Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/AGARIC

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 151).

AGARIC. s. m. Terme de Botanique & de Pharmacie. Agaricus, Agaricum, Fungus laricis. C’est une plante qui est de la nature du champignon, dont il ne différe que par sa structure, & parce qu’il s’attache au tronc des arbres. Quelques-uns croient que c’est une excroissance, une tumeur produite par une maladie de l’arbre. On croit que celui qui nous est apporté du Levant, vient de la Tartarie. Il y a plusieurs espèces d’agaric par rapport à leur différente conformation, & par rapport aux arbres sur lesquels elles croissent. Il y a un mauvais agaric qui ne croît pas sur le larix, mais sur les vieux chênes, les hêtres, &c. & dont l’usage seroit très-pernicieux. Celui qui est employé en Médecine, est blanc, léger, friable, très-amer, & s’attache au tronc du Larix, Mélise, ou Mélèze, ou de ses espèces. Cet agaric est appelé Agaric femelle, & on l’apporte des Alpes, sur-tout du Briançonnois & du Trentin. Celui qui vient du Levant est beaucoup plus blanc, plus léger & plus estimé ; il croît sur le Cédre, arbre qui est une espèce de Mélise. Ce qu’on appelle Agaric mâle, est un agaric compact, jaunâtre, quelquefois brun, & qui croît sur les noyers & sur d’autres arbres. Les teinturiers se servent de ce dernier pour teindre en noir. L’agaric est purgatif : on le joint ordinairement à d’autres purgatifs, à cause qu’il agit fort lentement. Il paroît avoir été fort estimé des Anciens, & l’est peu aujourd’hui avec raison. Par le long séjour qu’il fait dans l’estomac, il excite des vomissemens, ou tout au plus des nausées insupportables, suivies de sueurs, de syncopes & de langueurs qui durent beaucoup. Il laisse aussi un long dégoût pour tous les alimens. L’agaric est chaud & astringent ; il appaise les tranchées, la sciatique, la suffocation de la matrice. L’on en fait un sirop propre aux mêmes maux, & qui outre cela purge, soulage les maladies du cerveau, le haut-mal, les douleurs d’estomac & de rate, & fait uriner. Etant pris un peu avant les accès de fièvres intermittentes, il retarde le frisson ; c’est aussi un contre-poison contre la morsure des bêtes venimeuses ; c’est pourquoi il entre dans la thériaque. On peut en user, ou simplement, ou le faire infuser dans de l’eau mêlée, ou dans du vin. La dose est d’une drachme jusqu’à deux, suivant la force des gens. Chomel. L’agaric en naissant n’est pas de la même couleur, que quand il est parfaitement formé. Au commencement il est d’un vert pâle ; mais il est blanc étant parvenu à sa maturité. Il sert à relever l’éclat de l’écarlate. Le vrai est celui qui se trouve sur les Mélises ; car le fossile, que quelques Naturalistes appellent le Lait de la Lune, n’en a qu’improprement le nom, & n’en a pas tous les effets. Chomel. Voici en quoi l’agaric mâle differe de l’agaric femelle. Le premier a la superficie rude & raboteuse ; sa substance intérieure très-fibreuse, ligneuse, difficile à diviser, de diverses couleurs, hormis la blanche ; il est pesant. Le second au contraire, a la superficie fine, lisse, brune ; il est intérieurement blanc, friable, & se met aisément en farine ; & par conséquent il est léger. Tous deux se font d’abord sentir doux sur la langue, & ensuite âcres & amers ; mais le mâle a plus d’amertume & d’âcreté. Celui-ci ne s’emploie point en Médecine, & peut-être est-ce le même que celui qui ne croît pas sur le Larix. M. Bolduc appelle l’Agaric mâle, faux agaric. Cet habile Chimiste a fait différentes opérations sur l’agaric. On les peut voir dans l’Histoire de l’Académie des Sciences, 1714. p. 28 & 29.

Ce nom lui a été donné d’une province de Sarmatie, nommée Agarie, d’où il est venu d’abord, à ce que dit Dioscoride. Scaliger dit qu’il se trompe, & que le nom de pays est imaginaire, aussi-bien que le pays même. Mais Saumaise, dans son Livre de Homonymis, a justifié Dioscoride. Plusieurs Auteurs, & entr’autres Gallien, en parlent comme d’une racine. Mais l’opinion commune est que c’est une espèce de champignon, qui s’engendre sur le tronc des arbres. Pline dit que toutes sortes d’arbres portans gland, portent l’agaric : mais il se trompe.