient : enfin son élasticité par les effets merveilleux du fusil à vent. Ces trois qualités que l’on reconnoît généralement dans l’air que nous respirons, servent à expliquer les expériences les plus curieuses. Voy. les articles relatifs, fluidité, gravité, ressort, &c.

L’air contribue beaucoup à nous faire paroître le ciel étoilé. Car si la terre n’avoit autour d’elle aucune atmosphère, il n’y auroit de clarté que dans la seule partie du ciel qu’occupe le soleil ; & l’observateur, tournant les yeux au-delà & de tous les côtés, n’appercevroit uniquement dans le ciel qu’un fond obscur & comme plongé dans les ténèbres. En plein jour les moindres étoiles brilleroient, & cela assez près du soleil ; puisqu’il n’y auroit rien qui pût les effacer ; cette vive lumière du soleil n’étant réfléchie vers nos yeux par aucun corps que ce fût. Institut. Astronom. pag. 399.

Air, se dit par rapport aux qualités de l’air, par rapport à sa température, à sa constitution, selon qu’il est froid ou chaud, sec ou humide, sain ou mal sain. On dit bon air, mauvais air. Air grossier, subtil, pur, corrompu, infecté.

On dit, prendre l’air ; pour dire, se promener, changer d’air, aller en un lieu éloigné, ou bien découvert. On dit, donner de l’air à un tonneau, en ôter le bondon, de peur que le vin ne jette ses fonds. Prendre l’air du feu, pour dire, se chauffer en passant. On dit encore, qu’un homme a pris du mauvais air, quand il a été en un lieu où il a pris la peste. On dit que nous vivons d’air autant que de ce que nous mangeons. Non-seulement il entre dans nos corps avec les alimens, & par la respiration, mais encore il s’y insinue par les pores, & par la même voie par laquelle se fait la transpiration.

Lorsque l’air est corrompu, on le purifie en brûlant du romarin, du genièvre, du cyprès, du laurier, du sarment de vigne, du bois d’aloès, du santal, ou des gommes aromatiques ; comme de l’encens, du storax, du calamus, du benjoin, & autres semblables. Voyez les Règlemens pour la salubrité de l’air dans le Traité de la Police de M. de la Marre, Liv. IV. Tit. II ch. i & suiv.

☞ Dans un sens moral, on dit figurément que l’air du monde est contagieux ; pour dire, que la fréquentation du monde est pernicieuse, préjudiciable à l’innocence. L’air du monde est infecté, & fait presque toujours des impressions malignes sur les personnes d’une profession retirée, aussi-tôt qu’elles le respirent. Ab. de la Tr. Le seul air du monde est si dangereux, que les ames les plus innocentes & les plus vigoureuses ont peine à se défendre de ses impressions. Id.

☞ En l’air. Façon de parler employée au propre & au figuré. Au propre, on dit d’un homme toujours prêt à sauter, à danser, qu’il a toujours le pied en l’air. Et en parlant d’une chose qui ne paroît presque soutenue de rien, on dit qu’elle est toute en l’air. Cet escalier, ce cabinet, ce bâtiment paroît tout en l’air, est tout en l’air.

☞ Au figuré, pour marquer que la fortune d’un homme n’a point de fondement solide, on dit qu’elle est toute en l’air.

☞ Cette façon de parler est encore employée dans le sens figuré, pour désigner des choses qui sont sans fondement, sans effet, qui n’ont aucune vérité, aucune réalité. On dit des choses en l’air. On forme des desseins en l’air. On fait des menaces en l’air, des contes en l’air.

Faudra-t-il de sang froid, & sans être amoureux
Pour quelque Iris en l’air feindre le langoureux ?

Boil.

On dit en termes de guerre, la droite de notre brigade étoit en l’air. La gauche de notre bataillon étoit en l’air. On tira le bataillon que nous avions à notre gauche, & on le porta au centre, qui plioit, pour le soutenir ; par-là notre gauche demeura en l’air. J’ai trouvé cette expression dans une pièce manuscrite d’un Officier général, très-bien écrite. Elle signifie, qu’il y a dans une ligne d’armée un grand vide par où les ennemis pourroient entrer, & qui fait que la droite ou la gauche d’un bataillon, ou d’une brigade, est trop éloignée du corps, ou du bataillon le plus voisin ; qu’elle n’est point appuyée & soutenue de ce bataillon, qui n’est pas dans la distance requise. C’est ce qui s’appelle être en l’air.

En termes de Jardinage, un arbre en plein air, c’est un arbre qui a une tige de six pieds, parce qu’il jouit pleinement de l’air, sans qu’aucun mur l’en puisse empêcher. Liger.

Air, se dit pour vue. Prospectus, aspectus. Voilà une maison en bel air, c’est-à-dire, en belle vue ; qui est bien exposée de tous côtés, qui n’est point couverte, qui a des vues libres de toutes parts. Quæ campos longè, latèque prospicit, circumquaque prospicit.

En termes de Poësie on dit, les plaines de l’air, les campagnes de l’air. Aura, cœlum. Ganymède fut enlevé dans les airs. Junon est la Déesse de l’air. Quoique les Poëtes disent, voler dans les airs, régulièrement l’air n’a point de pluriel en prose. Ménag.

Air, ou Aire de vent, terme de Marine, signifie, un des 32 vents que l’on marque sur la boussole. Ventus venti regio, Trames. On dit aire, & non pas air. Voyez ce mot.

Air, signifie aussi, souffle, vent, haleine. Spiritus, Halitus, Aura. Le vent est défini par les Philosophes, un air agité. Il fait un air vif & piquant.

☞ En parlant d’une affaire qui est sur le bureau devant les Juges, & généralement de toutes les affaires qui sont à la décision des hommes, on dit que l’air du bureau est favorable à quelqu’un, pour marquer que ce qui paroît du sentiment des Juges, fait croire qu’il gagnera son procès. On dit au contraire que l’air du bureau n’est pas pour lui ; pour dire, que les avis paroissent être contre lui.

Air, signifie aussi la façon d’être, de se tenir, de marcher, de parler, d’agir, & généralement tout ce qui concerne le maintien, la contenance, la mine, le port & toutes les façons de faire. Oris corporisque habitus. On dit en ce sens, marcher, parler, se tenir, s’habiller, se mettre de bon air, de mauvais air, d’un air ridicule. Avoir l’air noble, grand, spirituel, l’air guerrier, d’un homme de Cour. L’air Bourgeois, Provincial. L’air triste, sérieux, refrogné. L’air hautain, méprisant. Il faut à celui qui regne un air d’empire & d’autorité. La Bruy. D’où vous vient aujourd’hui cet air sombre & sévère ? Boil.

Air, manières, dans une signification synonyme. L’air, dit M. L’Abbé Girard, semble être né avec nous, il frappe à la première vue. Les manières viennent de l’éducation ; elles se développent successivement dans le commerce de la vie. Il y a un bon air à toutes choses qui est nécessaire pour plaire. Ce sont les belles manières qui distinguent l’honnête-homme.

l’Air, dit quelque chose de plus fin ; il prévient. Les manières disent quelque chose de plus solide ; elles engagent. Tel qui déplaît d’abord par son air, plaît ensuite par ses manières.

☞ On se donne un air. On affecte des manières. Les airs de grandeur que nous nous donnons, ne servent qu’à faire remarquer notre petitesse, dont on ne s’appercevroit peut-être pas sans cela. Les mêmes manières qui siéent quand elles sont naturelles, rendent ridicules quand elles sont affectées.

☞ On dit composer son air, étudier ses manières. Pour être bon courtisan, il faut savoir composer son air selon les différentes occurrences, & si bien étudier ses manières, qu’elles ne découvrent rien des véritables sentimens.

Air dans la signification d’apparence. On dit un air de grandeur, de noblesse, de simplicité. Il y a dans cette maison un air de magnificence qui étonne tout le monde.

☞ On dit, qu’un homme a bien l’air de faire une chose, ou de ne pas la faire ; pour dire, qu’on juge qu’il la fera ou qu’il ne la fera pas. Acad. Fr.

☞ Avoir l’air à la danse, pour dire, avoir de la disposition pour donner bonne grâce. On le dit aussi figurément & familièrement, pour avoir l’air vif, éveillé, de la disposition à réussir à ce qu’on fait. Acad. Fr.

☞ On dit d’un homme, qu’il se donne des airs ; pour dire qu’il affecte des manières qui le rendent ridicule. Efferre arroganter, superbè.

☞ On dit aussi se donner des airs importans, des airs d’un homme à bonne fortune. Mais il y a de bons Ecrivains qui condamnent toutes ces façons de parler si ordinaires. Ils veulent qu’on dise simplement affecter des manières ridicules ; faire l’homme important ; faire l’homme à bonne fortune ; & c’est le plus sur.

☞ Borel dit que le mot air autrefois signifioit aussi colère, & il cite ce vers du Roman de Perceval.

Si fiert & fiert par grand air.

Et ailleurs,

Si va le Chevalier férir
Sur son escu de grand air.

Air, se dit aussi de tout ce que l’on donne aux choses, de la manière dont on les tourne, du caractère qui les distingue. Ratio dicendi, loquendi, scribendi. Ce second écrit est d’un air tout différent du premier. Il y a des gens qui gâtent les choses par le mauvais air qu’ils leur donnent. Les Fables de Phédre ont un air de simplicité, qui cache un sens fort juste & fort noble. M. Scud.

Air, signifie encore une certaine vraisemblance qui résulte de toute la personne, & particulièrement des traits du visage. Oris habitus, forma. On dit que deux hommes ont bien l’air l’un de l’autre ; qu’un enfant à beaucoup de l’air de son pere. Ore, vultu refert patrum. On voit les traits de son visage dans ce portrait, mais l’air n’y est pas. Il y a des peintres qui, quelque habiles qu’ils soient, ont bien de la peine à attraper cet air qui distingue un visage d’un autre. Bouh.

☞ En Peinture, en Sculpture, on dit un air de tête, des airs de tête ; pour désigner, l’attitude, la manière dont une tête est dessinée. De grands, de beau, de vilains airs de tête. Ce Peintre a de beaux airs de tête. Exceller dans les airs de tête, varier ses airs de tête.

☞ On dit encore l’air d’un tableau, pour exprimer, que la couleur de tous les corps est diminuée selon les divers degrés d’éloignement. Cette diminution s’appelle la Perspective Aerienne. Il y a de l’air dans ce tableau.

Air, en terme de Musique. C’est proprement le chant qu’on adapte aux paroles d’une chanson, ou d’une petite pièce de Poësie, propre à être chantée ; & par extension on appelle air la chanson même. Cantilena, canticum. En général, on appelle air tout morceau de Musique, soit vocale, soit instrumentale, qui a son commencement & sa fin. Si le sujet est divisé entre deux parties, l’air s’appelle duo ; entre trois, trio. ☞ Rousseau de Genève. Faire un air sur des paroles, des paroles sur un air. Air de violon, air gai, triste. Air à boire.

Air. Terme de Manége, signifie proprement les allures d’un cheval. On dit qu’un cheval a tous les airs, pour dire, qu’on le manie comme on veut : mais on entend ordinairement par-là le mouvement des jambes d’un cheval avec une cadence & une liberté naturelle qui le fait manier avec adresse. Scitus equi motus, incessus. On dit qu’un cheval prend l’air des courbettes, qu’il se présente bien à l’air des cabrioles ; pour dire, qu’il a de la disposition à ces sortes d’airs. Les courbettes & les airs mettent parfaitement bien un cheval dans la main, le rendent léger du devant, le mettent sur les hanches. Ces airs le font arrêter sur les hanches, le font aller par sauts, & l’assurent dans la main. Newc.

On dit, qu’un cheval a les airs relevés ; pour dire, qu’il s’éleve plus haut qu’au terre-à-terre, & qu’il manie à courbette, à croupades, à ballotades, à cabrioles.

Air, terme de Liturgie. On appelle air dans l’Eglise grecque, le voile qui couvre le calice, & le disque, ou la patène. On appelle ce voile air, dit S. Germain de Constantinople, parce qu’il couvre ce qui est offert sur l’autel, comme l’air entoure la terre de tous côtés.

Air, est aussi une partie du sciade, qui étoit un ornement de tête des Empereurs Grecs. L’air est la partie du sciade qui avance en pointe par devant.

Air, en Mythologie. Les Grecs adoroient l’air, tantôt sous le nom de Jupiter, tantôt sous celui de Junon. Jupiter présidoit à la partie supérieure, & Junon à la partie inférieure de l’atmosphère.